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Les intérimaires d'aujourd'hui
sont-ils les journaliers d'antan ?

 

Page réalisée à partir du travail de Sophie Magerotte

Définition des termes principaux (d'après le P.L.I.)
Intérimaire : travailleur mis temporairement à la disposition d'une entreprise par une entreprise de travail temporaire pour qu'il occupe un emploi ponctuel (remplacement, surcroît de travail)
Journalier : travailleur payé à la journée (travailleur agricole saisonnier)

Le travail intérimaire

Ce type de travail est très présent dans notre société, c'est pourquoi il est important de bien le comprendre.
Les lignes suivantes vous exposeront de manière concise ce qu'il faut savoir du travail temporaire.

Le travail intérimaire n'est pas le travail à temps partiel.
La principale caractéristique de l'intérim est la relation triangulaire qui s'établit entre le travailleur, l'agence d'intérim et l'entreprise utilisatrice qui loue les services du travailleur pour une mission déterminée et une durée précise, généralement réduite.

Ce travail présente des avantages pour ceux
- qui aiment la liberté et le changement;
- qui refusent de travailler de façon permanente et de consacrer tout leur temps à un employeur exclusif;
- qui veulent concilier la vie professionnelle et la vie familiale, donc surtout des femmes;
- qui recherchent une solution d'attente au chômage.
Mais l'intérim a aussi des inconvénients:
- le niveau des salaires généralement plus bas pour le même travail et la même qualification;
- les "avantages" que l'entreprise utilisatrice accorde à ses employés ne profitent pas à l'intérimaire puisque son employeur est l'agence d'intérim;
- le travailleur intérimaire ne bénéficie pas de promotion, ni d'avantages sociaux
- S'il tombe malade entre deux emplois sans avoir effectué le nombre réglementaire d'heures de travail continues, il n'a pas droit au remboursement de frais médicaux;
- l'insécurité et la brièveté des emplois, l'alternance de période de stress et d'inactivité
- la difficulté de s'adapter à des méthodes et des milieux de travail différents.

Le contrat de travail intérimaire doit préciser
- l'horaire de la prestation
- le nombre de travailleurs demandés
- le lieu où s'effectueront les missions
- les qualifications professionnelles exigées
- les caractéristique particulières du travail
- les modalités de la rémunération d la prestation de services.

La durée d'un travail temporaire
Il n'y a pas de limitation dans le temps; cela dépend de la raison de l'intérim : absence temporaire d'un salarié permanent, suspension d'un contrat de travail, travaux urgents dont l'exécution est immédiate, création d'activités nouvelles ou d'un surcroît ponctuel d'activités.

L'intérim en Belgique
La Belgique compte 91 entreprises de travail intérimaire qui rassemblent environ 30.000 travailleurs. L'Upedi (union professionnelle d'entreprises intérimaires) compte 49 sociétés membres qui représentent à elles seules 93% du chiffre d'affaires global du secteur.
La législation actuelle permet d'utiliser un travailleur intérimaire dans 3 situations bien précises, que ce soit pour le remplacement d'un travailleur permanent, un surcroît extraordinaire de travail ou encore l'exécution d'un travail exceptionnel.
L'intérim peut intéresser toute personne sans travail désireuse de rester active. Les jeunes de moins de 30 ans sont particulièrement attirés, ils représentent à eux seuls 40,16% des intérimaires. Bon nombre d'entre eux considèrent cela comme un tremplin qui leur permettra de montrer de quoi ils sont capables.
Pour les entreprises, l'intérim permet de mieux gérer son personnel dans un contexte de crise. Ainsi quand les affaires reprennent mais que l'on n'est pas sûr que la reprise soit durable, on engage plus facilement un intérimaire pour ne pas engager un employé à temps fixe que l'on risque de devoir renvoyer quelques mois plus tard, avec tout ce que cela sous-entend de contraintes administratives, notamment par rapport à la Sécurité Sociale. A court et à moyen terme, un intérimaire coûte aussi moins cher qu'un travailleur fixe.
C'est donc un secteur prometteur mais qui n'est pas sans effets pervers quant à l'instabilité et l'insécurité des travailleurs.

Le travail journalier

Il s'agit d'une forme de travail très présente depuis l'Antiquité jusqu'au début du 20e siècle. Que l'on songe à des journaliers très célèbres, les fameux "ouvriers de la dernière heure" de l'Évangile !

Les journaliers sont appelés chaque année, dans les régions rurales pour effectuer des travaux exceptionnels comme la fenaison, la moisson, l'arrachage des pommes de terre, la cueillette des fruits, etc... Si on en trouve aussi dans les villes pour effectuer de gros travaux, surtout d'aménagement de chemins ou de fondations, on parlera ci-dessous surtout des journaliers de la campagne.

On pourrait croire que ce genre de travail n'était pas très bien rémunéré mais pourtant...
Salaire des journaliers agricoles: il existe d'importantes variations, suivant qu'ils reçoivent ou non la nourriture à la ferme mais le salaire a toujours été réputé élevé.
Exemple: l'ouvrier du Luxembourg belge, non nourri à la ferme, gagnait
- 1,08 fr par jour en 1830
- 1,61 fr par jour en 1856
- 2,48 fr par jour en 1880
- 2,40 fr par jour en 1895
- 2,40 fr par jour en 1910

Mais le travail était dur et les journées longues. La plupart du temps, on fauchait les foins ou les blés, on arrachait les pommes de terre. Ces journées s'étendaient parfois de 2h du matin à 21h. On pouvait alors y gagner de 3 à 4 fr. Mais il y avait aussi beaucoup de rétributions en nature, une quote-part sur la récolte de seigle, de pommes de terres, la seconde coupe de fenaison laissée à l'ouvrier etc..

L'été et le début de l'automne sont donc des saisons favorables pour le journalier mais l'hiver, que devient-il ?
En hiver, il chôme. On ne prend presque pas d'ouvriers à la ferme pendant cette période. Seules les fermes importantes peuvent se le permettre et les journaliers ne sont pas payés mais nourris et logés; ils s'occupent alors essentiellement du bétail. Parfois il reçoit un maigre pourboire.
Mais comme pour tout travail, les situations évoluent d'année en année. Les temps changent et les "nouveaux métiers" attirent les paysans.

Situation du travailleur journalier avant la guerre de 1914-1918
Il a une situation en général assez élevée car, en plus de son salaire pendant la saison, certains en période creuse, se faisaient bûcherons.
De plus l'homme n'était pas le seul à travailler: les femmes lessivaient chez les bourgeois, les filles étaient servantes de ferme, les garçons valets à la journée et les enfants gardaient les vaches en pâture.
Dans les meilleures situations, l'ouvrier arrivait ainsi à épargner et à s'acheter une petite parcelle de terre.

Situation du travailleur journalier après la guerre de 1914-1918
La situation changea d'abord peu, sauf un relèvement des salaires, dû à la baisse de la monnaie et à la concurrence de l'industrie qui attirait plus les jeunes. En effet, les luttes sociales ont amené une législation plus avantageuse : les huit heures de travail, les beaux salaires ont un effet irrésistible auprès des ouvriers agricoles qui connaissaient le rythme du lever au coucher du soleil.
Le chemin de fer qui se développait énormément chez nous - n'oublions pas que la Belgique fut, dans l'entre-deux guerres, le pays le plus "couvert de voies" du monde ! - recruta un grand nombre de jeunes gens dans les campagnes. Là aussi les horaires étaient plus réguliers et plus réduits que dans les champs. En Ardenne, la pénurie exista donc jusqu'à ce que la mécanisation se répande.
Aujourd'hui pourtant, on trouve encore des petites annonces qui font appel à des journaliers pour le ramassage des fraises, la cueillette des pommes ou les vendanges.

Une catégorie à part

On pense toujours aux ouvriers agricoles quant on pense "journaliers" mais il en recutait aussi beaucoup au moyen âge notamment pour effectuer le gros oeuvre dans la construction; ce sont les manoeuvriers qui participèrent notamment au terrassement des fossés, au creusement des fondations, à l'élévation des remparts dans les villes ou au transport des pierres nécessaires aux cathédrales.
Une idée fort tenace est que les cathédrales furent bâties par des croyants fervants, voire des bourgeois, qui, plein d'ardeur, se consacrèrent bénévolement ou presque à cette construction à la gloire de Dieu. Il n'en est rien.
Ce fut en vérité un travail de fourmis, qui a donné des milliers d'heures de travail à des dizaines de corps de métier, spécialisés et bien payés mais surtout à des milliers de sans-grades, venus de partout, même de l'étranger.
Ce sont parfois des ouvriers, comme des maçons, qui ne trouvent plus à s'occuper dans une région pauvre et qui partent là où ils ont entendu que commençait un grand chantier. Ils voyagent, souvent avec femmes et enfants et cherchent à se faire embaucher. Là ils se livrent aussi à de véritables négriers qui vont constituer des troupes "d'ouvriers de bras", que l'on mettait à disposition des villes ou de seigneurs maîtres d'oeuvres.
Si l'on veut connaître leur vie quotidienne, que l'on se plonge dans le très beau livre de Ken Follett, "les piliers de la terre".

Une caractéristique de ces travaux est leur dangerosité et les risques d'accident y sont multiples. On possède de nombreuses descriptions dans les comptes des chantiers ou les vies de saints guérisseurs "testes froessées jusques à la cervelle" - " membres blessez et navrez" et "inutiles à jamès", corps "caducs, chenus et cassés". La cour des miracles, dans le quartier de Notre-Dame de Paris, avec ses estropiés en tout genre, n'avait pas besoin de chercher loin ses occupants...

Travailleur intérimaire et journalier ?

Il y a de nombreuses différences mais aussi plusieurs parallèles possibles. La relation triangulaire n'existe pas pour l'ouvrier agricole, mais, nous venons de le voir, elle a pu exister parfois dans les cas des grands chantiers du moyen âge, avec les négriers, recruteurs.
L'intérimaire d'aujourd'hui peut effectuer, en fonction de ses compétences, des missions très variées; l'ouvrier agricole remplit des tâches souvent répétitives.
Ils peuvent avoir en commun les risques de certaines missions. On sait que les syndicats d'aujourd'hui sont de plus en plus attentifs à la condition des intérimaires de la construction qui constituent la majorité des accidents de travail et de manière plus générale, les accidents de travail sont beaucoup plus fréquents chez les employés des firmes sous-traitantes qui, elles-mêmes, engagent des intérimaires, plus souples.
Or, les grands chantiers d'il y a 800 ans étaient aussi des occasions d'accidents fréquents et souvent lourds de conséquences.

Mais, du point de vue du statut, le journalier ressemble plus au travailleur saisonnier d'aujourd'hui.
On les voit en été sur les terrasses de café, les restaurants, les campings et tout autre lieu touristique, afin de prêter main forte aux tenanciers, souvent débordés.
Ils sont relativement jeunes: 76% des saisonniers ont moins de 26 ans.
L'ancienneté est relativement importante: un salarié sur deux a déjà travaillé au minimum 4 saisons alors qu'un sur cinq débute.
Un saisonnier sur deux est logé par son employeur, avec toutefois une nette différence entre mer et montagne: deux tiers des saisonniers sont logés par leur employeur en montagne contre un tiers dans les stations balnéaires.
Les conditions de travail sont difficiles et les salaires peu élevés bien que leur horaire est souvent très chargés (de 8h à 13h/jour). Bien souvent, il n'y a pas de repos hebdomadaires.
Ainsi, comme le journalier, le saisonnier travaille le plus souvent l'été; il est est souvent logé chez son employeur, ce qui n'existe pas pour l'intérimaire et enfin, il est en relation directe de travail avec son employeur.

Bibliographie

Giovanni Hoyois, l'Ardenne et l'ardennais, éditions universitaires de France, 1981, pp.697-706
Christian Juyaux et Françoise Dussere, espaces, n°127, mai-juin 1994, pp.25 à 27
C.G. Le marché, édition spéciale février 1994, pp.19-24
Catherine Bézard, dans l'évènement du jeudi, 31 août, pp.54-55
J.P.Leguay, Les bâtisseurs de cathédrales, dans Histoire, n°95, déc. 1986, pp. 38-44

Illustrations
Extrait des "pages d'or" 2002-2003, édit.Promédia, rubriques agences d'intérim
La moisson de Pierre Breughel le Jeune, après 1616, dans " Breughel - Brueghel, une famille de peintres flamands, vers 1600", catalogue de l'exposition, éditions Klaus Ertz, 1998
Les terrassiers, tableau de

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