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Page Web réalisée à partir des travaux d'Olivier Boutet et d'Anne Moermans
1. La maladie
A. Les caractéristiques
Maladie
infectieuse, contagieuse et épidémique venue d'Asie.
L'agent infectieux est un bacille ( Yersinia pestis) découvert
en 1894 par A. Yersin.. C'est jusqu'à présent, la
maladie qui, dans l'histoire, est responsable du plus grand nombre
de morts.
On distingue 3 formes de peste:
- la peste bubonique: transmise à l'homme par la puce du
rat. En l'absence de traitement, elle est mortelle dans 80% des
cas.
La peste pulmonaire: mortelle dans 100% des cas, en moins de 24h,
elle est transmise par voie repiratoire entre humains.
La peste septicémique qui est l'évolution terminale
des deux autres formes.
A l'origine, le mal bubonique (caractérisé par une
forte fièvre et des ganglions suppurés) touche essentiellement
les rongeurs, mais il peut être transmis à l'homme
par l'intermédiaire de puces ou de poux infectés.
Plusieurs vagues de peste ont touché l'Europe et le bassin
méditerranéen entre le Vème siècle
et la disparition des grandes épidémies de la maladie,
à la fin du XIXes.
B. Les symptômes
Les premiers symptômes
de la peste bubonique sont des maux de tête, des nausées,
des vomissements, des douleurs articulaires et une sensation générale
de malaise. Les ganglions lymphatiques de l'aine, et plus rarement
des aisselles et du cou, sont gonflés et douloureux. La
température, accompagnée de frissons, oscille entre
38.3 et 40.5 C°. Le pouls et la respiration s'accélèrent
et le malade est épuisé et apathique. Les bubons
gonflent jusqu'à avoir la taille d'un oeuf.
Dans les cas non mortels, la température commence à
diminuer au bout de cinq jours et redevient normale en deux semaines
environ. Dans les cas mortels, le décès survient
en moyenne au bout de quatre jours.
Dans les cas de peste pulmonaire primaire, l'expectoration (crachat)
est d'abord visqueuse et sanglante; elle devient ensuite liquide
et rouge vif. La mort apparaît en général
deux ou trois jours après l'apparition des premiers symptômes.
La couleur violacée, caractéristique de toutes les
victimes de la peste au cours des dernières heures, est
due à une défaillance respiratoire. Tous ces symptômes
ont donné naissance à ce qu'on appelle communément
la peste noire.
C. La peste à travers l'histoire
On ne peut clairement
situer les différentes épidémies dans les
temps anciens car toute maladie frappant brutalement et mortellement
des populations nombreuses étaient nommées "peste"
et on a aujourd'hui parfois pu préciser de quoi il s'agissait
réellement.
Dans la Bible déjà, la peste la plus importante
relatée est la peste des Philistins. Mais le germe n'a
pas encore été clairement identifié. Dans
l'Antiquité grecque, à l'époque de Périclès
qui en mourut, une épidémie éclata, frappant
un quart de la population d'Athènes. De même pour
celle de Syracuse. On soupconne la peste, mais une fois encore
sans preuve formelle.
Les premiers siècles de l'ère chrétienne
sont frappés de nombreuses épidémies, notament
la peste dite de Justinien vers 542, qui s'en prit à l'Occident
et au Moyen-Orient à de nombreuses reprises. C'est la première
fois que la peste est formellement reconnue et identifiée.
La peste jaune sévit aussi vers 664 en Angleterre, en Irlande
et à travers le pays de Galles.
Puis arrive la
grande peste de 1348
avec des ravages d'une ampleur considérable.
D. L'épidémie du 14e siècle
En 1347, des marins génois,
revenant de Crimée où ils avaient combattu des Tartares,
rapportèrent les germes à leur insu. Après
avoir infesté Constantinople, ils jetèrent l'ancre
à Marseille. En suivant les itinéraires commerciaux,
la peste contamina progressivement la France, l'Espagne, le sud
de l'Angleterre, l'Italie et les Balkans. En 5 ans, elle tua 25
millions de personnes (soit un tiers de la population européenne).
Quelques régions furent épargnées comme la
Bohème ou la Hongrie.
La maladie se propagea surtout dans les groupes humains fortement
rassemblés: communautés religieuses, armées,
villes. Les mauvaises conditions de vie, le manque d'hygiène,
la sous-alimentation et la famine sont d'autres facteurs favorables.
Le niveau social joua également un rôle permettant
aux aristocrates et aux bourgeois de fuir devant la progression
de l'épidémie ou de résister grâce
à une meilleure alimentation et de meilleures conditions
sanitaires. Les campagnes furent souvent épargnées,
peut- être à cause d'une concentration de population
plus faible. Peut-être aussi parce qu'au sein de communautés
où tous se connaissaient, il était plus facile de
chasser l'intrus ou d'empêcher qu'il ne pénètre
sur le territoire.
2. les conséquences démographiques et économiques de la grande peste
Les
répercussions de la peste noire furent profondes et durables.
L'épidémie survenait dans une population en voie
de stagnation, sinon de déclin depuis l'optimum de la fin
du 13ème siècle. Les énormes vides creusés
par le mal devaient sans doute être rapidement comblés,
dans un milieu que cette brusque perte de substance libérait
en effet du poids du surpeuplement et donc du spectre de la famine
toujours présent. Mais la peste, à l'inverse des
précédentes " mortalités " jusqu'ici
occasionnelles, s'installa pour longtemps en Europe ; elle se
ralluma périodiquement, tous les dix ou quinze ans, pendant
plus d'un demi siècle.
Ces résurgences furent durement ressenties ; la peur qu'elles
éveillèrent fut sans doute plus vive que lors de
la première attaque et se transforma en inquiétude
permanente. Surtout, elles empéchèrent, par leur
répétition, toute reprise démographique et
inclinèrent vers un abaissement progressif l'évolution
de la population européenne.
Peu à peu, certes, la maladie devint moins meurtrière,
tandis que l'organisme humain s'accoutumait à se défendre
contre elle. En Angleterre, où les études statistiques
ont été des plus poussées, on voit le taux
de mortalité décroître régulièrement
dans le cours du 14ème siècle, à chaque retour
de l'épidémie. Mais le premier de ces retours, en
1360, avait été presque aussi destructeur que l'attaque
de 1349. En outre, il avait spécialement frappé
les enfants, ce qui engageait davantage l'avenir. La peste noire
n'est certes pas à l'origine d'une régression démographique
dont on voit les traces évidentes avant son apparition,
mais elle l'a considérablement accentuée. Sans elle,
l'Europe n'aurait pas été, comme il apparaît,
deux fois moins peuplée en 1400 qu'un siècle plus
tôt.
L'épidémie
doit être tenue pour un facteur de première importance
dans l'histoire économique de la fin du Moyen-Age. En premier
lieu, elle a provoqué une crise de la main-d'oeuvre dont
ont souffert les exploitants des grands domaines et les entrepreneurs
qui dominaient la production artisanale. Cette crise a déterminé
un brusque désordre dans les salaires, auquel les souverains
ont essayé de remédier par les édits enjoignant
de ramener les gages à leur niveau d'avant la peste. Vaine
tentative. L'élévation des frais d'embauche, jointe
à la diminution du nombre des sujets et à la nécessité,
pour repeupler les exploitations progressivement désertées,
de consentir à une réduction des redevances et des
services, a porté un coup très rude à la
seigneurie rurale et a hâté sa décomposition.
Améliorant ainsi la situation des travailleurs survivants,
l'épidémie fut d'autre part à l'origine d'une
concentration des patrimoines.
La tonalité nouvelle que revêt l'économie
européenne après 1348 ( une relative faiblesse consécutive
à la raréfaction des producteurs et des consommateurs
et, d'autre part, la hausse du niveau de vie, sensible aux différents
étages de la société) ne peut être
expliquée sans faire intervenir les effets, directs et
indirects, de la peste noire. Celle-ci, la première d'une
série de vagues épidémiques qui se sont succédées
jusqu'au 19ème siècle, marque incontestablement
le seuil d'une nouvelle phase de l'histoire de l'Occident.
3. Les répercussions sociales et psychologiques
L'épidémie
du 14e siècle eut des répercussions sur toutes les
formes de la vie de la société.
L'ignorance des causes, l'impuissance des médecins, la
rapidité de la propagation et la terreur devant le fléau
provoquèrent différentes réactions:
- La fuite, parfois en emmenant les germes et en augmentant ainsi
la propagation. Errants et vagabonds pullulèrent. Le banditisme
augmenta.
- La ferveur religieuse: Les gens virent dans l'épidémie
une manifestation de la colère divine et cherchèrent
à l'apaiser, par exemple en organisant des pèlerinages.
En 1350, plus d'un million de pèlerins se rendirent à
Rome, la majorité périrent en chemin. Des rites
de pénitence collective comme les processions de flagellants
se développèrent.
- Les antagonismes sociaux: les inégalités sociales
s'aggravèrent face à l'épidémie puisque
les gens aisés purent organiser leur fuite ou se mettre
à l'abri loin des grandes villes ou des foyers de contamination
(qu'on se rappelle le Décameron de Boccace)
- Les antagonismes religieux: Les juifs servirent de boucs émissaires,
on les accusa d'empoisonnement et on organisa des pogroms.
- Un sentiment de peur et d'insécurité se développa
dans la population face à la brutalité de la mort
et l'incompréhension des causes.
- un bouleversement social : certains villages, certaines familles
disparurent. En 1400, l'Europe est deux fois moins peuplée
qu'en 1300. L'augmentation des décès fut suivie
d'une augmentation des mariages et puis des naissances. L'âge
du mariage, assez élevé, descendit pour hâter
cette reconstruction.
- dans le domaine artistique, la peinture surtout nous a laissé
des oeuvres caractéristiques comme des portraits de St
Roch, dont on raconte qu'il survécut à une épidémie
de peste.
4. Comparaison avec le SIDA en Afrique actuellement
Aujourd'hui le SIDA touche plus de 25 millions de personnes dans le monde dont 14.000.000 rien qu'en Afrique subsaharienne. Dans des pays comme le Botswana ou le Zimbabwe, 45% des femmes enceintes sont séropositives. Tout cela risque d'entraîner de nombreuses conséquences démographiques et économiques pour ces pays, comparables à la peste. Il y a un risque de manque de main-d'oeuvre, un poids très lourd sur des Etats pauvres à cause des soins de santé et de l'éducation de millions d'orphelins, l'enrichissement de certains et l'appauvrissement encore plus grand pour d'autres qui, de plus, ne pourront pas s'offrir de traitement, le tout étant évidemment facteur de désordre dans les différents secteurs économiques des pays.D'un point de vue démographique, se pose le roblème du renouvellement des générations et de la survie de ces pays,puisque on assiste à la disparition d'un pan entier d'une génération, celle des adultes d'aujourd'hui et peut-être à une hypothèque sur la génération suivante. Tout ceci n'est qu'extrapolation à partir de la situation actuelle car nous ne disposons pas encore d'assez de recul pour évaluer l'ampleur de cette catastrophe. Mais on est à peu près sûrs que tous les chiffres, déjà dramatiques, devront être revus à la hausse.
NB. La grande épidémie
du 14e siècle a toujours été qualifiée
de "peste". Pourtant un article très récent,
paru en anglais dans science daily et repris par science
et avenir , semble affirmer qu'elle n'en possédait
pas les caractéristiques et remet en cause notamment le
rôle du rat. Pour ceux qui souhaiteraient prendre connaissance
de cette thèse, voir
soit en anglais http://www.sciencedaily.com/releases/2002/04/020415073417.htm
soit en français: http://permanent.sciencesetavenir.com/sci_20020412.OBS4792.html
5. Bibliographie
Encyclopédie
universalis sur
CD-ROM de 1998.
Yves Renouard, Etudes d'histoire médiévale,
S.E.V.P.E.N., Paris, 1968.
Encyclopédie encarta sur CD-ROM de 1998.
Le journal, édition spéciale sur le SIDA,
1/12/1996, agence de prévention SIDA
http://www.histoire.medecine.com/peste.htm
Albert Camus, la peste, Livre de poche, Paris, X
Illustrations
La puce, dans les grands bouleversements mondiaux, éditions
Christophe Colomb, Brepols, 1984, p. 119
Le médecin dans son "costume protecteur": les
grandes tragédies, dans la collection "mémoire
de l'humanité", Larousse, Paris, 1994
Pour la peste noire dans
l'art et chez nous, voir la page de la crise
de la fin du moyen âge.
Pour les impacts sur les mentalités du temps, voir
la page du dossier sur la Mort