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Page Web complétée à partir des recherches de Géraldine Sepulchre
Introduction
Le thème du travail,
m'a de suite plu. Je pense que c'est dû au fait que je suis
une jeune fille, potentiellement "capable" d'avoir des
enfants. La difficulté est de donner une définition
générale et universellement valable de " l'amour
maternel", chose que je ne suis pas arrivée à
faire.
En tant que fille, avec la possibilité d'être mère
un jour, je me suis posé la question de savoir ce qu'était
"l'amour maternel". Qu'est-ce que aimer son enfant,
qu'est-ce que bien l'aimer. L'amour maternel au XVIIIe siècle
ou l'amour aujourd'hui sont perçus différemment.
De nos jours encore, certains enfants sont mal nourris, mal traités,
restent seul au domicile... Aimer son enfant est-ce le fait de
le gâter, lui donner tout ce qu'il désire ? Ou ne
lui donner presque rien, mais se sacrifier, simplementpour le
nourrir de façon modeste?
Essai de définition
L'amour maternel est traditionnellement
défini comme le désir instinctif existant chez la
plupart des femmes de protéger et de nourrir, selon leurs
fonctions biologiques. Les organes féminins tels que le
ventre et les seins leur donnent la notion que la création
et la survivance d'un enfant dépendent de leur propre vie.
Cet amour peut se manifester de plusieurs façons. Il se
voit dans le rapport traditionnel mère/fils et filles,
mais aussi dans le cas d'une femme qui, sans enfants, transfère
son instinct maternel sur quelqu'un d'autre.
Ce peut être aussi un mouvement d'amour total de la mère
vers son enfant. Celui-ci étant comme un miroir dans lequel
la jeune mère se plonge sans retenue. Mais l'amour maternel
est hétérogène: il y a différentes
façon d'aimer son enfant. Comme dans tout amour, il y a
toujours une partie qui ne vous comble pas totalement: "l'autre"
n'étant jamais complètement tel qu'on le souhaiterait.
Par ailleurs, la maternité est un état qui implique
la globalité de la mère: un processus dans lequel
elle se "laisse aller" physiquement et psychiquement.
Ce qui requiert, de sa part, une disponibilité totale.
Or, parfois, il y a des zones d'accrochage.
Par ailleurs, en plus de ce fondement biologique, la société
a toujours dicté le rôle social de la mère;
l'homme cherchait une femme qui pourrait lui donner des descendants,
les nourrir et les protéger.
Jusqu'à la fin des Temps Modernes
La coutume n'est pas de s'attacher aux nourrissons. Il en meurt tellement qu'ils occasionneraient trop de peine à leurs parents. La sagesse consiste à les baptiser promptement pour assurer le salut de leurs petites âmes et, pour leur salut physique, de s'en remettre à Dieu. L'époque n'est pas aux câlineries, la femme qui s'abaisserait à roucouler de tendresse pour sa progéniture passerait pour une excentrique. De plus, dans les milieux pauvres, le temps d'attention dont pourrait disposer chaque enfant est évidemment réduit, le travail étant omniprésent.
Au XVIIIe siècle
Dans les classes aisées,
vouloir materner ses enfants constitue une véritable faute
de goût. En effet, les mères aristocrates rechignent
à troubler leur tranquillité pour veiller sur ce
petit fardeau qui exige une attention continuelle, perturbe le
sommeil des parents et annule leurs rapport sexuels pendant la
durée de l'allaitement, par crainte que le sperme ne pollue
le lait maternel; en outre, l'allaitement empêche la vie
mondaine de la mère et porte atteinte à la beauté
de sa poitrine.
"Durant ce siècle, un nombre considérable
d'enfants n'étaient pas nourris par leurs mères.
Exemple: en 1780, à Paris, on constate que sur les vingt
et un mille enfants qui naissent annuellement, mille à
peine sont nourris par leur mère. Mille autres, des privilégiés,
sont allaités par des nourrices à demeure. Tous
les autres quittent le sein maternel pour le domicile plus ou
moins lointain d'une nourrice mercenaire. Nombreux sont les enfants
qui mourront sans avoir jamais connu le regard de leur mère".
Ce sont les premières ligne du livre d'Elisabeth Badinter,
l'amour en plus. Elles sont très interpellantes.
Est ce que ces mères avaient de l'amour pour leurs enfants?
Il est très difficile de répondre a cette question
: en effet, à partir de quoi, de quand peut on dire qu'une
mère n'aime pas son enfant ?
A cette époque, il n'y avait pas de moyen de contraception.
Un certain nombre de naissances n'étaient donc pas souhaités.
De plus, comme il est précisé plus haut, un grand
nombre d'enfants mouraient. Avec toutes ces raisons, il est peut-être
compréhensible que les mamans de cette époque aient
réagi de la sorte. La spécificité des maladies
infantiles n'était pas prise en compte; on pensait que
les enfants étaient plus difficiles à soigner, pour
la bonne raison qu'ils ne parlaient pas quand ils étaient
petits. Ce qui provoquait au niveau des rapports entre la mère
et l'enfant, soit une indifférence, soit des recommandations
de froideur et en apparence du désintérêt
pour le bébé qui venait de naître. Comment
serait-on intéressé par un petit être qui
avait tant de chance de mourir avant un an? Etant donné
la mortalité infantile jusqu'à la fin du XVIIIe
siècle, si la mère s'était attachée
intensément à chacun de ses nourrissons, à
coup sûr elle serait morte de chagrin.
A cette époque, l'enfant de famille bourgeoise vit d'ailleurs plusieurs actes d'abandon: la mise en nourrice et la rupture avec la mère, le retour à la maison et la rupture avec la nourrice. La mise en pension ou en couvent et la rupture avec la famille.
peintre impressionniste américaine qui développa, en de très nombreuses séries, les thématiques de la maternité et de l'enfance |
Présent toujours au moindre appel Qui de nous peut dire où commence Où`finit l'amour maternel? Il plane en deuil sur les ingrats Lorsque le père déshérite, la mère laisse ouverts ses bras Quand les plus vrais nous ont menti Si téméraire et si modeste Qu'il s'ignore et n'est pas senti. ... Est-il de retraite plus douce Qu'un sein de mère, et quel abri Recueille avec moins de secouss Un coeur fragile endolori ? ... Ö mère, unique Danaïde Dont le zèle soit sans déclin Et qui, sans maudire le vide Y penche un grand coeur toujours plein Le poème "amour maternel" de Maurice Chevier est un parfait exemple de cette représentation sublimée - et culpabilisante pour qui ne la connaît pas - de ce que doit ressentir et vivre une mère digne de ce nom |
C'est dans le dernier tiers du XVIIIe siècle que s'opère une sorte de révolution des mentalités. En effet, les Lumières sont passées par là, la Nature est valorisée, ses Lois prennent la place de l'ordre divin. Ainsi, en 1760, les publications abondent qui recommandent aux mères de s'occuper personnellement de leurs enfants et leur "ordonnent" de les allaiter. Cela crée l'obligation pour les femmes d'être mères avant tout et engendrent un "mythe" toujours bien vivace deux cents ans plus tard: celui de l'instinct maternel ou de l'amour spontané de toute mère pour son enfant. A la fin du XVIIIe siècle, l'amour maternel fait figure de nouveau concept.
Au XIXe siècle
L'identité féminine
se fonde, au XIXe siècle, sur des représentations
réduisant les femmes à leur rôle biologique:
grossesse, accouchement, maternité.
Le triomphe de la bourgeoisie est aussi le temps d'une classification
accrue des rôles, la femme vivant peut-être la période
la plus fermée de son histoire : l'ouvrière soumise
à toutes les contraintes physiques de son sexe et supportant
en outre toutes les exigences de la Révolution Industrielle,
tandis que la femme de classe aisée ne peut avoir d'autres
horizons que sa maison et ses enfants.
Les souffrances de ces mères leur sont payées en
retour par la vie de l'enfant qui vient de naître; sa seule
présence doit les combler totalement. En outre, l'allaitement
répond à la fois aux voeux de la nature et à
une réelle lutte contre la mortalité infantile.
Le développement de l'éducation chez les filles va ouvrir leurs horizons mais, sauf absolue nécessité économique, rares sont celles qui continuent à travailler quand elles deviennent mères. Leur priorité doit rester le foyer. Par ailleurs il n'est pas encore pensable d'affirmer son peu d'attrait pour le maternage sous peine d'être jugée "contre-nature". Enfin, les grossesses que l'on maîtrise encore mal ne permettent guère de programmation ni de limitation de la famille en fonction de désirs personnels.
Après mai 1968
Au milieu du XXe siècle,
la maternité comme phénomène biologique semble
être maîtrisée par la médication de
la naissance; la mortalité des femmes en couches est devenue
quasi inexistante. Un tournant essentiel s'inscrit après
mai 1968: la contraception se démocratise, le droit à
l'avortement sera bientôt reconnu, ils donnent un nouveau
pouvoir à la femme sur son corps. C'est probablement sa
plus grande conquête, puisqu'elle peut prendre elle-même
- voire même contre l'avis de son compagnon - la décision
de la maternité.
On peut alors revenir de manière plus sereine sur le lien
privilégié mère/enfants, en se libérant
de ce que la maternité, obligatoire, présupposait
d'amour obligatoire, lui-aussi. Si l'opinion généralement
admise soulignait les dimensions sociologiques, historiques et
donc contingentes de cet amour, aujourd'hui d'autres paroles peuvent
s'exprimer, comme celle que développe la pédiatre
Edwige Antier lorsqu'elle explique "Les mères ont
toujours cru à l'existence de l'instinct maternel. Certes,
comme je l'ai montré plus haut, la théorie d'Elisabeth
Badinter a rencontré un écho puissant dans notre
société occidentale où le féminisme
se cherchait. Mais en dépit des discours, lorsqu'une femme
met au monde, elle change brusquement de génération
; en devenant mère, elle ressent un bouleversement en elle,
elle est submergée par un véritable orage hormonal
et affectif qui ne peut être contrôlé. Elle
devient instinctive"
D'une certaine façon, le désir clairement revendiqué
des couples homosexuels d'avoir des enfants est lui-aussi une
manifestation de ce que l'épanouissement de l'adulte en
couple passe par la maternité et - cela est nouveau - la
paternité.
Conclusion
Je pense que tant au XVIIIe
siècle qu'aujourd'hui, il nous est interdit de juger le
fait qu'une mère aime ou non son enfant.
Marguerite Duras, dans un article publié par le quotidien
Libération à propos du meurtre d'un enfant,
commis probablement par sa mère, écrivait:
Il arrive que les femmes n'aiment pas leurs enfants, ni leur maison, qu'elles ne soient pas les femmes d'intérieure qu'on attendait qu'elles soient. Qu'elles ne soient pas non plus les femmes de leur mari; Qu'elles ne soient pas des bonnes mères, de même qu'elles ne soient pas fidèles, des fugueuses, et que malgré cela elles aient tout subi, le mariage, la baise, l'enfant, la maison, les meubles et que ça ne les ait changé en rien même pour un seul jour. Pourquoi une maternité ne serait-elle pas mal venue? Pourquoi la naissance d'une mère par la venue de l'enfant ne serait-elle pas ratée elle aussi ?
Bibliographie
Elisabeth Badinter, L'amour
en plus, Flammarion, Paris, 1980
Edwige Antier, Eloge des mères, Editions Robert
Laffont, Paris, 2001
Revue Petite Enfance, n°73, 1/2000
Marguerite Duras, Libération, sur le site de Libé
en ligne