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Page Web réalisée à partir du travail de Céline Lhoute
Venue du fond des âges, héritière des petits secrets et du tour de main de celle qui la précédée, la matrone est femme pratique, guidée avant tout par le souci de tirer les mères d'un éventuel mauvais pas, confidente de ses compagnes. Dépositaire de la tradition, c'est un personnage central de la communauté villageoise et du quartier. Le rôle de l'accoucheuse dépasse largement le domaine des couches. Il arrive qu'elle soigne les hommes et soulage les bêtes. Elle procède aussi à la toilette des morts qu'elle prépare ainsi au "grand voyage ".
L'accouchement est d'abord une affaire de femmes, de femmes âgées de préférence (50 ans au moins) ; aussi les hommes en sont-ils exclus autant par décence que par incompétence. La femme accouche toujours chez elle, dans la pièce principale de sa maison, entourée de sa mère, ses soeurs, parfois de ses voisines et d'une matrone qui l'assiste dans sa délivrance.
Dans l'Antiquité, l'obstetrix, souvent une esclave ou une affranchie attachée à la famille, prépare tout le nécessaire: eau chaude, bandages, coussin etc... et installe la future mère qui accouchera d'ordinaire assise, sur une sorte de chaise percée. L'assistance est surtout psychologique et la compétence ne relève que de l'expérience. Aussi, quand un problème grave se présente, la sage-femme, comme d'ailleurs le médecin qui pourrait être appelé à la rescousse, sont la plupart du temps impuissants. Jusqu'à une période assez proche de nous, au XIXes, la mort en couches sera la principale cause de décès des femmes.
A la fin du moyen
âge, la matrone
était souvent désignée par une assemblée
de femmes de la paroisse qui la choisissaient pour son expérience.
Elle était ensuite avalisée par le curé qui
se devait de garantir ses qualités morales, ses bonnes
moeurs et surtout son aptitude à ondoyer dans les règles
de l'église le nouveau-né. Il rappelle aussi à
l'accoucheuse ses obligations : ne pas user de méthodes
" superstitieuses ", ne pas provoquer la destruction
du foetus, respecter le secret des familles et en cas de danger,
recourir au médecin ou au chirurgien.
La matrone intervient gratuitement.
Jusqu'au XVIIes, les sages-femmes réellement formées restent en très petit nombre et la majorité des parturientes doit se contenter qu'à de pauvres bénévoles, voisines ou amies, généralement incompétentes.
Au XVIIes, les forceps découverts
en Angleterre arrivent sur le Continent et vont permettre d'hâter
des délivrances difficiles et donc de sauver des vies.
C'est également à cette époque que s'amorcent
des transformations. Lentement, l'image mais aussi la pratique
de l'accoucheuse commence à changer. La matrone est placée
sous surveillance, tenue de justifier ses interventions, sommée
de répondre de ses paroles et de ses actes. L'Etat qui
estime avoir la responsabilité de sauvegarder la population
s'intéresse à celle qui donne naissance aux enfants.
Il remplace la matrone par la sage-femme formée à
l'école de l'art et aux règles élémentaires
de l'obstétrique, obéissant au corps médical
(décret de Louis XIV de 1692 fixant les compétences
et les conditions requises pour exercer) . La sage-femme est plus
jeune que la matrone, et elle appartient en général
à un milieu moins misérable et plus ouvert à
la nouveauté. Elle contribue à l'amélioration
des conditions sanitaires de l'accouchement. Certaines personnes
ne sont pas d'accord avec l'Etat car la matrone est, pour eux,
mémoire de la communauté, support d'une culture.
Au XVIIIe siècle, d'après des sources portant
sur le Nord de la France, on constate l'existence de plusieurs
types de sages-femmes:
- les
sages-femmes des pauvres,
dites aussi sages-femmes de charité, ne sont pas titulaires
d'une charge municipale; elles n'ont aucune sécurité
d'emploi et ne sont généralement rémunérées
qu'en fin d'année. Ces sages-femmes ont un rôle social
indéniable, prêtant nuit et jour assistance aux indigentes,
filles ou femmes, des quartiers les plus défavorisés
de la cité. Certaines interviennent bénévolement
pendant des mois, voire des années, avant que le magistrat
de la ville accepte de les dédommager de leur peine. Elles
sont bien moins considérées que les sages-femmes
pensionnées. Elles n'ont droit à aucune indemnité
lorsque, devenues vieilles, elles doivent cesser leurs activités.
Certaines se retrouvent alors dans la misère, obligées
de solliciter quelques secours de la municipalité qui autrefois
les employait.
- les
sages-femmes de peste,
appelées aussi sages-femmes rouges, parce qu'elles portent
comme les prêtres et les médecins affectés
au service des pestiférés, un vêtement de
couleur écarlate, qui la désigne de loin au public.
Sa charge demande beaucoup de dévouement, puisque l'accoucheuse
rémunérée par la ville s'engage à
assister les femmes enceintes et en couches touchées par
l'épidémie.
- les
sages-femmes pensionnées
sont des accoucheuses gagées par la communauté pour
venir en aide aux femmes de toute condition. Elles sont choisies
par le conseil de la ville, on exige seulement de la postulante
qu'elle effectue son apprentissage avec une sage-femme de la ville,
aucun constat de ses qualités personnelles n'est effectué.
Celle-ci est exclusivement au service des habitants de la ville
et elle ne peut prêter assistance aux femmes de campagnes
environnantes. Lorsque l'accoucheuse est demandée pour
un cas grave à l'extérieur de la ville, elle doit
donc obtenir une autorisation en bonne et due forme du magistrat,
qui craint toujours qu'une personne de la ville ait besoin d'aide.
- les
sages-femmes indépendantes
qui ne bénéficient pas de l'appui des autorités.
Elles doivent donc compter sur leur propre compétence pour
vivre de leur métier. Elles exercent librement à
condition de se conduire en bonnes chrétiennes, de ne pas
jaser à tout propos, de respecter "les secrets de
famille " , comme elles s'y engagent en prononçant
leur serment devant le Collège de chirurgie. Elles trouvent
aisément une clientèle qui apprécie leur
dextérité et leur indépendance.
En 1760, l'Etat crée
des écoles au sein des hôpitaux et prend ainsi en
charge la formation des sages-femmes.
Par ailleurs, en la recevant dans leur communauté, les
chirurgiens confèrent à l'accoucheuse une respectabilité
sociale, celle-ci a désormais le droit de " prendre
enseigne ". Elle y fait figurer un poupon en maillot ou le
pot contenant l'eau sainte qui symbolise sa fonction et lui sert
à ondoyer le nouveau-né en détresse.
Lors de ses déplacements, elle est souvent accompagnée
par une apprentie qui assiste aux accouchements et parfois y participe
sous sa surveillance. La sage-femme, détenant une charge
publique, reçoit une rétribution, prévue
par un contrat, qui varie selon les lieux. Certaines sages-femmes,
en plus de la rémunération, avaient des avantages
en nature (grains,) et étaient logées gratuitement.
La somme des accouchements est sans doute modeste mais les multiples
services qu'elle est amenée à rendre dans les jours
qui suivent les couches ne lui laisse guère de repos. La
tâche de l'accoucheuse ne se limite pas à faire naître
l'enfant, on attend d'elle qu'elle prenne soin à la fois
de la mère, en surveillant la bonne évacuation des
lochies et la montée du lait, et de l'enfant en s'assurant
qu'il " prend bien ".
Dans les petites villes, il n'y avait qu'une seule sage-femme.
C'était un gros problème quand plusieurs femmes
accouchaient en même temps.
Aujourd'hui, la pratique de cette profession est subordonnée à un diplôme qui est obtenu après une formation spécifique dans le cadre d'une des options du métier d'infirmière: après une année commune, la future accoucheuse effectue 3 ans de spécialisation. Au terme de cette formation, elle sera capable de donner les soins et les conseils nécessaires à la mère pendant la grossesse, le travail et la période puerpérale, de procéder sous sa propre responsabilité aux accouchements normaux et de prendre soin des nouveaux-nés. Elle sera d'autre part à même de reconnaître à tout moment les éléments anormaux qui impliquent la nécessaire intervention du médecin, et de prendre personnellement les mesures qui s'imposent si elle ne peut obtenir ce secours médical. Qu'elle exerce dans un hôpital ou au domicile des intéressées, elle participera efficacement à l'éducation sanitaire de la famille et de la collectivité. Depuis 1982, la profession est accessible aux hommes.
à une accoucheuse à domicile ? Le 18 mars 1904, Madame
Jeanne Jamin-Winandy inscrivait dans son livre de comptes la
somme de 25 francs pour honoraires de l'accoucheuse de son 6e
enfant, Léon, né le 4 mars. Le délai laisse
penser que sa tâche ne s'est pas limitée à
la naissance mais qu'elle a suivi le bébé pendant
les 2 premières semaines, hypothèse d'autant plus
plausible que l'enfant était un prématuré. |
Chez nous, vu la médicalisation croissante et la diffusion de l'anesthésie par péridurale, la majorité des accouchements se pratique en milieu hospitalier, en présence du gynécologue et de l'anesthésiste. Ce n'est pas le cas de nos voisins des Pays-Bas où, au contraire, une majorité des naissances se fait à domicile. Le rôle de la sage-femme y est donc plus important et sa compétence mieux reconnue.
En Belgique, il existe 9 écoles où l'on peut suivre
des études de sage-femme. Au sein de notre Haute-Ecole,
l'Institut Sainte Julienne
prépare à cette profession.
En 1991, un arrêté royal et une convention INAMI
redéfinissent clairement leurs compétences et leurs
champs d'activité.
En conclusion, j'ai choisi une phrase d'Annick de Beaulieu : "
Les sages-femmes voudraient rendre la naissance aux parents, à
la famille, en tenant compte de leurs besoins et en rendant à
la femme qui accouche le contrôle de la situation ".
Bibliographie
1.
Article
C.B.D, Rendons
la naissance aux parents, Septième soir, samedi 30
avril 1994, Supplément Le Soir
2 .
Livre
Jacques Gélis,
La sage-femme ou le médecin, Fayard, France, mai
1988
3 .
Sites Internet
Evelyne Mothe,
Naître et mourir, visité le 22 avril 2002,
http://www.hellobebe.com/sagesfemmes.htm
Sylvie Francotte, Les études de sage-femme, visité
le 11 mai 2002, http://www.sage-femme.be/Etudiantes/etudes.htm
Sylvie Francotte, Les écoles, visité le 11
mai 2002, http://www.sage-femme.be/Etudiantes/ecoles/htm
Sylvie Francotte, Vous et votre sage-femme, visité
le 11 mai 2002, http://www.sage-femme.be/Parents/role_sagefemme.htm
Sylvie Francotte, Le rôle des sages-femmes, visité
le 11 mai 2002, http://www.chez.com/accouchement/sagesfemmes.htm
4.
Illustrations
Enseigne de sage-femme
(château de Gue-Pean, en Allemagne), dans les grands
évènements de l'histoire des femmes, collection
mémoire de l'humanité, éditions Larousse,
Paris, 1993, p.149
Document privé, source originale familiale.