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La musique et l'esclavage:
importance de la musique pour les esclaves afro-américains

Transposition pour le Web du travail d'Axelle De Clerck

Introduction
La période coloniale se situe entre 1619 et 1776. Environ 1 million d'esclaves sont déportés contre leur volonté au Nouveau Monde. 85% d'entre eux proviennent de l'Afrique de l'Ouest et plus précisément de la zone des savanes s'étendant entre le Sénégal et l'Angola actuels. L'esclavage aura des conséquences profondes et irréversibles sur l'histoire de la musique. Tout au long de l'histoire, la musique et principalement les chants religieux ont permis aux Noirs d'Amérique de préserver leur unité et leur culture, d'assurer, face à l'esclavage puis à la ségrégation raciale, leur autonomie, d'affirmer leur différence et leur fierté.

Les noirs déportés n'ont pu emporter d'instruments. C'est donc de leur mémoire et de la terrible nécessité de s'accrocher à leurs croyances et expressions ancestrales (par exemple la tradition orale) que ressurgissent des chants, danses et probablement des instruments, liés à des cérémonies et pratiques religieuses.

La situation dans le Nord des USA
Dans les colonies du nord, les esclaves sont en petit nombre et vivent avec leur maître, dans une maison familiale. Ils apprennent l'anglais et participent aux cérémonies religieuses protestantes. Ils y chantent à la manière occidentale. Dans les églises, on chante des cantiques et des
psaumes qui, après le Réveil Religieux (The Great Awakening) de 1730 laisseront place aux poèmes religieux, hymnes, accessibles à tous (la plupart des esclaves étaient analphabètes).
Peu à peu les
hymnes se transforment en chants religieux à connotation africaine /américaine. Pendant la période coloniale, les pasteurs et maîtres essayent de freiner cela.

Après le deuxième grand Réveil (1780-1830), il y a un retour à une expérience religieuse plus émotionnelle qui s'accompagne de l'évangélisation massive de la population noire. Des paroisses noires autonomes avec des sectes et des pasteurs noirs se créent, ce qui rend possible une évolution vers des chants inspirés ou Spirituals. L'Eglise Baptiste, qui rassemblait le plus grand nombre de Noirs, en est un exemple. George Leile est le premier esclave noir autorisé à prêcher et à créer la première Eglise noire d'Amérique.

Ce processus d'élaboration d'une musique religieuse africaine-américaine est accéléré par des camps-meetings et bush meetings. Ce sont des rassemblements de masse dans des forêts, des champs où plusieurs milliers de fidèles noirs et blancs (d'origine souvent très modeste) veulent communier ensemble dans une foi et un monde meilleur après la vie terrestre et oublier leur triste condition humaine. Ils se réunissent souvent entre eux après les services officiels et réinterprètent avec leur propre sensibilité et le souvenir encore vif des rituels pratiqués en Afrique, les tabernacle songs. Selon la formule responsoriale ("call and response"), héritée des traditions africaines, le meneur lance une phrase à laquelle l'assistance répond avec ferveur et expressivité. C'est ainsi que naît une nouvelle forme de chants appelés Spirituals. Ces camps-meetings peuvent durer plusieurs jours et, petit à petit, les noirs imposent leurs propres hymnes, rythmes et habitudes. Les chants religieux des camps-meetings deviennent des tabernacle songs puis des spirituals ou chants inspirés, dans lesquels les rétentions africaines sont de plus en plus évidentes.
Les camp meeting se passent en grande partie à l'insu des Américains blancs et du monde extérieur. C'est après la guerre de Sécession (1861-1865) que sortiront de l'anonymat ces spirituals propres aux Noirs, les
negro spirituals.
Les chants de travail (
work songs),qui se font selon la même formule responsoriale, sont un système indispensable pour scander le travail, tenir le coup, rester ensemble dans l'action, permettre à chaque esclave de garder le rythme. Ce système de call and response perdurera jusqu'à l'ère de la musique enregistrée.
La traite des Noirs est interdite par un vote du Congrès américain, à partir du premier janvier 1807. L'esclavage est proscrit et disparaît effectivement dans le Nord: en 1830 , il n'y a plus un seul esclave, tous les noirs sont libres et émancipés.

La situation dans les Etats du Sud
Au Sud par contre, le nombre d'esclaves est bien plus élevé et il n'est pas question de les instruire en quoi que ce soit, qu'il s'agisse de l'anglais ou de la religion, car ils ne sont pas considérés comme des êtres humains. C'est seulement au 18ième siècle et surtout après la guerre d'indépendance (1776-1783) que la situation s'inverse et que tous les esclaves sont évangélisés avec des conséquences sur le plan musical.
Les activités religieuses noires sont soumises à un contrôle très stricte et à des limitations excessives. Au sein de la communauté, le
preacher joue un rôle très important. Sorte de médiateur entre les esclaves et le pouvoir, il sert à la fois de guide, de chef spirituel, de théologien et de professeur, d'orateur, de meneur de chants et souvent de leader politique. Nombre de spirituals traditionnels voient alors leurs paroles acquérir un sens nouveau. Les thèmes d'origine biblique déjà transformés en chants "folkloriques" dans les campagnes deviennent des appels à la terre promise, dont le deuxième sens signifie le Nord, c'est-à-dire l'émancipation et la liberté.
La plupart des pasteurs et des prêcheurs noirs doivent émigrer au Nord via le
Underground Railroad. .Environ 60 000 noirs gagnent le Nord ou le Canada entre 1830 - 1860 , par ce moyen dénommé par la métaphore "Underground Railroad". C'est un "chemin de fer souterrain" avec des "gares" (relais), des "voies" (chemins diversifiés et multipliés pour minimiser les risques), des "chefs de train" (des guides qui risquaient leur vie en cas de capture par les chasseurs d'esclaves fugitifs) et des "chefs de gare" (organisateurs et coordinateurs). Des évasions sont préparées par ces chants religieux à double sens ou au sens caché. (Le double sens est une tradition africaine)
Par exemple: "Come and go with me to my fathers house, there is peace ()We will all be free in my fathers house" Cela signifie "Viens avez moi dans la maison de mon père(..) On sera tous libres dans la maison de mon père". Au sens premier, la "maison de mon père", c'est le paradis. Au deuxième degré, c'est le Nord ou le Canada où il y a liberté et paix pour les esclaves fugitifs.

Les fidèles des pasteurs, restés au Sud, se réunissent secrètement dans des lieux isolés pour des cérémonies nocturnes. Ces cérémonies, aussi appelées Brush Harbour, devaient être du même style que celles des camps-meetings, mais il n'existe nul témoignage écrit ni documents.
Dans le Sud, la traite durera jusqu'aux premiers jours de la guerre de Sécession.

La situation après la guerre de Sécession (1861-1865)
A la fin de la guerre de Sécession (1861 - 1865), l'esclavage est aboli sur tout le territoire et quatre millions de Noirs du Sud se retrouvent libres. Pendant une douzaine d'années, période dite de la 'reconstruction', ceux-ci vont effectivement vivre avec ce sentiment de liberté. Cette manière musicale, qui emprunte le style des chansons populaires et qui est propagée par les évangélistes itinérants, est déjà appelée
gospel songs. C'est l'expression collective et musicale propre à la communauté noire américaine, basée sur un mélange de blues, de jazz, d'improvisation, de rétentions africaines, ... avec un message d'espoir.
Durant cette courte période optimiste, les Noirs vont déployer beaucoup d'efforts pour jouer la carte de l'intégration et de la reconnaissance. On va notamment constater un abandon brutal des caractéristiques les plus "africaines" des différents types d'expressions vocales (sauf dans le deep South) au profit de formes plus accessibles et acceptables par la classe dominante. Il faut essayer de gommer toute trace de "sauvagerie" et montrer qu'on peut produire un art aussi "respectable" que celui des Blancs. Les efforts d'émancipation et le rejet de leurs racines propres se manifesteront au sein de l'élite bourgeoise noire et de la classe moyenne. Ce point de vue "intégrationniste" est resté très fort: respectabilité, assimilation, réussite sociale, puritanisme, patriotisme...les Noirs sont, malgré les problèmes raciaux qui n'ont jamais été résolus, devenus Américains.

Dans les Etats du Sud où la ségrégation s'installe légalement, la communauté noire, restée largement à l'écart des bienfaits de la Reconstruction, maintient un héritage africain plus vivant. Un répertoire plus moderne, des ballades et airs d'origine anglo-saxonne, des formes noires primitives sont à la base de la naissance du blues un peu avant la fin du 19ième siècle. Début 20ième siècle, on verra apparaitre le jazz dans les milieux urbains.

La musique afro-américaine aujourd'hui
La rencontre entre une large diversité de musiques européennes et l'esprit musical africain a donné naissance à une série d'expressions qui, sans cette conjugaison d'influences, ne présenteraient pas les caractéristiques que nous leur connaissons aujourd'hui.
En effet, la musique afro-américaine d'aujourd'hui - blues, jazz, hip hop, soul, Rythm & Blues,- ne serait pas ce qu'elle est sans l'histoire de l'Amérique.
Qu'il s'agisse de musique sociale de situation (le blues), de revendication (hip hop, R&B) ou simplement d'expression, la musique afro-américaine est actuellement omniprésente partout dans le monde (elle domine par exemple largement des chaînes télévisées comme MTV) et continue à porter un message de liberté pour le peuple noir.

En considérant cet apport décisif à la culture musicale américaine, on apporte encore de l'eau au moulin d'une question récemment passée au premier plan : celle du dédommagement de l'esclavage.
Aux Etats-Unis, un débat sur l'indemnité pour l'esclavage devient incontournable. Mais plusieurs problèmes se posent, comme par exemple à qui payer et combien. C'est un sujet de controverses qui n'est certainement pas près d'être réglé.

BIBLIOGRAPHIE

Ouvrages
E. BOURS ET A. NOGUEIRA, L'esclavage, un trajet musical aussi, médiathèque de la communauté française de Belgique, février 1988
J. BUZELIN, Negro Spirituals et Gospel songs: Chants d'espoir et de liberté, éditions de Layeur/ Notre Histoire
R. SACRE, Les Negro Spirituals et les Gospel Songs, édition presses Universitaires de Liège, 1993
E. SOUTHERN, Histoire de la musique noire américaine, éditions Bucket. Castel, 1976
B. NANTET, Dictionnaire d'Histoire et de Civilisation Africaine, Larousse, 1999

Internet
http://www.sosfaim.be/Defis-Sud/D547/esclavage_USAhtm , consulté le 11-05-02

Article/Roman/ bandes dessinées
Femmes du Maroc, dans Femmes d'aujourd'hui, Décembre 1998
C. HERMARY-VIEILLE, L'ange noir, Pocket, 1998
BOURGEON, Le bois d'ébène, Les passagers du Vent, édition Casterman, 1994 (illustration ci-dessus)
AUCLAIR et MIGEAT, Le sang du Flamboyant, édition Casterman, 1985
BEJA et ATAEL, L'ombre du Mangou, éditions Glénat, 1990

Illustrations
1. R.Sacré, Les Negro-Spirituals et les Gospels Songs
2. Couverture du dossier de la Médiathèque: l'esclavage, un trajet musical aussi
3. Bourgeon, le bois d'ébène

 

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