« Aucun homme
n'a reçu de la nature le droit de commander aux autres.
La liberté est un présent du ciel et chaque individu
de la même espèce a le droit d'en jouir aussitôt
qu'il jouit de la raison (...).
La puissance qui s'acquiert par la violence n'est qu'une usurpation
et ne dure qu'autant que la force de celui qui commande l'emporte
sur celle de ceux qui obéissent; en sorte que si ces derniers
deviennent à leur tour les plus forts et qu'ils secouent
le joug, ils le font avec autant de droit et de justice que l'autre
qui le leur avait imposé. La même loi qui a fait
l'autorité la défait alors : c'est la loi du plus
fort (...).
La puissance, qui vient du consentement des peuples, suppose
nécessairement des conditions qui en rendent l'usage légitime,
utile à la société, avantageux à
la république, et qui la fixent et la restreignent entre
des limites : car l'homme ne doit ni ne peut se donner entièrement
et sans réserve à un autre homme, parce qu'il a
un maître supérieur au-dessus de tout, à
qui seul il appartient, tout entier. C'est Dieu dont le pouvoir
est toujours immédiat sur sa créature (...).
Le prince tient de ses sujets mêmes l'autorité qu'il
a sur eux, et cette autorité est bornée par les
lois de la nature et de l'État. Les lois de la nature
et de l'État sont les conditions sous lesquelles ils se
sont soumis ou sont censés s'être soumis à
son gouvernement. L'une de ces conditions est que n'ayant de
pouvoir et d'autorité sur eux que par leur choix et leur
consentement, il ne peut jamais employer cette autorité
pour casser l'acte ou le contrat par lequel elle lui a été
déférée : il agirait dès lors contre
lui-même, puisque son autorité ne peut subsister
que par le titre qui l'a établie. Qui annule l'un détruit
l'autre. Le prince ne peut donc pas disposer de son pouvoir et
de ses sujets sans le consentement de la nation indépendamment
du choix marqué dans le contrat de soumission. S'il en
usait autrement, tout serait nul (...). Les conditions de ce
pacte sont différentes dans les différents États.
Mais partout, la nation est en droit de maintenir envers et contre
tous le contrat qu'elle fait; aucune puissance ne peut le changer;
et quand il n'a plus lieu, elle rentre dans le droit et dans
la pleine liberté d'en passer un nouveau avec qui et comme
il lui plaît".