Accueil

Personnages

Monuments

Evènements

Dossiers

Documents

Eux aussi

qui suis-je ?

contactez-moi

Le rôle des grèves de 1886 à Sprimont
dans l'évolution du combat social

 

Page Web réalisée à partir du travail d'Aurélie Monseur

Que s'est-il passé en 1886 ?

L’année 1886 débuta mal. La crise économique sévissant en Belgique s’accentua, la baisse des salaires amena une grande déception parmi la classe ouvrière. Le 18 mars, le jour du quinzième anniversaire de la commune de Paris, des émeutes éclatèrent à Liège. Des grèves se déclarèrent dans le bassin de Seraing. Les grèves et les troubles s’étendirent au pays de Charleroi.

Le récit de ces événements se répandit jusqu’aux campagnes, et plus précisément à Sprimont. Approuvant la révolte, les ouvriers de Sprimont décident de se mettre en grève. A la tête du mouvement se trouvait Jean-Hubert Pahaut, né à Ogné-Sprimont le 9 mars 1835 et carrier à Sprimont. Pahaut voulait la grève mais dans l’ordre et la dignité. Pahaut organisa les carriers de Sprimont et dressa leur cahier des revendications :

- Journée de 12 heures au lieu de 16 heures
- Suppression des boutiques patronales, la liberté de s’approvisionner dans les magasins de leur choix.
- Paiement par quinzaine plutôt que mensuel
- Salaire à l’heure et non plus à la journée, de manière à assurer le travail supplémentaire. Les roqueteurs et les tailleurs veulent passer de 35 cts à 45 cts de l’heure et les manœuvres de 25 cts à 30 cts de l’heure (il faut savoir qu’a cette époque, le prix moyen d’un pain de froment est de 31 cts/ Kilo, le lait 20 cts/litre, le beurre 2,2 fr/kilo, la viande 1,88 fr/kilo et les pommes de terre 15 cts/ kilo).

Le 10 avril 1886, Pahaut suivi de 200 hommes, pénétra dans les différentes carrières de la région (Florzé, Chanxe, …) pour «prêcher » le mouvement de revendications.

Le 13 avril 1886, l’administration communale de Sprimont tentait une conciliation. Mais partout, les mayeurs entourés de leurs policiers, tentaient de barrer la route aux compagnons de Pahaut.

Le 15 avril 1886 eut lieu au café Vénitien à Liège, une assemblée des patrons de carrières. Ceux-ci arrêtèrent une triple résolution par voie d’affiches :

- Pas de suite aux revendications tant que la grève perdure.
- Dès la reprise du travail, nouvelles assemblée pour examiner la possibilité d’améliorer le sort des ouvriers
- Démarche auprès du gouvernement pour obtenir des mesures favorables à l’industrie des carrières de la province de Liège.

Le 20 avril 1886, Pahaut est de retour à Sprimont et ordonne la reprise générale du travail. Les ouvriers des carrières de l’Ourthe acceptent l’ordre de Pahaut, mais seulement la moitié à Ouffet et sur onze cents carriers à Sprimont, neuf cents sont mécontents.
Pahaut accorde alors aux rétifs des délais : jusqu’au 30 avril à Ouffet, jusqu’au 5 mai à Sprimont.
Du côté des patrons, on s’agitait. Les maîtres carriers s’étaient rendus auprès du gouvernement, sans grand succès d’ailleurs.

Pahaut comprit que le moment était venu de frapper un grand coup. On décida de se rendre à Liège auprès du gouverneur de la province, M. Pety de Thosée. Quatre cents hommes suivaient Pahaut, monté sur un grand cheval blanc. Ils arrivèrent au Palais provincial à Liège et Pahaut conféra avec le gouverneur. C’était le 24 mai 1886.

Le gouverneur promit de réunir les patrons et assista lui-même au défilé imposant de Pahaut. Hélas à partir de ce jour, le vent tourna pour Pahaut et il commença à avoir des problèmes.

Le 26 mai 1886, Pahaut était assigné devant le tribunal correctionnel de Liège, accusé de menacer ceux qui continuaient de travailler dans les carrières.

Le 28 juin 1886, les patrons des carrières allèrent à leur tour trouver le gouverneur.

Le 1er juin 1886 commencèrent les débats au tribunal. Hubert Pahaut était naturellement condamné à un mois de prison. Il fit interjeter appel et le 30 juin, il fut bel et bien acquitté.

Le mouvement ouvrier dont Hubert Pahaut était l’âme en notre pays de Liège s'inscrivait dans la suite du parti ouvrier belge qui venait d’être fondé à Bruxelles.
Des jeunes gens à Sprimont fondèrent en 1890 «la société syndicale des carriers sprimontois ». Il nommèrent Pahaut président qui accepta. Mais il démissionna déjà en 1891. Une commission gérait le syndicat. Les ouvriers les mieux munis payaient une cotisation pour aider les démunis.

Les grèves de 1886 ont-elles fondamentalement changé la condition ouvrière ?

A Sprimont
L’affiche des Maîtres carriers du 10 mai 1886 nous montre que ceux-ci devront afficher les prix de leurs denrées et les ouvriers ne seront plus obligés de se fournir dans les magasins patronaux.
Le 28 juin 1886, les maîtres de carrières se réunissent chez le gouverneur. Le système de paiement par heure a été appliqué même avant le début de la grève, il sera bientôt généralisé. Un tarif général pour la taille des pierres sera bientôt publié. Le paiement par quinzaine est laissé à la libre initiative de chaque maître de carrière. Les ouvriers ne manqueront plus d’argent car des avances leur seront consenties sur leur mensualité.

En Belgique
Je dirai que les grèves n’ont pas changé dans l'immédiat la condition ouvrière mais elles ont marqué le début d'une prise de conscience et donc l'amorce d'une évolution .
Commençons par analyser les réactions des Gouvernement, Sénats, Patrons et Congrès Catholique.

Les Gouvernement et Sénats sont effrayés par les émeutes, ils ont peur des ouvriers. Leur plus grand but est de mener à bien la répression, de la stimuler en récompensant les chefs des armées et gardes civiques. Les sénateurs, essentiellement bourgeois, ne se préoccupent pas des ouvriers, la question scolaire est la seul chose qui importe à ce moment. Le gouvernement évite les revendications sociales. Pour eux, le seul moyen de remédier à la condition ouvrière, dénoncée pourtant par des enquêtes, est un changement de la mentalité ouvrière, en encourageant sa moralisation et son sens de l'épargne. Certains patrons, eux, essaient de réagir en faveur des ouvriers mais ils sont limités par la concurrence.

Les déclarations du Congrès catholique sont un bon début, mais elles ne changent rien fondamentalement. Elles restent vagues et ne sont de toutes façons que des souhaits. On découvre quelques idées:
- L’Etat interviendra pour soutenir l’action sociale. Mais dans quelles mesures ?
- La condamnation de l’ivresse publique est une bonne mesure. Grâce à elle, peut-être, un plus grand nombre d’ouvriers ramèneront leur quinzaine au logis.
- L’institution d’un fête du travail change-t-elle vraiment quelque chose ? c’est un jour de congé, bien sur. Elle sera importante si les ouvriers la mettent à profit pour manifester, …

Toutefois, comme nous l'avons dit plus haut, quelque chose s'est mis en marche.
Le 15 avril 1886, un arrêté royal institue la commission du travail. Les conclusions définitives de la commission adoptées le 25 avril 1887 insistent sur l’urgence qu’il y a à légiférer en matière de logement ouvrier.

En 1888, Monsieur Leclerc établit pour la Province de Liège, le résultat des recherches entreprises par le Conseil Supérieur d’Hygiène. Nous lisons que
La grande masse (des ouvriers) se trouve, sous le rapport du logement et de l’hygiène, dans des conditions absolument déplorables qui appellent la sérieuse attention et l’intervention des autorités administratives.

Le gouvernement semble avoir pris conscience de cette problématique et, le 9 août 1889, vote une loi autorisant la Caisse Générale d’Epargne et de Retraite à mettre, à la disposition des ouvriers, les fonds nécessaires pour acquérir leur maison. En outre, cette loi permet l’organisation de l’assurance mixte sur la vie pour garantir le remboursement des sommes prêtées en cas de décès du souscripteur. Surtout, cette loi rend possible la constitution de sociétés anonymes et coopératives ayant pour objet exclusif la construction, l’achat, la vente et la location d’habitations destinées aux classes ouvrières. En 1909, on pensera également à améliorer le mobilier des maisons ouvrières.
Le 5 mai 1888, une loi crée l’Inspection des établissement dangereux, insalubres, incommodes.

Le 31 décembre 1889, les Chambres se prononcent en faveur de l’interdiction du travail des enfants de moins de 12 ans, des travaux souterrains aux femmes de moins de 21 ans et du travail des femmes durant 4 semaines qui suivent un accouchement. De même, cette loi interdit aux garçons de 12 à 16 ans et aux filles de 12 à 21 ans de travailler plus de 12 heures par jour, avec une heure et demi de repos au moins. Il faut attendre le 10 août 1911 pour que soit interdit le travail de travail des enfants à Sprimontnuit des femmes et le 14 juin 1921 pour que soient instaurées la journée de 8 heures et la semaine de 48 heures.
Grâce aux émeutes de 1886, la classe bourgeoise a compris que l’ouvrier pouvait agir. Il n’est plus aussi docile qu’auparavant. Lui aussi a son mot à dire.
Les conséquences des grèves à Sprimont sont donc, à moyen et long termes, été plus favorables aux ouvriers, elles ont améliorées des points importants. Bien sûr, ici aussi, le travail est toujours dur et ingrat. Le nombre d’heures de travail trop important. Les femmes et les enfants exercent toujours un métier très difficile pour un salaire misérable. Donc, les mesures, aussi bien en Belgique qu’à Sprimont furent nécessaires, mais pas suffisantes !
Il faudra d’autres grèves pour changer véritablement la condition ouvrière. Le Suffrage Universel (1919-1921)permettra l'arrivée au gouvernement des forces de gauche qui aideront à l’amélioration des conditions de vie ouvrière.

Et aujourd’hui ?

Sprimont est aujourd’hui encore le pays de la pierre, même si la machine a remplacé l’homme et si la majorité de la population ne travaille plus dans les carrières. Ont disparu le vicinal reliant les carrières des communes d’Ourthe-Amblève, les magasins de la Coopérative ouvrière, la mutualité de la Pierre (englobée dans le FMSS). Cinq carrières sont encore exploitées et Sprimont peut s’enorgueillir de belles réalisations telles la fontaine de la Place St Lambert à Liège. Un Musée de la Pierre installé dans la centrale électrique des carrières Van Roggen, un musée du Chemin de Fer, la conservation du patrimoine mobilier lié à la pierre, … prouvent la fierté des Sprimontois face à leur passé.

Bibliographie
Livres

De la Pierre dans les veines, les services des Affaires Culturelles de la Province de Liège et du Ministère des Affaires Sociales et de la Culture de la Communauté française.
Histoire du ban et de la commune de Sprimont, Paul Baar, Soledi Liège 1999.
Le Roi Pahaut, George Laport, « la vie wallonne », septembre 1963.
Le Roi Pahaut, René Henoumont, paru dans « Pourquoi pas », 1985.
Les Emeutes de 1886 en Belgique et à Sprimont, MP Collin, travail de fin d’année, 78-79, Sainte-Croix
Sprimont en cartes postales, édité par le Syndicat d’initiative avec la Collaboration de J.Halet, D.Giet, A.Dufays

Sites
www.ptb.be/solidaire/f4798/cl479810.htm
www.wallonie.be

Journaux
La Gazette de Liège, du 1er janvier au 31 juin 1886
La Meuse, du 1er janvier au 31 juin 1886

retour