Accueil

Personnages

Monuments

Evènements

Dossiers

Documents

Eux aussi

qui suis-je ?

contactez-moi

 

L'évolution de la législation sur l'Interruption volontaire de grossesse
en Belgique et dans quelques pays d'Europe

Page réalisée à partir du travail d'Anne-Françoise Renquin

1. Evolution de la législation belge
La Belgique naît en 1830 et la première loi belge sur l'avortement apparaît en 1867. Elle interdit tout avortement sans aucune exception. L'avortement est considéré comme un crime contre " l'ordre des familles et de la moralité publique ". Il est important de souligner qu'à la fin du 19ème siècle, l'avortement n'est pas considéré comme un crime contre une personne, tel l'infanticide et que la jurisprudence admet l'avortement pour sauver la vie de la mère.
En 1923, une seconde loi interdit et punit la publicité et l'information en matière de contraception. (voir la page sur ce sujet)
En 1940, certains avortements thérapeutiques ont lieu dans les hôpitaux.
1962 voit création du premier centre de planning familial en région francophone. Certains, non confessionnels, commencent alors discrètement à pratiquer dans de bonnes conditions médicales l'interruption volontaire de grossesse ou font valoir le risque pour le mère.

Un évènement spectaculaire va amener brusquement le sujet à la Une de tous les Journaux. Il s'agit de ce que l'on a appelé "l'affaire Peers".
Le 18 janvier 1973, un gynécologue namurois, le docteur Willy Peers est placé en détention préventive pour avoir pratiqué trois cents avortements à la Maternité Provinciale de Namur. Ce médecin est connu pour sa grande humanité, son sens moral et ... le travail qu'il a effectué dans la lutte contre la stérilité.
Le contexte dans lequel éclate l'affaire est celui d'une interdiction légale assortie d'une relative manusétude de la part des parquets qui ferment souvent les yeux. Ce divorce entre la Loi et la pratique est évidemment contestable en démocratie. La responsabilité qui pesait dès lors sur les magistrats fait raisonnablement penser que l'action menée contre le docteur Peers avait aussi comme motivation d'obliger à un débat public et démocratique. En cela on peut le comparer avec le manifeste des 343 en France.
Toujours est-il que cette inculpation provoque la colère de tous les milieux progressistes (laïcs, socialistes, féministes) qui radicalisent leur position, mettent en accusation la loi, accusent l'Ordre des Médecins, la Justice et l'Etat de maintenir le statut-quo.
Les évêques réaffirment vigoureusement leur position : " le respect absolu de la vie interdit d'inscrire dans la loi la reconnaissance du droit de la supprimer".
Peers est libéré et, après multiples débats, la Belgique vote une loi en faveur de la dépénalisation en faveur de l'information et de la publicité sur la contraception. Ensuite, il y a une période de trêve judiciaire.

En 1976, le 11 novembre, la journée de la femme aura pour thème : " Avortement, les femmes décident". Les Comités pour la dépénalisation de l'avortement sont créés ce jour-là, dans le but de centraliser les actions des groupes régionaux et de développer d'autres groupes de pression.

Le 5 mars 1977, les Comités pour la Dépénalisation de l'Avortement organisent à Bruxelles la première " grande " manifestation nationale. Elle a réuni plus de 7000 personnes.
En 1978, le 11 février, les Comités pour la Dépénalisation de l'avortement organisent une manifestation à Gand. La trêve est rompue, les poursuites reprennent, des médecins et des femmes sont inculpés, mais pas n'importe quel médecin ni n'importe quelle femme : les poursuites n'ont lieu que sur dénonciation (petits amis, parents, éducateurs,...)

Le 31 mars 1979, la Journée d'Action Internationale pour la contraception et l'avortement et contre les stérilisations forcées réunira plus de 7000 personnes à Bruxelles.

 De grandes manifestations
ont lieu Bruxelles en 1981
alors que doit s'ouvrir en Correctionnelle un procès pour avortement. Une centaine de manifestants, partisans et adversaires, se font face devant le Palais de Justice le jour où le procès doit commencer. Il sera finalement reporté de 15 jours
pour laisser aux juges
un délai de réflexion.
(photos et information: Les grands évènements du XXes en Belgique, Reader's Digest, Bruxelles, 1987, p. 286.
 

Entre 1978 et 1986 naîtront de nombreuses propositions de loi qui vont se succéder sans nécessairement aboutir à une loi car il y a des blocages car les partis socio-chrétiens sont au pouvoir ; mais parallèlement, les condamnations de la contraception s'atténuent dans les milieux cléricaux, face à la menace, beaucoup plus grave, de la dépénalisation de l'avortement.
Le sénateur socialiste Lallemand, qui avait défendu le docteur Peers, travaille activement à trouver un moyen-terme acceptable par une majorité d'esprits ouverts et intellectuellement honnêtes. Comme il le répétera souvent, personne n'est pour l'avortement. Il s'agit toujours d'un échec mais il peut, dans certaines circonstances précises, être un moindre mal. Il insistera aussi sur la nécessité de remettre la Loi en accord avec la pratique, la suppression autoritaire n'étant plus possible.
C'est la dernière proposition, celle d'une dame du parti libéral, Mme Lucienne Michielsen et de Roger Lallemand qui est retenue. Elle aboutira à la loi de 1990. Celle-ci intervient donc au terme d'une longue procédure parlementaire et se clôture par - fait exceptionnel - "l'impossibilité temporaire de règner" du Roi Baudouin qui estima, en son âme et conscience, ne pouvoir signer la loi.

2. La loi de 1990
Elle n'autorise pas l'avortement mais elle suspend les poursuites légales si un certain nombre de conditions sont remplies.

Article 1er : l'article 348 du Code pénal est remplacé par la disposition suivante : " celui qui, par aliments, breuvages, médicaments ou par un moyen quelconque, aura à dessein fait avorter une femme qui n'y a pas consenti, sera puni de réclusion. Si les moyens employés ont manqué leur effet, l'article 52 sera appliqué. "

Article 2 : L'article 350 du même Code est remplacé par la disposition suivante : " celui qui, par aliments, breuvages, médicaments ou par tout autre moyen aura fait avorter une femme qui y a consenti, sera condamné à un emprisonnement de trois mois à un an et à une amende de cent francs à cinq cents francs. Toutefois, il n'y aura pas d'infraction, lorsque la femme enceinte, que son état place en situation de détresse, a demandé à un médecin d'interrompre sa grossesse et que cette interruption est pratiquées dans certaines conditions, parmi lesquelles :
- l'interruption est pratiquée avant la fin de la douzième semaine suivant la conception;
- elle se pratique dans des centres où elle recevra informations et soutien psychologique

- Le médecin doit informer la patiente des risques et des autres solutions comme l'adoption.
La permission des parents n'apparaît pas dans la loi pour une demande formulée par une mineure. La jurisprudence reconnaît plutôt, en vertu de l'égalité devant la loi, le droit à la jeune fille mineure de poser un acte responsable concernant sa santé.

Par ailleurs, il a été précisée que les membres du personnel médical et infirmier avaient le droit de refuser de pratiquer une interruption de grossesse, gardant ainsi leur totale liberté de conscience.

Une commission d'évaluation nationale a également été décrétée en août 1990, pour suivre annuellement l'application de la loi, observer si elle a modifié les comportements et si elle "encourage" l'avortement. Pour autant que les chiffres du temps de l'interdiction soient fiables et que les IVG pratiquées dans les centres reconnus soient les seules à prendre en compte, il semblerait que jusqu'à présent, les IVG "légales" soient moins nombreuses que les avortements illégaux d'autrefois.

Qu'en est-il dans quelques pays d'Europe ?

Allemagne

L'article 218a du Code pénal qui résulte de l'adoption de la loi du 21 août 1995 sur l'assistance prénatale et de l'aide aux familles indique dans quelles conditions l'IVG ne constitue pas une infraction.
- si l'intervention est demandée par la femme
- si la femme présente une attestation médicale prouvant qu'elle s'est rendue, au moins trois jours auparavant, dans un centre de consultation agréé.
- si l'intervention est pratiquée par un médecin
- si la grossesse consécutive à un viol
- si un délai de douze semaines depuis la conception maximum s'est écoulé.
La législation relative à l'IVG n'évoque pas l'âge de la femme. Pour les mineurs, l'accord des parents n'est pas nécessaire.
C'est sur l'existence de centres de consultation chrétiens que l'Eglise d'Allemagne et le Pape se sont opposés. Les Evêques allemands disaient que leur présence sur le terrain assurait une écoute chrétienne et un souci d'essayer, dans la mesure possible, de faire entendre d'autres solutions à la candidate. Le Pape répondant que, puisqu'après être passée dans ces centres, la candidate avait le droit de demander quand même une IVG, ceux-ci participaient à un acte condamnable. Après plusieurs mois de négociations infructueuses avec le Vatican, ces centres ont été fermés.

Danemark

La Loi 633 du 15 septembre 1986 sur l'IVG indique dans quelles conditions une femme a le droit de recourir à l'IVG.
- une danoise a le droit de bénéficier de l'IVG si l'intervention a lieu avant la fin de la douzième semaine de grossesse.
Au-delà de la douzième semaine
- sans autorisation si un danger médical pour la mère est justifié
- avec autorisation d'une commission ad hoc (1 travailleur social+2 médecins).

6 cas découlent de cette autorisation :
- grossesse résultant d'un viol ou d'un inceste
- si l'enfant risque d'être atteint d'une affection physique ou mentale grave.
- l'incapacité à prendre soin d'un enfant pour une faiblesse intellectuelle ou pour cause de maladie de la mère
- une femme trop jeune
- une maternité entraînant une charge trop lourde pour la femme
- danger pour la femme suite à une maladie déjà installée ou à un déclenchement imminent

L'autorisation parentale est obligatoire pour les mineures d'âge ou non-émancipées. Cependant, la commission peut décider que, compte tenu des circonstances, l'accord parental n'est pas nécessaire.

Espagne

La loi organique du 5 juillet 1985, qui a modifié l'article 417 bis de l'ancien Code pénal, précise les conditions dans lesquelles l'IVG ne constitue pas une infraction.
- si l'IVG est demandée par la femme et qu'un médecin spécialiste différent de celui qui va pratiquer l'intervention, atteste que la poursuite de la grossesse met en péril la santé physique ou psychique de la femme. Aucun délai n'est fixé pour cette intervention
- en cas de viol dont suit une plainte, l'IVG peut être pratiquée avant la fin de la douzième semaine de gestation.
- lorsque d'importantes malformations ou d'affection mentale grave surviennent, un délai de 22 semaines est accordé.
Pour les mineurs, l'accord parental est nécessaire.

Italie

La loi 194 du 22 mai 1978 ,relative à la protection sociale de la maternité et à l'IVG, précise les conditions dans lesquelles l'IVG n'est pas punissable
- si l'IVG est demandée par la femme
- en cas de grossesse entraînant danger pour la santé physique ou mentale de la mère
- si la femme a consulté un centre de consultations publiques ou un service médico-social agréé.
- dans un
délai de 90 premiers jours de gestation.
Cas particuliers permettant de dépasser le délai des 90 jours:

- malformations du foetus
- danger grave pour la santé de la mère

Pour les mineurs le consentement des parents est généralement nécessaire. Mais des exceptions sont prévues (danger grave pour la santé de la mère, par exemple)

 "Je ne défends ni l'euthanasie ni l'avortement, mais l'autonomie de la personne.
Ce qu'il fallait, c'est non pas l'imposition d'une éthique particulière à tous,
mais créer une loi qui permette la coexistence des éthiques différentes".

Roger Lallemand

Conclusion

De nos jours, l'avortement n'est plus un sujet tabou pour la société, même si les opinions ne sont pas unanimes sur le sujet. Les autorités papales condamnent toujours cet acte qu'ils considèrent comme un crime. Dans l'U.E., l'Irlande reste le seul pays d'Europe à s'y opposer, même s'il est permis d'aller se faire avorter ailleurs, ce qui est le cas pour 7000 femmes chaque année qui se rendent en Grande-Bretagne.
Depuis les années 60, la femme a donc conquis de nombreuses libertés dans le domaine de la maternité; avec la contraception et, si celle-ci a échoué, l'IVG, elle peut désormais choisir d'enfanter ou non. "Mon ventre est à moi" , proclamaient déjà les manifestantes des cortèges féministes des années 70.
Depuis 1990, d'autres problèmes éthiques touchant à la protection de la vie ont secoué la société, comme celui de l'euthanasie où la Belgique fait figure cette fois de pionnière en la rendant, elle aussi, possible sous certains conditions.

Bibliographie

Livres
Anne DUTRUGE, Rites initiatiques et pratiques médicales dans la société française, Editions l'Harmattan, 1994
L'interruption volontaire de grossesses dans l'Europe des neuf- journée d'études du 23 octobre 1979, PUF, 1981
Viviane JACOBS, L'avortement en Belgique, Institut Emile Vandervelde, 1980
J.M.Hennaux, s.j., Le droit de l'Homme à la vie, éditions de l'Institut d'Etudes Theologiques, bruxelles, 1993

Internet
http://ancic.asso.fr
http://www.wallonie-en-ligne.net/1995 cent wallon/peers willy.htm
http://users.skynet.be/AL/motscle/avorte.htm
www.fse.ulavale.ca/dpt/morale/avort/droits/Belgique.html
www.senat.be
www.crlp.org/fr pub fac avort1.html
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossier_actualite/ivg/dossiers.shtml#av

retour