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Evolution des regards portés sur la lèpre

Page Web réalisée à partir du travail de Christophe Pirson

Définition

La lèpre est une maladie chronique provoquée par le bacille Mycobactérium leprae.
Elle se multiplie très lentement et la période d’incubation de la maladie est d’environs 5 ans.
Elle est transmise par des gouttelettes d’origine buccale ou nasale, lors de contacts fréquents avec un sujet infecté et non traité
La lèpre n’est pas très contagieuse contrairement à ce que l'on a cru pendant longtemps, face à la peur qu'elle suscitait.

La problématique

La lèpre était déjà connue dans les civilisations antiques tant en Asie, en Chine, en Inde, qu'au Proche-Orient, en Egypte par exemple que en Palestine, en Grèce ou à Rome .
La première mention écrite connue de la lèpre remonte à 600 avant J-C.
Tout au long de l’histoire, tant parce qu'on croyait la maladie très contagieuse que parce que les dégâts physiques qu'elle provoquait étaient particulièrement visibles et horribles, les malades ont souvent été rejetés par leur communauté et leur famille.
Mon travail va se centrer plus précisément sur cette notion de la mise à l’écart des lépreux hors la société au cours du temps, en me posant cette question : Comment la société a-t-elle réagi et réagit-elle vis-à-vis de ces personnes ?
Je vais tenter d’y répondre et utiliser deux périodes de l’histoire qui sont le moyen âge , et le 20ème siècle.

Le moyen âge

Il est assez surprenant de constater que l’époque où fleurissent les léproseries ne se signale par aucun texte juridique commun organisant ou codifiant l’exclusion des malades.
La protection contre les lépreux se limite principalement à quelques types de dispositions : résidence des lépreux à l’écart des agglomérations , mesures pour limiter les contacts directs ou indirects avec eux et pour empêcher qu’ils ne procréent. Les maladreries se situaient invariablement très nettement hors des lieux habités par la population « saine ».
Lorsque l’occasion se présentait , on n'hésitait pas à profiter barrières naturelles, comme un fleuve ou un marécage , pour mieux isoler les lépreux. Toutefois, on laissait souvent les lépreux circuler et approcher les agglomérations, à condition toutefois qu'ils signalent leur maladie et leur approche, généralement avec un instrument bruyant comme une crécelle.
En fait, il y avait deux tendances principales
- Les sorties interdites ou limitées à une mendicité contrôlée près des portes.
- L
a possibilité de franchir les portes de la ville , mais en assignant de strictes bornes à leur promenade. Il leur faut une permission pour entrer dans la ville et ils ne peuvent pas s’approcher des habitations.
Chacun à leur manière , grands ecclésiastiques et laïques, ont joué un rôle important dans la création des léproseries, notamment grâce à leur richesse; les moines et les évêques , sur la lancée d’une vénérable tradition de charité, fournirent des terres , des aumônes et aussi des prêtres capables de prendre en charge les lépreux. Les aumônes des puissants étaient indispensables pour les petites communautés de lépreux.
La contribution des laïques, par les collectes, les dons, les legs, ne fut pas non plus négligeable.
Il s’agissait pour eux de se faire pardonner leurs péchés par l’aumône et d’étaler aux yeux du monde leur grandeur par des actions dignes de leur rang.
Il ne faut pas non plus oublier qu’à ce temps –là , la lèpre était souvent considérée comme une punition , un châtiment qui était la conséquences des péchés de la personne touchée .
La perception de la lèpre à ce temps là pourrait clairement se résumer par cette phrase :«
Dès que le peuple ou l’autorité publique a eu connaissance qu’un individu est atteint de la lèpre, il sera expulsé de sa maison et de sa ville et obligé de demeurer dans la solitude ». Cette phrase est la plus ancienne loi dans le royaume lombard , il s’agit de l’édit de Rothari.

Le fort vénitien de Spinalonga est situé en face de la côte nord-est de Crète.
Il fut pendant plus de 50 ans le lieu de rassemblement et de confinement de plusieurs milliers de lépreux grecs
(photo parue dans Victor, supplément du journal le soir, du 31 octobre 2002, p.25)

Le 20ème siècle

La mise à l'écart continua à être la principale attitude adoptée par les autorités au cours des siècles. Trouver un lieu facilement isolable, par exemple une île, et y installer ou obliger à s'y installer tous ceux qui étaient contaminés, voilà bien souvent à quoi se limitait la "prévention" et les "soins". Un exemple très connu au 19es est celui de l'île de Molokaï où travailla et mourut le Père Damien. Un autre plus proche de nous fut l'île de Spinalonga, située en Crète, en face du ravissant et très touristique port de Haghios Nikolaos. C'est là qu'en 1903, les autoirtés crètoises décidèrent par décret de créer une colonie de lépreux, dans les maisons abandonnées par les anciennes familles musulmanes qui y résidaient au temps où la Crète faisait partie de l'Empire Ottoman. Bientôt les lépreux de toute la Grèce y furent rassemblés; on comptera ainsi jusqu'à 4.000 malheureux livrés à eux-mêmes, sans médecin pendant les 4 premières années, sans guère de médicament, avec un approvisionnement en eau potable et en vivres très irrégulier. On peut dire qu'ils ont une vie proche des prisonniers de droit commun. La communauté va quand même s'organiser, reconstruire les maisons, cultiver le sol pour ceux qui en sont encore capables, rénover une chapelle et ouvrir des tavernes. Toutefois le gouvernement surveille et toute tentative d'évasion est réprimée.
Au début du 20ème siècle , la politique sanitaire coloniale basée sur la ségrégation des malades ne fait qu’accréditer une mise à l’écart des lépreux. Cette politique a néanmoins apportée une dimension technique et collective avec cette mise à l’écart. Les principaux centres de soins de maladies contagieuses sont isolés. Le premier lieu de regroupement des malades de la lèpre fut construit en 1928 à Bako-Jikoronin en Guinée. En Afrique, le docteur belge, Frans Hemerijckx (né en 1902, photo ci-contre) va créer les "cliniques sous les arbres" qui inaugure une démarche de recherches des malades dans la brousse ou la forêt, au lieu d'attendre leur venue dans le dispensaire.
A la même époque, Spinalonga est enfin équipé d'une certaine infrastructure médicale, un nouvel hôpital, un laboratoire d'analyses, une génératrice pour produire de l'électricité. Echappant à l'occupation allemande - peur de la contagion ? - l'île resta réservée aux lépreux jusqu'en 1957 où les derniers la quittèrent pour les hôpitaux de la Grèce continentale.
Mais le continent le plus touché fut certainement l'Afrique. En 1934 fut construit l’institut central de la lèpre en Afrique de l’Ouest. Lieu ségrégatif et imposé, il devint pour les malades un lieu de protection. Les familles des malades étaient logées dans un village. L’ensemble des lieux constituait une véritable petite ville ( écoles , églises,…). La vie en autarcie était donc favorisée . Les personnes partageant les mêmes épreuves ont trouvé ,avec la ségrégation, l’opportunité de se retrouver entre elles sur un même territoire. L’appropriation du quartier a instauré la mauvaise réputation au lieu. Jusqu’aux années 80 il fut et resta un territoire à l’écart.
Dans les années 70-80 , l’importance des dons et actions humanitaires fournis par les associations caritatives internationales accélèrent le processus de regroupement pour former le quartier de Jenekabugu . La mauvaise réputation du lieu a néanmoins largement contribué au développement un dynamisme économique et social reposant sur un ensemble de liens tissés entre le quartier et l’étranger. La population a mis en valeur l’environnement en créant des cultures vivrières. Malgré la persistance de la stigmatisation, les lépreux ont acquis en tant que groupe une place au sein de la population. Favorisée par un vécu et une vision identique du monde, cette communauté a édifié des réseaux de sociabilité propres . En structurant les individus en tant que communauté , les lépreux sont perçus par l’extérieur comme «identiques ».

L'avenir ?
Ces 15 dernières années , 11 millions de malades ont été guéris.
La lèpre a été éliminée dans 98 pays .
L’élimination de la lèpre en tant que problème de santé publique est définie comme un taux de prévalence mondial inférieur à un cas sur 10000 habitants . Une fois ce taux atteint, la transmission s’affaiblira et finira par s’interrompre. Les générations futures ne contracteront pas la maladie.

Conclusion

A travers mes lectures , j’ai pu remarquer que les personnes atteintes par la lèpre effrayaient la population et étaient mises à l’écart . Au cours du temps , la réaction spontanée de peur et de rejet n'a pas beaucoup changé; toutefois grâce à la présence de nouveaux médicaments plus efficaces pour combattre la maladie et au fait que l’on s'est rendu compte que le lépreux n’était pas responsable de sa maladie, le regard a quand même évolué.
Il n'en reste pas moins que l'importance de la maladie reste inacceptable puisqu'on connait des traitements efficaces et pas très coûteux. Il suffirait donc de trouver la volonté politique nécessaire et l'investissement massif de fonds pendant un temps relativement réduit pour en venir quasi définitivement à bout. Qui aura cette volonté ?

Bibliographie

Françoise Bériac, histoire des lépreux au moyen-âge ; une société d’exclus, édition IMAGO
Dominique Lapierre, Les héros de la Cité de la Joie, Robert Laffont, Paris, 1986, pour la photo du lépreux dans le bidon ville de Bombay.
Marie-José Imbault-Huart, le mal des ardents, dans l'Histoire, n°74, janvier 1985
Didier Stiers, L'île des lépreux, dans Victor, supplément au journal le Soir, du 31 octobre 2002, p. 25
Bulletin Fondation Damien, n°4- 2002 pour la photo et l'information sur Frans Hemerijckx
Internet
www.who.int/inf-fs/fr.am.html
www.fondationdamien.be
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