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La vie d'un jeune détenu au 19es et
celle d'un pensionnaire d'un centre fermé au 21e

 

Transposition pour le Web du travail de Florence Demoulin

Introduction
Le premier pénitencier pour enfants, a été créé par Edouard Ducpétiaux (1804-1868) qui a dominé de sa personnalité toute l'histoire sociale et pénale de la première moitié du 19e siècle en Belgique. Champion du régime cellulaire, il prône l'isolement des condamnés, seul moyen selon lui d'amender les coupables, de les moraliser afin de les rendre meilleurs et de prévenir ainsi la récidive. Pour cela, il faut d'abord trier, classer, séparer et donc par exemple séparer les enfants des adultes. Aujourd'hui, on ne parle plus de pénitencier pour enfants mais plutôt de centres fermés, de centres d'éducation. La dénomination a changé mais en quoi la vie dans un centre fermé comme de Fraipont au 21e siècle est -elle différente de celle menée dans un pénitencier comme celui de Saint-Hubert à Namur ?

Maison pénitentiaire de Saint-Hubert (19ème siècle), premier pénitencier pour garçons créé en 1840 et ouvert en 1844

Une journée type
La vie des jeunes détenus est rythmée au son de la cloche. Au premier coup, le matin, ils se lèvent, s'habillent, plient leurs effets de couchage, brossent leurs habits et leurs souliers. Au second coup, dix minutes plus tard, les portes des cellules ou des alcôves sont ouvertes et ils se rendent, en ordre et en silence, au lavoir. Ensuite, ils passent au réfectoire. Chaque repas est précédé et suivi d'une prière ; pendant le repas, un frère fait une lecture morale ou instructive. Le dîner a lieu à 12h30 et le souper à 17 heures, l'un et l'autre ne peuvent durer plus de 20 minutes. Entre-temps, les enfants travaillent dans les ateliers ou vont à l'école. Il y a deux récréations, la première avant le dîner (45 minutes en été et 1 heure en hiver) et la deuxième après le souper (30 minutes). Après quoi le travail reprend jusqu'au coucher (20h30 en été et 21 heures en hiver).
Les récréations ont lieu à l'extérieur si le temps le permet et l'on y fait de la gymnastique. S'il fait mauvais, les surveillants font des lectures instructives ou amusantes ; les jeux de hasard, de cartes ou de dés sont strictement prohibés.
Les détenus ne peuvent jamais se trouver hors du champ de vision du gardien, ils ne peuvent aller à plusieurs aux cabinets d'aisance et pour s'y rendre, ils doivent porter un signe remis par le surveillant à cette fin.

Punitions et récompenses
Les punitions vont de la privation de récréation, de correspondances, de visites, ou de gratifications au renvoi dans la section d'épreuve ou de punition en passant par la réprimande publique, la séquestration cellulaire, le pain et l'eau, les signes distinctifs attachés sur les vêtements et la radiation du tableau d'honneur.
Les récompenses sont symétriques. Pouvoir correspondre avec la famille, recevoir des visites, disposer d'une partie du pécule fourni grâce au travail, être admis à certains emplois de confiance, participer aux activités de chant et de musique, recevoir des éloges publiques, passer dans la section de récompense, être inscrit au tableau d'honneur, etc. La récompense suprême (mais aussi rarissime) consiste à être envoyé à l'école de réforme ou, encore mieux, être gracié ou bénéficier d'une réduction de peine.

L'école
Etre autorisé à la fréquenter constitue une sorte de récompense et tous les enfants n'y sont pas admis. En sont exclus : ceux qui transitent par l'établissement et restent trop peu de temps pour être inscrits dans une classe, ainsi que ceux qui sont incapables de fréquenter les cours. La population scolaire, liée au feu des entrées et des sorties, ne représente que 20 à 40% des effectifs de la maison. Les élèves sont partagés entre deux sections : la première, celle des permanents, est réservée aux moins de douze ans ; la deuxième , appelée école des travailleurs, est une école du soir où les cours sont donnés de 20 heures à 21h30 après le travail dans les champs ou les ateliers. A l'intérieur de chaque section, les élèves sont répartis en trois divisions : illettrés, premier degré, deuxième degré. Enfin, une dernière distinction est effectuée en fonction de la langue (wallon, flamand). Des examens ont lieu tous les trois mois dans les différentes branches enseignées ; les résultats sont transmis au directeur qui procède lors d'une séance solennelle à la proclamation et à la remise des prix.
Les conditions d'enseignement ne sont pas favorables. Chaque soir, pendant 1h30, les enseignants entassent dans un local immense une centaine d'enfants turbulents et épuisés par une journée de travail. Pour l'instituteur débordé, le principal souci est de maintenir l'ordre, le silence et la discipline.

Le travail
La vertu du travail est d'abord morale et sociale. Il s'agira de les occuper mais aussi de tenter de leur inculquer les bases d'un métier pour qu'ils puissent, à leur sortie, gagner de quoi vivre. Cependant, il n'est pas exempt de préoccupations économiques. Le jeune détenu contribue, par son travail, à son entretien et soulage l'Etat de l'effort qu'il consent en le prenant à sa charge. Le travail n'est pas rémunéré mais un système de gratification récompense les ouvriers les plus méritants.
La journée du jeune détenu commence très tôt (5 heures en été, 6 heures en mars et en octobre et 7 heures en hiver). Elle comprend au moins 8 heures de travail.
o Le travail dans les champs.
Le travail agricole est valorisé pour ses vertus d'hygiène physiques et morales. Il doit servir à régénérer les enfants malingres et chétifs, corrompus par l'air empoisonné qu'ils ont respiré dans les villes.
o Le travail dans les ateliers.
Le directeur assigne à chacun des occupations en rapport avec son âge, ses forces et ses aptitudes. Les détenus travaillent à la pièce et chacun est tenu à produire un minimum fixé mensuellement par le directeur.
Exemples d'ateliers : atelier de cordonnerie, de couture, de menuiserie, de reliure, de filature, etc. (voir aussi)

Le Centre Fermé de Fraipont (ouvert en 1993)

Une journée type

Les portes des cellules s'ouvrent à 8 heures, ensuite les jeunes se rendent à la douche commune avant de prendre le petit-déjeuner. Les détenus prennent leurs repas dans le réfectoire. De 10 heures à 12h30, tous les jeunes suivent des cours avec un professeur. Après le dîner, les jeunes détenus ont droit à une heure de détente, ils discutent, jouent aux cartes, A 14 heures précises, chacun retourne dans sa cellule et les portes se referment pendant une heure. Les jeunes se retrouvent alors seuls et doivent consacrer cette heure à la réflexion. Les deux heures suivantes sont réservées aux ateliers. Ensuite, les jeunes peuvent se défouler avec deux heures de sport collectif (volley, basket, escalade, football,). Après leur douche, les détenus soupent. A 20 heures commence la soirée télévision ( les films de violence et de sexe sont interdits) jusque 22 heures, heure à laquelle les jeunes détenus se retrouvent enfermés dans leurs cellules pour la nuit. Les cellules sont composées du strict nécessaire c'est-à-dire d'un lit, d'un évier et d'un W.C.

Punitions et récompenses
Les sanctions et les récompenses sont prises au cas par cas par un conseil de discipline composé des éducateurs et du directeur dans certains cas.
Les punitions peuvent aller de la privation de sport par exemple jusqu'à l'isolement total pendant 24 heures. Les récompenses sont accordées par les éducateurs et sont rares. Elles vont de la possibilité de passer un coup de téléphone supplémentaire jusqu'à l'organisation de sorties.


 "Troisième rendez-vous. Un jeune vient de passer 15 jours en premier accueil à l'IPPJ de Fraipont pour des faits graves: participation à une agression à main armée dans un Quick en Flandre. Ses complices majeurs sont en prison. Il a pris conscience de la gravité de ses actes et perçoit clairement l'impact sur les personnes présentes. Une médiation doit pouvoir s'organiser avec ARPEGE (un service qui met en oeuvre les travaux d'intérêt général ou médiations pénales pour mineurs) et la collaboration d'un service flamand. Le but est d'établir une communication entre victimes/auteur, qu'ils puissent s'écouter mutuellement et qu'un geste de réparation puisse être posé par le jeune.
Outre le fait qu'aucune place n'est disponible en IPPJ, qu'il est nécessaire de préserver la scolarité du mineur, cette démarche me paraît à long terme plus intéressante, le milieu familial étant bien plus structurant.
Du côté des victimes, cela pourra permettre une dédramatisation de la scène. leur accord total est bien entendu une condition sine qua non.

 Comment s'effectue le travail de justice avec un jeune délinquant place en Institut Publique de Protection de la Jeunesse, comme Fraipont,
où l'on trouve à la fois un milieu ouvert et un milieu fermé - Témoignage de Luce Kinet, juge de la jeunesse


L'école
L'école est obligatoire pour tous les détenus. Les cours se donnent en commun. Cependant chaque élève bénéficie d'un suivi personnalisé, adapté à ses capacités.
Beaucoup de détenus ont un faible niveau scolaire, certains sont même analphabètes. Toutefois, il arrive qu'un jeune continue à suivre le programme officiel par correspondance.

Les Ateliers
Il existe plusieurs ateliers. L'atelier scolaire où un professeur travaille avec les jeunes sur les matières dans lesquelles ils ont des difficultés. Les détenus peuvent faire de la poterie, de la peinture, travailler le bois à l'atelier art manuel. Il existe également un atelier audio-visuel. Le mercredi et le samedi, les élèves consacrent ces heures au nettoyage de leur cellule et de leur section.

Conclusion
Mêmes fermés, les établissements d'aujourd'hui ne dépendent pas prioritairement d'une philosophie répressive ; on considère que le mineur, même délinquant, est à protéger - d'un milieu dangereux mais aussi de lui-même - et à réinsérer. Cette réinsertion passe par l'apprentissage ou la ré-éducation à la vie en commun, à ses exigences mais aussi à la prise en compte des besoins légitimes de chacun. La différence essentielle dans cette comparaison est sûrement l'absence de travail pour les jeunes détenus du 21è siècle. Cette dissimilitude peut s'expliquer par l'évolution de la société qui ne permet plus la mise au travail des enfants et qui exige l'école obligatoire jusqu'à 18 ans. Les détenus au centre Fraipont ne sont sujets à aucune discrimination par rapport à l'école. Ils ne doivent remplir aucune condition pour pouvoir participer au cours comme c'était le cas au pénitencier de Saint-Hubert. Enfin, les jeunes détenus d'aujourd'hui bénéficient d'un nombre d'heures de détente et de loisirs supérieures aux jeunes incarcérés au XIXe siècle. Ceci est également dû au changement de la société qui a provoqué des transformations dans les méthodes de l'éducation correctionnelle. Ainsi aujourd'hui, on veille au bien-être des jeunes et ceux-là ont encore plus besoin que les autres jeunes de se défouler. De plus, les activités et les sports collectifs leur permettent d'apprendre à respecter des règles mais aussi à respecter les autres, ce qui sont deux choses indispensables à l'heure actuelle dans notre société

Bibliographie

- Marie Sylvie DUPONT-BOUCHAT, De la prison à l'école, les pénitenciers pour enfants en Belgique au XIXe siècle (1840-1914), collection " Ancien Pays et Assemblées d'Etats ", 1996, Edition UGA, 350 pages.
- Aide à la jeunesse: la loi de 1965 a toujours un bel esprit, Le Ligueur
, n° 22, p. 24, 2002 (y compris l'illustration)
- "Permanence au tribunal" , dans Débats, La Libre, 18-19 mai 2002, p.34
- Témoignage : Interview de Milkos Thierry, éducateur au centre fermé de Fraipont.

Pour aller plus loin
Martine Ruchat, des mineurs en prison ? agir plutôt que punir, juillet 1998 http://www.republique.ch/archives/enavant/abolition/mineurs-en-prison.html

 

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