Accueil

Personnages

Monuments

Evènements

Dossiers

Documents

Eux aussi

qui suis-je ?

contactez-moi

 

La contraception et la Loi,
celle de Dieu et des hommes

Page réalisée à partir du travail d'Isabelle Stéphany

Introduction

Il n'y a pas vraiment de lois qui interdisent la contraception avant le XXème siècle.
Plusieurs témoignages laisseraient entendre qu'il est probable que la limitation des naissances à d'abord dû être systématisée chez ceux et celles qui ne souhaitaient pas officialiser leur liaison. Cette limitation est aussi un problème de couple, c'est à dire que le danger de la grossesse ou l'impossibilité d'entretenir une famille nombreuse, pouvait la justifier. Quoi qu'il en soit, elle a très probablement toujours existé. Seul le moyen choisi pour éviter cette charge a varié. Et l'histoire nous montre qu'au temps où la contraception ne disposait des méthodes efficaces, l''avortement et l'infanticide étaient des pratiques fréquentes, malgré une forte répression.
Ils n'ont pas disparu d'un seul coup avec le triomphe du christianisme et les invasions barbares. On peut soupçonner la contraception d'occuper la dernière place dans l'ordre des pratiques utilisées (voir la page d'historique sur le sujet). Aujourd'hui encore, elle continue à inspirer la réflexion médicale autant que la réflexion théologique.

L'Antiquité
Le premier souci du couple romain était d'avoir des enfants et d'assurer sa descendance. C'est des enfants que dépendait la préservation de la famille, des biens, la perpétuation du nom, la conclusion d'alliances familiales, l'entretien des parents âgés et l'exécution des rites funéraires après leur décès. Le second souci des couples était de ne pas en avoir trop. Il était si important d'avoir des héritiers que les Romains toléraient toute une gamme d'étranges arrangements conjugaux afin d'en obtenir.
Les lois romaines reflétaient l'intérêt que l'on portait à la fécondité. En 59 avant Jésus-Christ, Jules César institua la distribution de terres aux pères de trois enfants ou plus. On accordait aux pères des privilèges politiques ; les mères de trois enfants ou plus échappaient à la tutelle. Seuls les nantis étaient touchés par les décrets limitant les droits des célibataires et des ménages sans enfant à faire des testaments ou des legs.
Toutefois, la plupart des femmes romaines partageaient sans doute l'opinion de Soranus selon laquelle "il est bien préférable de ne pas concevoir que de détruire l'embryon". Mais si la contraception échouait, elles pouvaient tenter de se faire avorter. Aucune loi ne l'autorisait, mais elles bénéficiaient d'un vide juridique et de l'assentiment de la communauté qui leur reconnaissait le privilège de prendre des mesures défensives.
Le stoïcien Musonius Rufus montra la voie, en condamnant l'égoïsme qui jusque-là avait marqué la stratégie conjugale. Les empereurs, affirma Musonius Rufus, avaient déjà tenté de promouvoir une telle situation : "Pour cette raison, ils leur interdisaient d'utiliser des contraceptifs et de prévenir la grossesse. Ils récompensaient tout à la fois le mari et la femme qui avaient des familles nombreuses et punissaient l'absence d'enfant ".

Le Christianisme
Dès la Genèse, Dieu donne l'ordre à Adam et Eve de peupler la terre : "croissez et multipliez-vous", même si, après le péché, cela vient se combiner avec la terrible malédiction : "tu enfanteras dans la douleur". Si Pie XII, dans les années 50, admit que les recherches pour adoucir l'accouchement n'étaient pas contraires à la volonté divine, l'obligation d'accueillir tout enfant persista sans restriction pendant fort longtemps.
Ainsi au Ves déjà, Saint Augustin jugea sévèrement tout recours délibéré à une méthode visant à prévenir la conception.
Les chrétiens condamnèrent tout contrôle de la fécondité qui permettait le plaisir mais empêchait la procréation. La plupart des chrétiens n'étaient pas hostiles aux enfants. Bien mieux, l'Eglise se vantait d'être la seule à s'opposer à l'abandon et à l'infanticide. Avortement et contraception furent considérés, par les premiers chrétiens, comme des pratiques similaires, à savoir des tentatives pour profiter des plaisirs du sexe, sans engendrer d'enfant.
C'étaient surtout les femmes que visaient les condamnations chrétiennes du contrôle de la fécondité. Les chrétiens pouvaient ainsi qualifier de " meurtre " la contraception.
L'Eglise romaine condamne tout acte conjugal volontairementamputé de sa vertu procréatrice. Toutefois si le plaisir sans procréation est condamné, l'abstinence peut être glorifiée. Cette méthode contraceptive s'accompagne, en effet, de valeurs positives, enseignées par l'Eglise après le concile de Trente (XVIes): le sens de la responsabilité et la maîtrise de soi, l'amour conjugal qui peut amener un mari à vouloir éviter à son épouse des grossesses répétées et toujours redoutées, l'attachement à l'égard des enfants que l'on pourra élever avec d'autant plus de soin qu'ils seront moins nombreux.

Le tournant du XVIIIe siècle
De nombreuses recherches prouvent que, dès le milieu du XVIIIe siècle, la majorité des familles de la Région Parisienne pratiquaient la contraception. La preuve se trouve dans la diminution du pourcentage des familles à intervalles courts et moyens et l'augmentation très forte des familles à intervalles longs et à intervalles supérieurs à 4 ans. A la fin du siècle, les familles contraceptives semblent devenir la règle. mais celle-ci provoque des réactions. Fernand Braudel, dans son ouvrage l'identité de la France - les hommes et la terre, cite de très nombreuses condamnations des pratiques contraceptives, formulées alors tant par des clercs que par des démographes, des économistes ou des hommes politiques. La plupart y voient l'effet du luxe et de l'égoïsme, indifférent aux devoirs envers un pays qui a besoin d'enfants pour ses guerres et ses manufactures.

Un démographe amateur, Turmeau de la Morandière, montre les progrès des pratiques contraceptives. Nous sommes alors en 1763  
"Cette profanation du sacrement du mariage, cette infâme économie a gagné de proche en proche comme une maladie épidémique"

 "Les femmes riches... ne sont pas les seules qui regardent la propagation de l'espèce comme une duperie du vieux temps; déjà ces funestes secrets, inconnus à tout animal autre que l'homme... ont pénétré dans les campagnes; on trompe la nature jusque dans les villages" M. Moheau, démographe, 1778

"la fécondité n'est nullement une suite de l'union conjugale: on la craint et soit directement, soit indirectement, on travaille à en empêcher le progrès... le luxe fait regarder par le plus grand nombre comme une sorte de déshonneur la multitude d'enfants. Plus un homme est riche, plus il a besoin de borner sa progéniture. J.Auffray, économiste, 1762

 Je dénonce le calcul qui porte l'homme à ne vouloir qu'un ou deux enfans; la fausse grandeur qui (le) porte ... à avoir un grand nombre de domestiques, un grand nombre de convives à sa table, au lieu de s'y voir entouré d'enfants; et la plus grandes déparavation, celle qui met le comble à toutes, de détruire en semant" M. Messance, démographe 1788


D'autres sont quand même conscients que la dureté de la vie peut aussi en être la cause, comme Plumard de Dangeul qui écrit en 1754:
Pour ce qui est des laboureurs, les campagnes fournissent dans cette classe d'aussi grands prodiges en misère que les Villes en peuvent montrer en richesses. C'est sur eux que le poids des charges de l'Etat tombe le plus durement. Un laboureur qui n'a pas le nécessaire à la vie, craint comme un malheur le grand nombre d'enfants. La crainte insuppportable empêche plusieurs de se marier; et jusqu'en cette classe, les mariages sont devenus moins féconds.


Plus tard, les pouvoirs publics empêchèrent la contraception de passer dans les moeurs car ils restaient sous le coup des interdits religieux auxquels vinrent s'ajouter d'autres préoccupations.
Ainsi le XIXes et l'explosion de l'industrialisation amènent une forte demande de main d'oeuvre.
Quant au XXes siècle, ses deux grandes guerres couteuses en hommes susciteront des politiques natalistes dans la plupart des pays occidentaux (création des allocations familiales dans l'entre-deux guerres, par exemple).
En 1889, Paul Robin crée à Paris le premier centre d'information et de vente de produits anti conceptionnels. Mais la vente de préservatifs reste confidentielle, destinée prioritairement aux filles de "moeurs légères" ou aux soldats.
En 1920, en France est votée une loi proclamant l'interdiction de la contraception et d'avortement, crime passible de la Cour d'Assises.
En Belgique, c'est en 1923 qu'est votée une loi exprimant les mêmes interdits quant à la publicité, la vente elle est autorisée.

Mais sous le général de Gaulle, décidemment inclassable, les choses commencèrent à évoluer.
En 1967, fut votée la loi Neuwirth, du nom du député gaulliste de la Loire qui s'acharna, malgré les fortes résistances des milieux conservateurs, à faire évoluer mentalités et législation. Cette loi autorise la contraception. La publicité reste interdite sauf dans les revues médicales. Elle fut complétée en 1974, sous l'impulsion de Simone Veil, par une nouvelle loi autorisant l'importation, la fabrication et la vente en pharmacie des produits définis comme contraceptifs. Cette loi légalisait la contraception et permettait son remboursement par la sécurité sociale.

La fin des golden sixties et Mai 68
C'est dans le contexte de "il est interdit d'interdire", de la Révolution sexuelle et de la popularisation de "la pilule" que sort la fameuse encyclique "humanae vitae".
Prenant le contre-pied des conclusions de l'ensemble des groupe de travail - aussi bien les experts scientifiques, les représentants des mouvements sociaux chrtéiens que les théologiens - le Pape Paul VI a condamné la contraception, sous toute forme autre que "naturelle". Seule est autorisée la méthode Ogino. La seule contraception que l'on veut bien concéder, au nom de Dieu et du "Laissez-les vivre ", c'est l'abstinence. Si on s'entête à faire l'amour pour le plaisir et non pour la procréation, on paiera ce crime par une naissance non désirée.
Cette prise de position radicale a joué un rôle considérable dans la distanciation d'un certain nombre de chrétiens par rapport à la Loi de leur Eglise, voire même de la part d'un certain nombre de clercs.
Par contre, l'apparition du Sida a contribué à faire se multiplier des déclarations moins tranchées de la part d'autorités ecclésiastiques plus près de leurs bases, à savoir les évêques, qui ont souvent préché la règle du moindre mal et donc l'utilisation du préservatif dans les situations à risque.
En Belgique, en 1973, l'arrestation du docteur Peers (voir page sur l'avortement) relance les débats sur la parenté responsable etles grossesses non désirées. C'est ainsi qu'on va supprimer la loi de 1923 et autoriser la publicité pour les contraceptifs.
Obligatoirement liés à des prescriptions médicales, la pilule sera d'abord prise en charge par la Sécurité sociale. Mais en 1996, 25 grandes marques refusent le remboursement pour ne pas devoir suivre une nouvelle règlementation sur les prix. Ceci va avoir pour effets d'augmenter de 20% en moyenne la pilule.

En Belgique, depuis 1984, un décret de la communauté française a rendu souhaitable et accessible une large diffusion de l'information concernant la contraception, La publicité relative aux contraceptifs et aux préservatifs est autorisée sous certaines conditions.

Depuis 1990, l'IVG est légalisée pour une femme que "son état place en situation de détresse" etdes centres hospitaliers pratiquent régulièrement ces interventions de même que d'autres centres, tels les plannings familiaux.

Pourtant, d'après une enquête récente, il apparaît que chez certains jeunes, spécialement les garçons, l'avortement soit devenu un moyen anticonceptionnel et donc un nouveau combat pour la contraception doit être mené car elle reste la meilleure dissuasion de l'avortement. Ceci devrait faire réfléchir notamment au prix des pilules - environ 22 euros pour une boite de 3 cycles - qui peut sembler lourd dans un budget jeune.
Si toutes les femmes pratiquaient la contraception, si toutes les possibilités leur en étaient données, si l'on conditionnait la conscience féminine à la prévention de la grossesse, le problème de l'avortement deviendrait un problème marginal. L'important pour une femme est d'abord de savoir, puis d'être persuadée, que la contraception est le meilleur moyen de disposer de son corps.

Bibliographie
Jean-Claude Bologne, la naissance interdite, Olivier Orban, Paris, 1988
Fernand Braudel, L'identité de la France; Les hommes et la terre, Arthaud-Flammarion, Paris, 1986
Angus McLaren, Histoire de la contraception, de l'Antiquité à nos jours, Noësis, 1996
François Chast, Histoire de la contraception, http://www.pourlascience.com/numeros/pls-233/presence.htm
SIPS, Contraception en question, publications de la Communauté française, 1997


retour