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Conditions de vie et mortalité des nourrissons hier et aujourd'hui

Page Web retravaillée à partir des recherches de Laurence Minnoye

L'homme n'a pas toujours pensé à la vie de la même manière selon les époques. Il n'existait pas au Moyen Age de réel sentiment envers l'enfance et on a l'impression de ne pas rencontrer d'attachement chez les parents. Sans parler d'indifférence - car il est dangereux de se prononcer catégoriquement sur ce sujet - les parents vivaient probablement avec fatalisme une relation qui pouvait toujours être rompue prématurément(voir aussi). En effet, une mortalité très élevée décimait les nouveaux-nés dès les premiers jours de leur naissance, soit de mauvaise conformation, soit des suites d'un accouchement difficile. On a vu par ailleurs que les compétences des sages-femmes ont longtemps été très réduites.
Une cause fréquente de décès chez les pauvres était l'étouffement. L'habitude de dormir tous ensemble sur un grand châlit, le souci de tenir le bébé au chaud amenaient les parents à garder le petit couché entre eux et les accidents mortels n'étaient pas rares. En-dessous de 5 ans, ils mouraient de fièvres, de la variole, de dysenterie, de sous-alimentation.
Dès que l'enfant commence à se déplacer et surtout quand un autre bébé est venu prendre sa place, il est soumis aux multiples danger de la vie rurale: bêtes, puit, outils etc... Une surveillance attentive n'est souvent pas possible quand la simple survie occupe les deux parents.
 

Ce tableau de Jean Brueghel l'Ancien, intitulé visite à la ferme, date de 1597. Il montre, nous dit le commentateur, "un intérieur paysan qui, sans être luxueux,
paraît confortable".
Pour le propos qui nous occupe, on voit toutefois les multiples dangers qui y guettaient les petits: le feu, la grande marmite pleine de liquide brûlant, le chien qui dort dans le berceau, les grands ciseaux à portée des menottes, l'escalier raide et sans rampe, les outils qui traînent ça et là. Certes les adultes sont nombreux mais chacun a beaucoup à faire : ainsi la maman allaite son dernier-né tout en surveillant la marmite et en jetant un coup d'oeil sur le 2ème qui boit son "biberon" tout seul, tandis que l'aîné parle avec l'épouse du seigneur venu rendre visite à son fermier.

Au XVIIIes encore, un bébé sur quatre mourait avant son douzième mois et un bébé sur deux seulement arrivait à atteindre l'âge de l'adolescence. Cela était dû, d'une part, au manque d'hygiène et d'autre part, au manque d'attention dont bénéficiait le nouveau-né. Et pourtant c'est à cette époque que l'on situe la prise de conscience collective du problème posé par l'alimentation des nourrissons. Il faudra attendre jusqu'à la deuxième moitié du XVIIIème siècle pour que cette mortalité infantile diminue.

Pendant plusieurs siècles, les couples attacheront peu d'importance aux naissances. Les femmes étaient régulièrement enceintes, ne connaissant pas les moyens de contraception. Parfois, ils avaient recours à des pratiques abortives quoique la pratique la plus courante d'avortement ait été l'infanticide. Cet acte était mal réprimé par la loi; en effet, vu la fragilité des nouveaux-nés, il passait souvent inaperçu (voir aussi) Dans les campagnes, l'infanticide touchait plus particulièrement les filles car celles-ci n'étaient pas aussi utiles que les garçons pour travailler dans les champs.
Comme on l'a vu ailleurs, l'Eglise va encourager l'adoption pour lutter contre l'infanticide. L'autre moyen de se débarrasser d'un enfant non voulu, l'avortement, est lui terriblement sanctionné.

Ce mépris de la vie, cette insouciance pour les petits enfants est un fait social bien oublié aujourd'hui. Il est vrai qu'à partir du début des Temps Modernes, un mouvement se dessine pour protéger les jeunes existences et les prendre en considération. On commence à libérer les enfants des bandelettes serrées du maillot primitif, à considérer le nu enfantin comme un modèle d'angélisme. Le nourrisson n'est plus l'objet d'un mépris, un petit animal bruyant que l'on berce avec rudesse pour ne plus l'entendre. D'ailleurs, l'Eglise enseigne désormais avec de plus en plus d'insistance que l'âme est donnée à l'homme dès sa naissance, qu'il faut baptiser très vite le nouveau né et ne plus attendre l'âge de deux ou trois ans comme le voulait la coutume. La peur très présente de l'enfer et l'importance du baptême vont avoir pour conséquences de positiver les décès prématurés. Pour la plupart des parents,en effet, ce n'est pas un scandale de voir une vie brisée si tôt mais au contraire une chance: l'enfant baptisé n'a pas encore eu le temps de pécher; il est donc assuré du paradis et soulagé d'une vie de larmes et de peines.

La nourrice, deuxième mère de l'enfant ?
Les parents pensèrent alors que le mieux pour leurs enfants était de les placer au bon air de la campagne, chez une nourrice. Ces parents sont souvent issus de la bourgeoisie moyenne ou petite, ce sont ceux qui n'ont pas les moyens de se procurer une nourrice à domicile mais qui doivent néanmoins soit avoir une vie mondaine, soit travailler très durement. Dans ce type de foyers, on ne peut se permettre de supporter les cris d'un bambin ou de lui prodiguer des soins, alors on décharge cette tâche sur une autre personne, la nourrice. Pourtant les études prouvent que c'est précisément chez les enfants mis en nourrice que la mortalité est la plus élevée (30 à 40% de décès!), si l'on met à part chez les enfants abandonnés. Les enfants livrés aux nourrices reçoivent rarement de visites de leurs parents. Si ces enfants meurent, nul ne s'en préoccupe. Et, si certains enfants fatiguent la nourrice par leurs cris, elle les échange contre d'autres plus calmes.
La nourrice peut aussi être amenée à s'occuper d'orphelins, placés chez elle par l'Hôpital des Enfants Trouvés, service de l'assistance publique chargé d'accueillir les enfants à l'hospice dépositaire avant de les placer chez des nourrices (voir aussi).

Les soins apportés aux bébés
Les soins que l'on apporte aux nourrissons avant le XIXème siècle sont pour le moins rudimentaires. On les emmaillote sur des matelas de paille, on leur met une chemise ou des langes qui leur collent les bras contre la poitrine. On serre leurs linges sur les cuisses et les jambes, de sorte qu'ils ne peuvent pas bouger, on les change le moins possible. S'ils crient, on les fait taire en les secouant très fort ou en leur donnant du sirop caramélisé.
Certes, il existe des enfants heureux, tombés par hasard sur des nourrices honnêtes, saines et propres. Mais la mortalité infantile reste encore considérable, faute de soins, faute d'hygiène, faute de conscience affective chez les parents qui se déchargent littéralement de leurs bébés en les confiant à une étrangère.

A partir de 1800, l'habitude de placer les enfants chez les nourrices rétribuées diminua considérablement. C'est bien souvent pour sauver la vie de leurs enfants que les mères du XIXème siècle commencent à les allaiter elles-mêmes. En effet, les enfants placés à la campagne, n'étaient pas à l'abri d'épidémies.
Ce mouvement de reprise en main des nourrissons fut en France très long, en 1920 il y avait toujours plus de 50.000 enfants placés chez des nourrices, soit 7% de tous les nourrissons. Cette lenteur est sans doute légitime car les mères redoutaient les mauvais effets d'une alimentation au biberon à qui on attribuait, faute d'hygiène, les chiffres élevés de mortalité infantile jusqu'en 1914.


Statistiques citée par le Dr A.Delcourt dans "la Patrie belge - 1830-1930", éditions du Soir, Bruxelles, 1930, p. 286

Taux de mortalité des bébés selon le mode d'alimentation au XXe siècle
sein maternel
biberon donné par la mère
sein en nourrice
biberon en nourrice
13 pour 100
32 pour 100
50 pour 100
65 pour 100

De nos jours
Les conditions dans lesquelles naissent et vivent les nourrissons de nos jours ont nettement évolué et continuent à évoluer pour permettre à l'enfant de se sentir toujours mieux. En effet, contrairement aux pratiques du Moyen Age, le bien-être de l'enfant est pris en compte et est très important. Les parents recherchent ce qu'il y a de mieux pour leurs bébés. Désormais, la plupart des parents consultent un pédiatre et se rendent aux consultations des nourrissons pour apprendre à s'occuper au mieux de leur enfant, cela témoigne de leur envie d'assurer à leur enfant un bon départ dans la vie. En 1993 sera créé l'O.N.E. - l'Office National de l'Enfance - pour préserver bébé de certaines maladies ou encore pour éviter la mort subite du nourrisson qui effraye souvent les parents. L'infanticide et les épidémies ont quasi totalement disparu dans nos pays, mais il reste toutefois présent dans des campagnes retirées des pays orientaux. Cet infanticide touche toujours plus particulièrement les filles, moins efficaces au travail que les garçons et futures charges financières à cause de la dot.

L'assistance à l'enfance a aussi beaucoup évolué au cours de son histoire, les orphelins sont pris en charge par des organismes qui tentent de leur trouver une famille d'accueil apte à s'occuper d'eux. On est loin du placement "à l'aveuglette " chez une nourrice, encore une fois, c'est le bien-être de l'enfant qui prime.

Bibliographie

Ouvrage
Santé et mortalité des enfants en Europe, Inégalités sociales d'hier et d 'aujourd'hui, Chaire Quetelet, éd. Academia-Bruylant L'Harmattan, 1996
Les oubliés de l'histoire, Pierre Miquel, Livre de poche, 1978. p.20 " La vie de famille " et p.31 " La nourrice sèche "

Article
Un nouveau-né sur deux... , article de François Lebrun, revue l'Histoire n°74, p 90-92

Internet
Site des hôpitaux de Paris: www.ap-hop-paris.fr/histoire/1901.htm, visité le 25 avril 2002

Illustrations
Jan Brueghel l'Ancien,
Une visite à la ferme, dans Pierre Breughel le Jeune - Jan Breughel l'Ancien, une famille de peintres flamands, vers 1600, catalogue de l'exposition du Koninklijk Museum voor Schone Kunsten, Anvers, juillet 1998, Luca Verlag Lingen, 1998, pp. 84-85
Georges de La Tour, Le nouveau-né, dans Le XVIIe siècle, collection Histoire générale de la peinture, tome 12, Editions Rencontre, Lausanne, 1966, p. 63


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