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Le travail des enfants
Bref aperçu historique général

Page réalisée à partir du travail de Sophie Gillet

Introduction

Définition : Travail des enfants = utilisation et exploitation d’une main d’œuvre enfantine dans le processus productif.

L’emploi des enfants, courant dans l’ensemble des sociétés préindustrielles, et qui a perduré jusque vers les années trente dans de nombreux pays industriels dits avancés, tant en Europe qu’aux États-Unis, a peu à peu régressé, sous le poids des impératifs d’ordre social qui se sont imposés à chaque étape du développement de nos sociétés. L’absence de séparation entre la cellule domestique et l’ensemble des activités économiques, qu’on observe dans les sociétés préindustrielles, se traduit par l’utilisation généralisée d’une main-d’œuvre enfantine. L’économie est alors essentiellement rurale. Le machinisme n’étant pas encore intervenu afin de réduire la pénibilité du travail, la succession de crises agricoles constitue une menace permanente pour la survie même de millions de ruraux. L’enfant est alors une force de travail comme une autre : sa participation aux travaux des champs n’est point conçue comme une exploitation, mais bien comme une chance supplémentaire d’assurer sa subsistance.

Le recours à la main d’œuvre enfantine n’est cependant pas du ressort exclusif du secteur agricole. Chez les boutiquiers, dans les ateliers, chez les marchands, on trouve de jeunes enfants qui travaillent selon un rythme journalier quasi identique à celui des adultes. La seule différence, mais elle est de taille, concerne leur rémunération : si, dans bien des secteurs, la rémunération des adultes ne suffit pas toujours à couvrir les besoins élémentaires liés à la simple survie, la rémunération des enfants est encore bien inférieure.

L’apparition du salariat, conséquence de la révolution industrielle, engendre une nouvelle organisation de la production qui va modifier le statut du travailleur, et notamment réformer la place de l’enfant au travail. Il faut cependant se garder d’assimiler trop rapidement ces deux phénomènes. Cette évolution est lente à produire ses effets, même si, en moins d’un siècle (1848-1936), de considérables avancées ont lieu

La Révolution Industrielle et ses conséquences

De l’Angleterre où elle prend naissance pendant la seconde moitié du XVIIIe siècle, la Révolution Industrielle gagne rapidement la France, la Belgique, l’Ouest de l’Allemagne, l’Amérique du Nord, avant de toucher un peu plus tard les Pays-Bas et l’Italie. En Angleterre, l’industrie du coton qui va devenir le secteur principal du nouveau système industriel est la première à se développer. Tout le secteur textile emboîte bientôt le pas. Aucune législation protectrice n’existe encore et pour les travailleurs le choix est très simple : accepter du travail à n’importe quelles conditions ou s’exposer à mourir de faim. Très vite l’énorme besoin de main-d’œuvre et la misère des familles ouvrières entraînent la mise au travail de milliers d’enfants. Pour les employeurs ils sont bon marché ; pour leurs parents leur salaire si faible soit-il, leur permet de survivre (voir aussi la page consacrée à ce domaine d'activités).
Pour certains, le travail commence entre quatre et six ans, ils sont attelés au tâches les moins pénibles : bobinage du fil et ramassage du coton,… A partir de huit ou neuf ans, ils travaillent avec le personnel de production. Leurs journées de travail sont aussi longues que celle d’un adulte, quatorze, seize ou même dix-huit heures par jour. Le travail s’effectue dans des conditions parfois dangereuses, toujours très dures, sous les yeux de surveillants impitoyables, au milieu de la poussière et du bruit. A cette époque, il semble normal de voir des enfants travailler.
Le travail des enfants n’est certes pas une invention machiavélique de la révolution industrielle. Au Moyen Age, les enfants sont jetés dans les fatigues du travail rural ou de l’apprentissage militaire. Plus tard peu à peu, avec la diversification des activités, les enfants apprennent toutes sortes de travaux et de métiers. La pauvreté sévissant partout, les écoles gratuites étant rares, l’apprentissage apparaît comme le seul remède contre la mendicité et le vagabondage.

Evolution de la législation : exemple de l'Angleterre

L’Angleterre, où l’industrialisation est la plus précoce et la plus forte, est aussi le premier pays dans lequel l’Etat se décide à intervenir. La première mesure législative est adoptée en 1788, elle concerne les petits ramoneurs. Cette loi n’a jamais été appliquée. De nouvelles tentatives échouent également et la situation demeure inchangée jusqu’en 1875. Cette année là une loi est votée. Elle oblige les ramoneurs employant des apprentis à acquérir une licence. Il a donc fallu « quatre-vingt-dix ans de vaines tentatives pour protéger quelques milliers de jeunes garçons » ce métier est également l'un des premiers pratiqués par les enfants en France, comme en atteste "le petit ramoneur", symbole choisi par les Pays de Savoie (cfr illustration ci-contre)
Dans le secteur industriel, les progrès sont presque aussi lents. D’abord l’industrie textile où les enfants sont, de loin, plus nombreux qu’ailleurs. Les premières mesures effectives sont prises par des employeurs généreux . Ils n’emploient que des enfants de plus de dix ans, aucun ne travaille plus de douze heures par jour et des dispositions sont prises pour assurer leur instruction et leur bien-être physique. Néanmoins il est vite évident que l’employeur compréhensif ne peut pas concurrencer ses rivaux impitoyables..
Ce projet devient en 1802 la loi sur la « protection de la santé et de la moralité des apprentis et autres personnes employés dans les filatures de coton et autres filatures, et les fabriques de cotonnades et autres fabriques ». Ces dispositions pourtant modestes n’ont jamais été appliquées.
Cette loi a pourtant une importance historique considérable. Elle a été la première pierre de la législation du travail et, avec elle, est née l’idée que le devoir de l’Etat est d’assurer la protection, des enfants d’abord, puis peu à peu, de tous les citoyens.
La nouvelle loi (1833) interdit l’emploi des enfants en dessous de neuf ans, limite la durée du travail à huit heures par jour pour les moins de treize ans, à treize heures et demie pour les moins de dix-huit ans. Le contrôle de l’application de la loi est confié à des fonctionnaires dépendant du ministère du Travail, rétribués en qualité d’inspecteurs des fabriques. La situation change alors très rapidement.
En 1878, les lois existantes sont remplacées par une loi générale codifiant la réglementation des fabriques et ateliers, textiles ou autres. L’âge minimum d’admission à l’emploi est fixé à dix ans et les enfants en dessous de quatorze ans ne sont autorisés à travailler qu’à mi-temps. Par la suite, le champ d’application de cette loi est encore étendu.
La législation se perfectionnant, les inspecteurs constatent très vite le recul du nombre des enfants au travail.
Plus que par la législation, c’est avant tout par la scolarité obligatoire et gratuite que l’emploi des enfants diminue progressivement dans les activités non industrielles et dans l’agriculture. La scolarisation sera d’ailleurs toujours le complément indispensable dans la lutte contre le travail des enfants.
Les premiers réformateurs, ne se préoccupent pas seulement du surmenage des enfants, mais aussi de leur manque d’instruction. Le législateur s’efforce à la fois de réduire la durée du travail et de mettre en œuvre un programme de scolarité obligatoire.
Dans la loi de 1833 sur les fabriques, tout enfant âgé de neuf à treize ans, occupé dans une entreprise, doit remettre à son employeur une fiche établi par l’instituteur, attestant qu’il a été présent à l’école au moins deux heures par jour, pendant six jours par semaine. L’application de ces dispositions pose de gros problèmes : les établissements scolaires sont en nombre nettement insuffisant et la répartition des heures de travail scolaire se révèle difficile.
Une loi de 1844 instaure le travail à mi-temps, qui permet de mieux combiner l’emploi des enfants et la fréquentation scolaire. Immédiatement, le travail dans l’industrie connaît une nette recrudescence. Mais, le système de travail à mi-temps suscite des critiques : comment l’enseignement pourrait-il être profitable à ces enfants occupés en même temps à gagner leur vie ? Ce surmenage n’est-il pas néfaste pour leur santé physique et mentale ?…
En 1876, il y a suffisamment d’école pour rendre la scolarité obligatoire. En 1892, les droits de scolarité sont supprimés et une loi de 1920 met définitivement fin au régime du travail à mi-temps pour les enfants.

Et en Belgique ?

Chez nous, ce douloureux problème prit beaucoup de temps à être reconnu et solutionné.
Aujourd'hui les discours des partisans du statu quo laissent parfois pantois.
Que l'on souligne les besoins de productivité ou les risques de concurrence dans un Etat bourgeois et une économie libérale, cela se conçoit. Mais lorsqu'arrivent des arguments soi-disants moraux, on ne peut s'empêcher d'être révoltés ! Ainsi on parlera de lutte contre la paresse naturelle de la classe populaire, de l'apprentissage du sens de l'effort, de la discipline; on dira que le travail préserve de la rue et de ses tentations. Enfin, on invoquera la souveraine liberté du père de famille qui interdit de se mêler en quoi que ce soit de ce qu'il fait de ses enfants. C'est donc lui qui choisit, librement, de les faire travailler !
Il est vrai que l'argent manque à la maison et que donc chaque salaire, si petit soit-il, est nécessaire à la survie. C'est pour cela que chez nous aussi, le travail des enfants ne prendra réellement fin que lorsque l'instruction devenue obligatoire (en 1914), des inspecteurs vérifieront le respect de la loi.
Dans les autres pays européens, l’emploi des enfants est supprimé par les mêmes étapes successives qu’en Angleterre : élévation de l’âge d’admission à l’emploi, extension de la réglementation à toutes les professions, amélioration et renforcement des mesures d’application, parallèlement à l’introduction de la scolarité obligatoire.

Aujourd’hui en Europe

Au terme de cette longue évolution, les pays d’Europe occidentale observent des lois qui se ressemblent beaucoup.
Il y est, en principe, interdit de faire travailler des enfants âgés de moins de quatorze ou quinze ans, et les enfants ne peuvent en général être embauchés avant l’expiration du temps d’obligation scolaire.
C’est de loin dans les activités non industrielles effectuées à temps partiel que les enfants sont les plus nombreux. La plupart des enfants travaillent à temps partiel, en dehors des heures de classe, dans des activités marginales.
A côté de ce travail « illégal », il y a celui qu’autorise la loi, càd celui de l'aide aux proches. Dans les familles, il est effectivement souvent la règle. Les enfants font les courses, la vaisselle,… Mais souvent, des petits services on peut passer à une véritable assistance dans l’activité professionnelle: tenir le magasin, s'occuper du bétail, accompagner dans des tournées, porter des colis. Et là il n'y a guère de contrôle ni sur le temps, ni sur la fatigue éventuelle.
Cette situation parfois défavorable n'a pourtant rien à voir avec ce qui se passe dans les pays du Sud.

Conclusion

Dans la seconde moitié du XX e siècle, le travail des enfants reste un grave problème sur tous les continents. Des études menées en 1979 (année internationale de l’Enfance) aboutissaient à un constat alarmant : plus de 50 millions d’enfants de moins de 15 ans étaient contraints au travail, surtout en Amérique Latine, en Afrique et en Asie, et étaient, dès lors, privés des droits fondamentaux reconnus à l’enfant, parmi lesquels le droit à l’éducation. Aujourd'hui les chiffres sont encore bien plus dramatiques : 210 millions entre 5 et 14 ans, d'après l'agence de l'IPEC de 2002. On ne doit toutefois pas affirmer que la situation s'est réellement aggravée - ce qui serait incompréhensible vu l'énorme travail effectué par les grandes organisations internationales - mais plutôt que la sensibilisation est plus grande, les lois plus contraignantes et les inspections plus efficaces.
Dans de nombreux pays en voie de développement, l’industrialisation a produit les mêmes effets que dans l’Europe du XIX e siècle : analphabétisme, sous-alimentation, etc. Les conditions de travail sont tout aussi dures et le phénomène n’affecte pas seulement les pays en voie de développement. Il surgit partout où perdurent et se développent des phénomènes de paupérisation, tant en Europe qu’aux États-Unis. Il peut être aussi la conséquence inattendue de changements politiques. Ainsi dans les anciens pays de l'Europe de l'Est.
Le problème revêt plusieurs visages différents. Il y a le travail quel qu'il soit, interdit à l'enfant en âge scolaire. Il y a le travail dangereux qui ne devrait pas toucher des jeunes et surtout le travail moralement condamnable quel que soit l'âge concerné. L’exploitation ne se limite plus alors au travail, elle concerne également l’exploitation de la personne : la prostitution n’en constitue qu’un des exemples les plus démonstratifs. Les efforts les plus importants pour combattre les abus du travail des jeunes à travers le monde sont accomplis par l’Organisation internationale du travail (OIT), fondée en 1919
L’organisation a élaboré et présenté aux États membres plusieurs conventions internationales relatives au travail des jeunes, contenant des restrictions tenant à l’âge minimal d’embauche (16 ans), à la règlementation du travail de nuit, à la durée de travail, ou encore aux garanties sanitaires et sociales en faveur de ces travailleurs. L’application de ces conventions repose toutefois sur la seule responsabilité des États membres, qui pour beaucoup d’entre eux, s’affranchissent de ces considérations. L’argument tiré du sous-développement est fréquemment avancé afin de tenter de justifier le maintien des jeunes à l’usine ou aux champs.

Dans le monde, plus de 250 millions de moins de 17 ans - soit un sur six - sont astreints à une des trois formes de travail que l’OIT (Organisation internationale du travail) veut abolir. Parce qu’il s’agit de tâches trop lourdes pour leur âge, de boulots dangereux pour leur santé ou d’une des « pires formes de travail » comme l’esclavage, la traite, la servitude pour dettes, la prostitution, la pornographie… Le BIT constate que « les crises de toutes sortes (…) ont pour effet de pousser un nombre croissant de jeunes vers des formes de travail qui nuisent à leur santé ». Aucun pays n’y échapperait. Certes, la région Asie-Pacifique compte la plus forte proportion de main-d’œuvre enfantine (60% du total), suivie de l’Afrique subsaharienne (23%), de l’Amérique latine et des Caraïbes (8%), du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord (6%),… Mais 2,5 millions d’enfants (1%) sont aussi contraints de travailler dans les pays industrialisés. Le secteur primaire reste le plus gros employeur : il attire, à lui seul, 70 % des jeunes travailleurs, particulièrement dans les plantations de produits vendus sur le marchés internationaux, comme le cacao, le café ou le caoutchouc, mais aussi dans les petites exploitations familiales peu rentables.
Une lueur d'espoir se devine quand même : de plus en plus de pays ratifient les conventions et des programmes annuels se développent dans plusieurs coins de la planète où l'on est arrivé à convaincre les gouvernements que l'éducation est aussi nécessaire au développement économique que la main d'oeuvre bon marché.

Bibliographie

Livre
Christiane Rimbaud, 52 millions d’enfants au travail, Librairie Plon, 1980
Florence Loriaux (sous la direction de) Enfants-machines, histoire du travail des enfants en Belgique aux XIXe et XXe siècles, Carhop, EVO, 2000
Sites
http://www.ilo.org/public/french/standards/ipec/
http://www.ac-strasbourg.fr/etablissement/sites_etab/mundo/TRAV_ENF.HTM
http://users.swing.be/MAEVRARD/livre5.htm
http://www.babyquid.be/Pages/Dossiers/droi/trav_enfants.htm
Articles
Le Soir, Mercredi 14 avril 1999, N15, Page 2, 250 millions d’enfants esclaves, par L. Audrant
LE VIF L’EXPRESS, 16 mai 2002, N°2652
Autres
Encyclopédie Encarta 2000, rubrique "le travail des enfants"

Illustrations
Les petits ramoneurs, sur le site http://perso.wanadoo.fr/cbi.ksb/ramoneur.htm
Jeune paysan assis avec son chargement, Giacomo Ceruti, 18es, Pinacothèque Brera, Milan, cl. Giraudon et Bridgement, paru dans l'Histoire, n°262, fév. 2002, p. 38
Petit chiffonnier avec son chargement sur une décharge à Calcutta, dans Dominique Lapierre, les héros de la Cité de la Joie, p.109, Robert Laffont, Paris, 1986.

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