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Les romans historiques
De la Révolution française au 20e siècle

Pour les périodes antérieures et le point de vue sous lequel ces pages sont envisagées, voir ici

A cheval sur les deux périodes que nous avons définies, Les dames de Deepwater de Pamela Jekel (J'ai Lu) est une fresque qui couvre un siècle décisif pour l'Amérique, depuis les prémisses de la lutte pour l'indépendance en 1770 jusqu'à la fin de la guerre de Sécession. Le temps des colons et des autochtones, des révolutionnaires et des loyalistes, des abolitionnistes et des esclavagistes, des hommes et des femmes, des soumis et des rebelles. C'est un roman d'oppositions de personnalités et d'idéaux. Mais c'est surtout de magnifiques portraits de femmes, une lignée de femmes qui essaient de se battre pour exister contre leur temps, ses contraintes, ses préjugés, ses rites religieux. Et même contre l'amour; à moins que ce soit pour l'amour, celui qui les accepterait telles qu'elles sont. Le contexte historique est très présent, les personnages y sont profondément ancrés, l'un et les autres servant bien le propos de recréer une époque dans toute sa complexité.

> Le temps des révolutions

Daphné du Maurier est l'auteur de nouvelles célèbres, de romans non moins connus que beaucoup ont découvert dans les versions filmées (comme les Oiseaux ou Rebecca). Souvent aussi elle a choisi l'Histoire comme cadre de ces romans. Cette fois elle nous propose un roman-biographie, celle de sa famille française, originaire de la région du Mans, à la veille de la Révolution. Un livre propre à satisfaire tous les amateurs et surtout à faire comprendre, de manière très documentée, des moments-clés de cette période, oh combien, aventureuse. Ses ancêtres sont maîtres-verriers et l'on s'installe dans le monde des manufactures, de leur vie quotidienne, celle des patrons comme celle des apprentis; de la vie économique aussi, celle du financement des investissements, des réussites et des faillites; de l'évolution sociale, les mariages possibles et ceux qui sont encore interdits, les riches bourgeois et les pauvres aristocrates mais qui n'en restent pas moins les privilégiés.
L'auteure nous fait vivre des tensions intenses, comme celle de "la grande Peur" de 1789, l'incroyable impact des rumeurs savamment distillées et la terreur qui envahit les campagnes. La famille est grande et les générations n'adoptent pas toutes le même camp; à cette époque, choisir un camp, ce peut être aussi choisir le pouvoir aujourd'hui, la guillotine demain ... Il y a de grandes et belles figures, des utopistes et des opportunistes, des traîtres et des martyrs. La bibliographie montre que l'auteure a puisé à bonnes sources, notamment dans les archives départementales.
Daphné du MAURIER, les souffleurs de verre, Livre de Poche.

Est-ce le récit d'une résistance ? D'une résistance conservatrice face au Progrès ? Ou plutôt l'histoire d'une résistance à l'anéantissement, à l'effacement de l'Histoire d'une poignée d'hommes et de femmes, échappés d'une horreur pour en affronter d'autres. Difficile de répondre tant le roman de Michel RAGON , "les mouchoirs de Cholet" au Livre de Poche, est riche en portraits, en tableaux, en situations. On est en Vendée entre 1796 et 1815 et les personnages sont des opposants à la Révolution:ils défendent leur village, leur misérable bout de terre, leur curé, leur paroisse et même leur seigneur. Ils défendent un monde qui disparaît, dans lequel chacun avait sa place et sa fonction, où à tort probablement, ils trouvaient une certaine Justice, si pas ici maintenant, au moins dans un au-delà qui chanterait pour les petits comme eux. Le livre est bouleversant, plein de détails qui restituent un quotidien sidérant, qu'aucun travail scientifique n'avait réussi à me faire percevoir jusqu'ici. On y touche du doigt les grandeurs et les limites de cette solidarité "d'autrefois", tant vantée et si mal comprise.

Elle a 20 ans, l'âge de toutes les espérances, mais la Terreur règne alors sur la France. De Louis XVI à la Restauration, pendant ce morceau d'histoire particulièremenr riche en péripéties, Sophie Trébuchet va épouser toutes les contradictions, vivre tous les excès s'engageant à corps et à coeur perdus dans les causes auxquelles elle croit, qu'elles soient politiques ou sentimentales. Mais quand elle deviendra la mère de Victor Hugo, ce monument national, on laissera dans l'ombre cette existence pleine de fougue et de vie. Geneviève Dormann a voulu redonner cette vie à son héroïne, quitte à scandaliser ceux qui ne voyaient en elle qu'une mère, forcément vertueuse, là où il y eut d'abord une femme au-dessus des conventions et des contraintes de son siècle. Pour ce qui nous concerne, on y trouvera aussi une précision et une qualité qui reconstituent très bien l'ambiance, les mentalités et les comportements de ces 50 années. On pense notamment à la description d'une exécution publique à laquelle assista le jeune Victor et dont on peut imaginer qu'elle forgera définitivement son opinion sur la peine de mort. Geneviève DORMANN, le roman de Sophie Trébuchet, Livre de Poche

Nous sommes en 1804. Alors que Napoléon a entamé ses chevauchées européennes, la France profonde a repris sa vie. Les Droits de l'Homme n'y ont pas changé grand chose: pour le paysan, c'est toujours la lutte pour le pain quotidien, un combat contre la misère que viennent encore aggraver la souffrance et la mort lorsque frappe l'épidémie. Un petit village du Poitou est le décor du roman de Marguerite GURGAND, les demoiselles de Beaumoreau, un petit village que bouleverse l'arrivée de trois soeurs chassées de Saint Domingue par la révolte des esclaves. Elles y retrouvent la maison familiale dans laquelle se mettent au travail leurs serviteurs noirs. Les préjugés, l'ignorance, les superstitions rendent la cohabitation difficile mais le récit de cette intégration est particulièrement bien mené, vivant, plein d'anecdotes sur la vie des campagnes à la veille de la mécanisation, la maladie, la médecine, les fêtes, les travaux agricoles , etc... (J'ai Lu)

Nous sommes dans les jeunes Etats-Unis au tournant du 19e siècle. La génération des grands fondateurs est toujours là, Franklin, Adams et Jefferson. C'est de ce dernier qu'il s'agit, Thomas Jefferson, 3ème président des USA ou plutôt de Sarah Hemmings, l'esclave noire qui fut, pendant 38 ans, sa maîtresse et la mère de 7 de ses enfants . On découvre dans ce roman la vie quotidienne d'une grande plantation, la condition des noirs avant la guerre de Sécession, toute l'ambiguité aussi entre le discours libérateur de certains blancs progressistes (dont Jefferson) et leur comportement privé. On voyage de Virginie à Philadelphie où l'on revit la rédaction et le vote de la déclaration d'indépendance; on traverse l'Atlantique pour suivre la prise de la Bastille par les yeux de Sarah alors âgée de 15 ans. C'est très beau, plein de sentiments passionnés, d'amour et de haine, de jalousie et de soif du pouvoir. Le livre contient aussi toute une réflexion sur la politique, sur les idées auxquelles on croit et qu'on ne peut mettre en pratique, sur les amis qui vous lâchent et les ennemis qui vous guettent... Une seule complication : suivre la généalogie dans des familles où les hommes avaient à la fois une épouse légitime (parfois plusieurs, vu la mortalité lors des accouchements) et une ou des maîtresses, toutes ces femmes ayant des enfants en grand nombre... Mais un tableau au début du livre permet de s'y retrouver !
Barbara CHASE-RIBOUD, La Virginienne, Livre de Poche

Se déroulant dans le même milieu, dans les mêmes années, l'Ange Noir de Catherine HERMARY-VIEILLE (Pocket) évoque la figure de Nat Turner, esclave noir qui mena une rebellion désespérée dans le Sud des Etats-Unis en 1830. Les personnages de la mère, Nancy, et de son fils qu'elle croit être le futur Messie, libérateur des esclaves, sont extrêmement attachants. La lecture est l'occasion de découvrir de manière forte et éclairante de nombreux thèmes : les relations maître-esclaves, celles des esclaves entre eux; la tranquille certitude des blancs quant à leur supériorité, quant à leur devoir aussi de dresser ces grands enfants que sont, à leurs yeux, les noirs; les mille et une ruses pour survivre au climat, à la dureté du travail, aux punitions sévères toujours, injustifiées souvent, la conscientisation des rares esclaves qui savent lire et leurs efforts pour éveiller leurs frères. Comme dans la Virginienne, on réalise aussi que les pires n'étaient pas les maîtres, mais plutôt les régisseurs, ces "petits blancs", méprisés par leurs semblables et qui se vengeaient sans scrupule sur plus faibles qu'eux.

On évoquera encore un dernier roman mettant en scène une révolte d'esclaves mais cette fois en Afrique du Sud bien avant l'Apartheid. En ce début du 19e siècle, les colons hollandais combattent chaque jour pour asseoir leur emprise sur des terres incultes, rebelles, arides, forçant à la soumission des dizaines d'autochtones noirs, avec un curieux mélange de justice biblique et de déchaînement d'une brutalité inconcevable. Ou plutôt si, car tout le roman témoigne de cette violence qui n'est pas le seul fait des maîtres mais de la vie en général : de la nature, de la loi, des relations familiales. On les sent tous pris dans une "struggle for life" qui ne permet aucune faiblesse et aucune tendresse envers qui que ce soit, l'esclave comme l'épouse ou les propres enfants.
L'auteur, André BRINK, un intellectuel afrikaner, nous a habitués à de grands romans sur les luttes pour l'égalité civique ( une saison blanche et sèche, adapté pour le cinéma en 1989 par Euzhan Palcy, avec Donald Sutherland, Susan Sarendon et Marlon Brando ou au plus noir de la nuit, par exemple). Un turbulent silence nous fait plonger dans une gigantesque fresque, une sorte de poème homérique, avec des personnages envoûtants et envoûtés, par le sexe, la magie et l'intensité de leurs émotions. (Livre de Poche)

On évoque parfois les débuts de la révolution industrielle mais peu de romans ont pour cadre les prémisses de ce grand bouleversement, lorsque les patrons cherchent à augmenter leur production parce que la concurrence est déjà rude mais que les moyens mécaniques ne sont pas encore prêts. Seul l'homme alors, presque un esclave, peut être encore un peu plus écrasé ... Mack est écossais, il n'a pas 20 ans mais refuse déjà l'avenir qui lui est promis. Il veut vivre debout et accepte, voire provoque les châtiments qu'occasionne sa rebellion, jusqu'à subir l'exil dans les colonies d'Amérique où il devient un forçat... Passionnant, comme tous les livres de cet auteur, que le récit de ce combat, celui que mène un homme pour sa dignité et sa liberté. Il se trouve au centre de multiples thèmes : les conditions de travail dans les mines de charbon en 1767, les premières luttes sociales lorsque tout l'appareil, politique, judiciaire, financier, défend l'ordre établi. Le travail des enfants, la justice privée, la délinquance et son impitoyable répression, l'esclavage au quotidien et les travaux forcés, et enfin les premiers pionniers de la conquête de l'Ouest, avec bien sûr de grandes et belles histoires d'amour qui permettent de suivre les relations hommes/femmes chez les pauvres comme chez les nantis. Attention, quand on le commence, il devient difficile de s'en arracher...
Ken FOLLETT, Le pays de la liberté, Livre de Poche

> Les 19e et 20e siècles

Le 19e siècle, les luttes ouvrières, les conquêtes sociales, la montée des dynasties industrielles du Nord de la France, les rapports entre classes sociales, les "vertus" du libéralisme et ses effets pervers, le tout dans un contexte historique puissant (notamment la courte vie de "la Commune" de Paris).
Jacques DUQUESNE, Maria Vandamme et Alice Van Meulen, Livre de Poche

Un tout autre milieu est décrit dans La valse inachevée de Catherine Clément qui nous entraîne à Vienne à l'époque de Sissi. On est loin du bonbon fondant hollywoodien. Le personnage de l'impératrice paraît complexe; indépendante, autoritaire, manipulatrice, peu décidée à se conformer aux usages de la Cour et aux contraintes de l'époque, elle détient un pouvoir important mais qui ne semble réussir ni à l'épouse, ni à la mère. L'autre héros est Franz Taschnik, un jeune employé du ministère des affaires étrangères, ce qui nous permet de suivre les grands évènements de cette fin d'Empire, autant du côté du sommet, le couple des altesses impériales François-Joseph et Elisabeth, que chez les petits fonctionnaires des chancelleries. Basé sur des documents réels, le roman exploite la veine du destin individuel de gens ordinaires, empêtrés dans les tourmentes de l'histoire (Livre de Poche)

Lorsque l'on décrit la Révolution industrielle, on évoque souvent les conditions de travail de ces nouveaux prolétaires, on relate aussi parfois les révoltes des anciens métiers, privés brutalement de gagne-pain. Je songe aux destructions des métiers à tisser mécaniques par exemple, à Lyon ou à Verviers. C'est plutôt cet aspect que le seigneur du fleuve de Bernard CLAVEL (J'ai lu) veut nous faire découvrir. Son héros conduit des cortèges de bateliers chargés de marchandises, qui montent et descendent le Rhone pour ravitailler les rivages et les villes de l'arrière-pays. Nous sommes en 1840 et l'ennemi guette, à savoir les premiers vapeurs qui effectuent les trajets, lorsque le tirant d'eau le permet, en beaucoup moins de temps. C'est donc, à brève échéance, non seulement la ruine des bateliers à voile et à chevaux (de halage pour la remonte), mais aussi celle de tous ceux qui vivent de ce commerce de cabotage: auberges, gîtes, commerçants, marchés... car le vapeur ne s'arrête que dans les grandes villes. C'est à un véritable combat, meurtrier, où tous les coups sont permis, que nous fait participer Clavel. Aux combats de conscience aussi car la fidélité à la tradition, aux parents, peut aussi signifier le chômage et la ruine, alors que la vapeur a besoin de bras et de têtes pour conduire ses lourds vaisseaux à bon port.

Un livre sorti en 2003 mérite qu'on s'y attarde même s'il n'est pas encore en poche. Il s'agit de "le chemin du curé" de Max VILAIN aux éditions de la Page. Inspiré d'un personnage réel, il raconte la vie de l'abbé Pierre Charlier, rescapé de la tourmente révolutionnaire, qui fut responsable de 3 paroisses pendant plus de 25 ans à Rocroi et dans deux villages des environs. Ses paroissiens lui doivent non seulement de beaux sermons, une charité fort efficace et une grande compréhension de leurs difficultés, mais surtout la création d'un chemin direct reliant le village de Sévigny-la-Forêt, enserré dans une véritable prison d'arbres et la ville la plus proche, Rocroi. Le récit de cette extraordinaire entreprise est l'occasion de décrire par le détail la vie incroyablement rude des paysans dans une région au climat impitoyable, où un bûcheron peut mourir de froid en revenant de son lieu de coupe s'il est surpris par la neige. L'occasion aussi d'approcher les moeurs : mariage, messe, enterrement, fêtes de village, le rituel des veillées, le rôle des jeunes, place des notables, relations au sein des familles et entre elles, fonctionnement de la police, de la justice. Enfin, au coeur du 19es, on ne pouvait passer sous silence la montée de l'industrialisation, l'exode rural, la condition ouvrière. Il y a des pages magnifiques pour comprendre la position du Christianisme dans la question sociale en lisant le véritable combat intérieur auquel est confronté l'abbé Charlier, classé notable à cause de son rôle et pourtant, de coeur, si proche de ceux qu'anime la révolte. On y voit rappelée le rôle de la Charité et surtout les limites dans lesquelles elle doit s'exercer. L'auteur est un prêtre qui exerça son ministère dans le Hainaut et dans l'aumônerie d'action apostolique et sociale. Il est particulièrement bien placé pour évoquer ces tensions mais qu'on ne craigne pas d'entrer dans un ouvrage de prosélytisme ou de bondieuserie. C'est un vrai roman, plein d'aventures , voire de suspens, mais aussi d'une grande finesse de sentiments et d'émotions.

La famille est pauvre, le patron sévère et âpre au gain, le travail rude; chacun, dès l'âge de 5 ou 6 ans, doit y participer. Nous ne sommes plus toutefois au coeur de la révolution industrielle mais dans l'extrême fin du 19e siècle, sur le Causse, dans une région où la nature ne donne rien sans combat.
De 1897 à 1960, nous suivons Philomène, seconde fille de Guillaume et Marie Laborie. Si l'évolution lente et souvent douloureuse des campagnes sert de toile de fond à ces 2 romans, bien d'autres sujets sont abordés : le travail des enfants, la lutte entre l'école de Dieu et l'école de la République, la montée du socialisme, la soumission puis la révolte face à l'autorité du maître tout-puissant, la guerre de 14-18 et ses mutineries, le Front Populaire, la seconde guerre, le Pétainisme et la Résistance, jusqu'aux premiers touristes ou propriétaires de seconde résidence qui viennent coloniser les terres dépeuplées. Une belle fresque que nous offre Christian SIGNOL avec des descriptions précises et imagées de la vie paysanne, ses coutumes et ses rites, ses souffrances et ses fêtes. Les cailloux bleus et les menthes sauvages, Presse Pocket

Avec Marie-Paul Armand, c'est la poussière des corons qui s'élève dans les airs, obscurcissant les yeux et les corps; c'est aussi celle qu'éjecte la terre secouée par les coups de grisou, c'est enfin celle qui se repose lentement sur les tombes des mineurs, broyés trop jeunes par les galeries fragiles. De 1900 à 1960, on suit Madeleine, fille de mineurs de la région Pas de Calais, dans ses labeurs, ses deuils, ses souffrances, ses élans et ses amours. Un de ses romans sociaux comme il y en a tant, mais particulièrement réussi. A la fois expression de souvenirs personnels et porte-parole de ceux qui n'en ont pas, émaillé de nombreux détails qui permettent à tous ceux qui ne savent même plus ce que sont ces drôles de collines en pays plat, de découvrir le monde de la mine (Pocket 2887)

L'auteur des "piliers de la terre" (cfr supra) a abordé dans ses nombreux romans beaucoup d'autres périodes de l'histoire. Celle décrite dans "la marque de Windfield" est le dernier tiers du 19es, incarné dans un contexte particulièrement intéressant : celui des milieux bancaires, des crises boursières, des faillites meurtrières et de l'émigration européenne vers les Amériques, du capitalisme entreprenant et sans garde-fou légal, le tout sur fond d'une société victorienne, qui mêle une pruderie incroyable (d'où l'ignorance abyssale des jeunes filles de bonne famille en matière sexuelle ) et un respect des normes morales très strictes à des "distractions" masculines que l'on peut qualifier de débauche. Ken FOLLET y a imaginé une sorte de roman policier où on trouve tous les bons éléments, amour, meurtre, trahison, quiproquos, rebondissements multiples; Bref du tout bon suspense historique ! (Livre de Poche)

Comprendre ... Israël d'hier et d'aujourd'hui, cette figure si complexe, à la fois le bouc émissaire durant 2000 ans de brimades, de pogroms et de ghettos, la victime d'Auschwitz et... le "persécuteur" des Palestiniens. L'histoire démarre en 70 après J.C. à la destruction de Jérusalem par les Romains et rejoint l'enfance de l'auteur dans le ghetto de Varsovie. Un récit très prenant écrit par un homme de paix, qui veut vivre avec ses frères, Juifs et Palestiniens, sur la terre de leurs ancêtres.
Marek HALTER, la mémoire d'Abraham, Presse Pocket

Les origines du conflit anglo-irlandais, pourquoi est-ce l'occasion chaque année de graves affrontements si, en juillet, les protestants orangistes, revêtus de drôles de costumes datant de 300 ans, ne peuvent pas traverser certains quartiers d'Irlande du Nord? Le travail de mémoire de deux peuples qui revivent sans cesse leur glorieux ou douloureux passé et entretiennent les haines ancestrales. On y découvre aussi la présence et la puissance de l'Eglise catholique dans le Sud, puissance qui s'exprime encore aujourd'hui dans les grands débats de société comme le divorce ou l'avortement.
La trilogie
"Trinité" de Léon URIS, J'ai Lu

La grande guerre, dans son horreur quotidienne, racontée par ceux qui l'ont vraiment faite, les soldats des tranchées... De nombreux écrivains l'ont déjà prise comme sujet de roman (R.Dorgelès, J.Romains, L.Aragon, J.Giono...) ou l'ont évoquée dans leurs mémoires. On peut citer Maurice Genevois, Trente mille jours, Seuil, 1980, par exemple. Cette fois pourtant nous sommes dans l'autre camp, chez les Schleux, les Boches, l'ennemi en un mot. Et on découvre, - mais pourquoi faut-il qu'on le découvre seulement alors - qu'ils sont comme nous : qu'ils souffrent, qu'ils pleurent, qu'ils aiment, qu'ils ont peur, et surtout, surtout : qu'ils se demandent ce qu'ils font là et pourquoi il faut tuer celui-là, qu'ils ne connaissent pas, qui ne leur a rien fait, simplement parce que leurs chefs en ont décidé ainsi. Pas de grandes phrases ni d'effet de style, mais une efficacité redoutable, un livre profondément ancré dans son contexte et qui pourtant parlera aux soldats de toutes les armées, à toutes les époques : Erich-Maria REMARQUE, A l'ouest rien de nouveau, Livre de Poche.

Programmé plusieurs fois sur différentes chaines de TV, Les Alsaciens ou les deux Mathildes est devenu aussi un roman. On connaît le thème, l'histoire de l'Alsace, entre le déclenchement de la guerre de 1870 et les années 50, au travers de la vie de deux femmes. L'histoire d'un morceau de la France, écartelée bien malgré elle entre deux pays, deux cultures, deux destins. On y découvre les nombreuses tragédies que les annexions et les retours successifs ont occasionnées: déchirement au sein des familles, incompréhension de la part du reste de la France envers ces "malgré nous", profonde injustice des procès d'après les guerres. On a l'impression que quel que soit le camp, choisi ou imposé, dans lequel un Alsacien se trouvait alors, ce serait celui du perdant: son identité, sa liberté, sa dignité. A défaut d'un roman semblable pour ce que certains appellent encore les cantons rédimés belges, ce livre constitue un bon aperçu de ce qu'ont pu vivre les habitants d'Eupen, Saint Vith ou Malmédy pendant la même période. (Henri de TURENNE et François DUCHER, chez Pocket)

A cheval sur deux mondes - l'Est et l'Ouest-, sur deux siècles - le 19e et le 20e -, sur deux cultures - juive et chrétienne, Anna et son Orchestre de Joseph JOFFO (Livre de Poche) raconte la vie de la mère de l'auteur. Fuyant la Russie après d'horribles pogroms survenus dans son village natal au Nord d'Odessa, elle s'embarque avec sa famille pour la Turquie puis par petites étapes, traverse l'Europe entière avant d'arriver enfin dans le Paris de la Belle Epoque. Leur moyen de survie ? La musique, un orchestre avec lequel Anna et ses grands frères enchantent les soirées bourgeoises, mais aussi une vitalité extraordinaire malgré les souffrances, les peurs et les deuils. Joffo nous avait déjà fait rire et avait su nous attendrir dans son "sac de billes" suivi d'un inénarrable "Baby-foot". Il y a en plus, dans ce roman-biographie une grande tendresse pour cette mère, alors si jeune et si jolie.

Du même auteur encore, on pourra suivre la montée du nazisme ordinaire dans une ville allemande et ses conséquences sur la vie d'une famille de notables juifs. Le père, procureur et professeur d'Université, se voit irrésistiblement écarté de ses fonctions, abandonné par ses "amis", pourchassé par ses anciennes relations dans la police ou la Justice. Roman Wormus, son fils alors adolescent, décide de quitter cette patrie devenue menaçante et se réfugie chez des cousins en Angleterre. Le lecteur partagera avec lui le Blitz, la résistance farouche du peuple anglais, la contre-attaque et finalement la reconquête, aux côtés des alliés, jusqu'à sa ville natale et ses amours de jeunesse. Joseph JOFFO, Je reviendrai à Gottingen, Livre de Poche.

"Un petit roman épistolaire absolument saisissant "inconnu à cette adresse" de Kressman Taylor. Ce chef d'oeuvre en miniature (lu en moins de 30 minutes) nous conte l'évolution des rapports entre deux amis, l'un juif, l'autre conquis par le discours nazi au début des années 30. Je l'ai lu plusieurs fois, j'en ai acheté une dizaine pour les offrir. Aujourd'hui encore, quand je pense à cette histoire et particulièrement à sa chute glaçante, j'en ai la chair de poule. A lire sans délai" (Livre de Poche) ;-))

La guerre d'Espagne, qui vit triompher l'un des fascismes les plus durables de notre 20e siècle, est au coeur de plusieurs romans de José-Luis MARTIN VIGIL. Jésuite, enseignant, ancien combattant médaillé- entre 18 et 20 ans - dans les rangs nationalistes, il n'a pourtant rien d'un franquiste pur et dur. Ses romans ont d'ailleurs comme principal intérêt de faire mieux comprendre, justement, comment des "gens bien" ont pu se ranger dans le camp fasciste, comment aussi des réformes étaient éminemment nécessaires dans une Espagne majoritairement rurale, incroyablement arriérée économiquement et culturellement parlant. On s'interroge sur les souffrances qu'avait pu infliger l'Eglise aux petits pour qu'elle ait focalisé une telle haine et ait été l'objet de tels débordements car il est évident qu'il ne s'agissait pas là du simple résultat du bourrage de crânes par quelques gauchistes. Sur ce thème, on pourra lire de Martin Vigil, Tierra Brava (J'ai Lu) par exemple, qui suit la montée de la révolte, la guerre civile et l'installation du franquisme dans un village des environs de Salamanque.
Sur ce même sujet,
Christian SIGNOL, dont on a déjà épinglé ici plusieurs romans, a écrit une très belle histoire, particulièrement évocatrice du quotidien de la guerre. Soledad, l'héroïne de "les amandiers fleurissaient rouge", est une jeune fille de la campagne aragonaise. Une paysanne très pauvre, comme elles sont des millions en 1936 dans une Espagne qui s'efforce de sortir de la domination de l'Eglise et des grands propriétaires. Amoureuse de son ami d'enfance, elle s'unit à lui la veille de son engagement dans les troupes républicaines qui se mobilisent contre le soulèvement franquiste. Les combats des hommes sont racontés en parallèle avec sses combats à elle, pour survivre, sauver son bébé, retrouver son amour, résister puis fuir. (Pocket 3171)

Comment pouvait-on être bourreau à Auschwitz ? Il fallait être un monstre sûrement, un a-normal en tout cas... Ce qui terrifie dans le livre de Robert MERLE, la mort est mon métier (Folio) c'est que son "héros", commandant en chef du camp, n'est pas un monstre, seulement un fonctionnaire besogneux, soucieux d'appliquer les décisions de son supérieur et de rendre des comptes en ordre. Inspiré de la figure réelle de Rudolf Hoess, telle que nous la livrent les entretiens qu'il eut avec un psychologue américain au moment du procès de Nuremberg.

Dans la mort n'oublie personne, Didier Daeninckx aborde sous un angle tout à fait nouveau les problèmes de résistance et de collaboration en France. Non sans causer un réel malaise puisqu'on réalise non seulement que ces problèmes ont nettement dépassé l'époque concernée mais surtout que des traîtres d'hier sont restés en poste, pourvus du même pouvoir que sous l'occupation et exerçant les mêmes ravages sur deux générations. Un résistant, Jean Ricouart, est injustement condamné pour meurtre; son fils, Lucien, se fait traiter de fils d'assassin et en meurt.. Ce n'est que 40 ans après la guerre qu'une enquête en réhabilitation est menée par un journaliste ami de Lucien. Folio.

Avec l'étincelle de vie, de Eric-Maria Remarque (Livre de Poche), on peut mettre en parallèle l'obersturmbannfuehrer Bruno Neubaer, ses cigares et son jardin avec le héros de Merle, leur même souci de bien appliquer les ordres, de ne pas faire de vagues et surtout de ne pas se poser de questions. Mais Remarque nous place surtout dans la peau de leurs victimes, dans un roman qui tient à la fois de la littérature concentrationnaire et du reportage-fiction. Remarque, qui vivait aux USA depuis qu'il avait décidé de rompre avec cette patrie qui se dévoyait, a écrit son livre assez tôt après les faits (1957) , en s'appuyant sur de très nombreux témoignages et si son camp de Melen est inventé, il est "exemplaire", exemplairement et horriblement banal. Et si tout ce qu'il nous décrit, nous avons déjà pu le lire, voir ou entendre, il y a une force et une présence dans les descriptions qui ne peuvent laisser indifférent. Le titre montre aussi l'angle choisi, celui de la réponse à l'énorme question que soulève l'univers concentrationnaire : comment ont-ils pu survivre ?

Encore de Ken FOLLET, "le code Rebecca" nous entraîne au coeur de la campagne d'Afrique, aux côtés de Rommel et de ses espions mais aussi des Anglais et de leur contre-espionnage. Outre le suspense bien réel - même si on sait déjà qui sera finalement le vainqueur d'El Alamein - on appréciera la description précise du contexte, en l'occurence les milieux militaires mais aussi civils du Caire, les sentiments ambigus de la population égyptienne envers les Anglais - occupants ou alliés ? - les prémisses d'une révolution nationaliste avec de jeunes officiers, comme Nasser et Sadate. Les personnages masculins sont plus tranchés que d'ordinaire chez Follet et le méchant est vraiment méchant, même si on trouvera peut-être le bon trop héroïque pour un amoureux.. Mais on est en guerre, il est vrai ! (Livre de Poche).

Lorsque le nazisme fut écrasé, il fallut gérer la victoire. Les premiers mois de l'occupation alliée dans l'Autriche de 1945, les relations entre vainqueurs et vaincus, la découverte horrifiée de la réalité des camps par ceux qui n'avaient pas vraiment voulu savoir... Dans la seconde victoire, Morris WEST (Livre de Poche) nous offre en prime une belle et compliquée histoire d'amour entre les ennemis d'hier, le tout assorti de dilemmes moraux que certains trouveront peut-être fort dépassés. L'auteur ne se veut pourtant pas manichéen et il n'est peut-être pas inutile de rappeler qu'il exista des résistants à Hitler dans son propre camp.

Pourquoi en vouloir encore à Pinochet, qu'a-t-il fait au juste ? qu'est-ce qu'une dictature au quotidien au 20e siècle ? Un livre magnifique, drôle et tragique comme tout ce qu'écrit Isabel Allende . Oui, elle est de la famille proche du président assassiné. Sûrement pas objective donc ? Les historiens et les journalistes nous ont prouvé qu'elle n'avait, hélas, rien exagéré; d'autre part ses personnages sont nuancés: il y a de braves gens et des profiteurs dans tous les camps, des aveugles des deux bords...
Isabel ALLENDE, D'amour et d'ombres, Livre de Poche.

Un saut de l'autre côté de l'Amérique, celle que Philippe Labro a si bien décrite, de son point de vue de petit français dans l'étudiant étranger. sauf qu'ici c'est une américaine, Anne Rivers Siddons, qui prend la parole. Son héroïne, Maggie, "une jeune fille du Sud", (Presses Pocket) parfait produit d'une bonne éducation bourgeoise de l'Alabama des années 50, entre à l'Université. On sent bien qu'il ne s'agit qu'une ultime étape de ce dressage en douceur; l'essentiel sera un beau mariage, l'installation dans une jolie maison et la création d'une petite famille avec des enfants parfaits eux aussi. Mais c'est aussi l'année où un jeune pasteur noir a décidé d'entamer sa lutte, une lutte toute pacifique mais tenace.
La politique fait donc irruption dans la vie de Maggie qui commence à s'interroger sur sa famille, son éducation, son projet de vie. Et remet tout en question.
Le roman est donc le récit d'une prise de conscience mais il intéressera aussi beaucoup le lecteur pour la description d'un monde et d'une époque passionnante. On plonge au milieu d'une jeunesse, qui pratique un mélange détonnant de respect des règles morales et de continuelles transgressions: alcool, sorties interdites et sexe sont très présents mais canalisés de façon à ne jamais provoquer de scandales extérieurs au monde universitaire. Des extraterrestres, pour nous Européens, avec leurs fraternités - cercles étudiants - fortement hiérarchisés entre eux et à l'intérieur du cercle même, la vie collective en internat semi-autonomes, les rapports avec le corps enseignant, la grande liberté de ton des journaux étudiants confrontées au discours politiquement correct. Bref, si on y parle des années 50, cela permet aussi de beaucoup mieux comprendre l'Amérique d'aujourd'hui avec toutes ses contradictions.

En relisant il y a quelques mois les beaux romans d'Andrée CHEDID, je me disais qu'heureusement, pour son cher Liban, la page était tournée et qu'il pouvait enfin vivre dans la paix. Et puis, en cette Pâques 2005, la violence destructrice renaît; les attentats, les explosions, les maisons qui s'écroulent, la peur qui reprend chacun. Voilà que tout semble prêt à recommencer et on voudrait tellement se dire qu'on n'est pas de nouveau, comme en 1975, dans la maison sans racines, au seuil de la tragédie. Une histoire d'amitié, de solidarité, de découvertes, pour comprendre ce qui fait de ce pays un carrefour, des cultures, des beautés, des intelligences mais aussi de toutes les convoitises. (J'ai Lu).

Tous ces ouvrages figurent dans les bibliothèques publiques; les étudiants peuvent aussi m'en emprunter la plupart ( contactez-moi)

Pour des idées sur d'autres époques, d'autres thèmes, des titres d'ouvrages parus avant 1990, Gérard VINDT et Nicole GIRAUD, Les grands romans historiques, Les compacts de Bordas, Paris, 1991.

 

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