Accueil Personnages Monuments Evènements Dossiers Documents Apropos Eux aussi

qui suis-je ? contactez-moi

Histoire de l'immigration italienne

Page Web réalisée à partir du travail de Davide Pigliacelli

 

Introduction

Dans la Belgique actuelle, un citoyen sur dix n'a pas la nationalité belge et ce pourcentage est encore supérieur dans la partie francophone du pays. Si, dans l'ensemble de la population, on comptabilise non plus les " non-Belges " mais ceux qui ont un ascendant étranger parmi leurs quatre grands-parents, le pourcentage vraisemblable de population ayant des origines étrangères proches est de 25 %.
De plus, depuis l'aube de l'humanité, les êtres humains se sont toujours déplacés, si ce déplacement leur donnait l'espoir d'un mieux-être.
Mais aussi, la logique économique implique toujours d'utiliser à niveau de qualification égal, la main d'oeuvre la moins chère. C'est pour cela que l'on assiste maintenant à des délocalisations de certaines entreprises vers le Tiers-Monde. Mais pour certaines activités, telle que la mine ou les carrières, un déplacement de l'entreprise est impossible, donc on fait déplacer la main d'oeuvre. C'est ce qui s'est produit avec une partie du peuple italien.

Les immigrés d'avant 1946

La guerre de 1914-1918 causa beaucoup de dégâts à différents pays d'Europe, notamment à la Belgique et à l'Italie. Mais la Belgique se remit bien vite à la tâche. En quelques mois, la plupart des usines et des charbonnages retrouvèrent leur rythme et leur productivité.
L'Italie, au contraire, se remettait confusément de sa guerre. Le régime politique subissait des assauts imprévus et fougueux ; la pauvreté s'étendait, Mussolini se préparait.
En 1922, soutenu par 30 députés fascistes, il obtient la maîtrise des principaux ministères. Deux ans plus tard, fort d'une majorité de 405 élus sur 535, il écarte l'opposition et instaure la dictature.
Dés lors, par milliers, des Italiens vont fuir leur patrie. Certains aboutissent en Belgique car l'industrie lourde a besoin de nouveaux travailleurs, ils seront rapidement assimilés.
A Bois-du-Luc, en 1922, il n'y avait qu'un seul ouvrier italien ; en 1923, on en comptait 153 ; un an plus tard, ils étaient170
Dés ce moment, le nombre d'Italiens travaillant dans les charbonnages peut s'évaluer à quatre ou cinq mille, soit plus de 3% du total du personnel. Et cette proportion ne fera que s'accroître, d'autant plus que la communauté italienne de Belgique se développe sans cesse : ils sont 20 000 en 1930 ; ils seront près de 35 000 en 1940.

A l'arrivée de Mussolini au pouvoir, en Belgique comme ailleurs, l'ambassade et les consulats devinrent les symboles du fascisme italien, et tentèrent de rallier au régime les émigrés. Il faut savoir, que la plupart des immigrés italiens de l'époque sont antifascistes, et Mussolini va tout faire pour endoctriner ces fuyards.
A Charleroi, il y aura des écoles italiennes qui ouvriront, ces écoles seront sous contrôle fasciste. Mais aussi les différentes bibliothèques italiennes qui se trouvaient en Belgique tombent sous l'autorité fasciste, donc les livres y sont triés.
De plus, des informateurs produisaient pour l'ambassade italienne un rapport hebdomadaire, signalant pour chaque antifasciste s'il avait été vu en Belgique, s'il était perdu de vue, etc.
Toutes ces informations recueillies étaient envoyées à Rome. Sur base de ces dossiers, la police italienne demandait et obtenait fréquemment, l'arrestation de ces " agitateurs " par la police belge. Ainsi la population italienne de Belgique, loin d'être à l'abri chez nous, faisait en plus l'objet de diverses pressions de la part de son consulat.
En Belgique, pour obtenir un passeport, un document officiel, il fallait s'inscrire à une organisation fasciste, du moins apposer sa signature sur un registre d'hommage au Duce ou répondre à de longs questionnaires pour détecter les activités antifascistes. Autrement, les documents pourtant indispensables (extraits de naissance) se faisaient indéfiniment attendre.

Les immigrés d'après 1946

A peine réveillée de ses années de guerre, l'Italie découvre, avec effroi, l'effondrement de toute son économie, la révolte et le désarroi de sa jeunesse, la misère et le chômage qui atteignent toutes les couches de la population. Les dirigeants politiques s'attachent à résoudre les problèmes urgents : ranimer l'industrie, donner du travail
Au même moment, les patrons charbonniers de Belgique s'inquiètent de la précarité de la main-d'oeuvre allemande.
Les discussions s'engagent. Elles aboutissent, le 23 juin 1946, à la signature d'une convention qui prépare le transfert de cinquante mille travailleurs italiens vers les charbonnages belges.
L'article 11 du protocoles de 1946 prévoyait que " le Gouvernement italien s'efforcerait d'envoyer en Belgique 2000 travailleurs par semaine ". En six mois, le contrat aurait été rempli. En fait, il a fallu attendre 1952 pour enregistrer le nombre maximal de 48598 mineurs italiens en activité dans les charbonnages belges.
Très vite, la Fédération de charbonnage fut chargée de l'organisation pratique de l'embauche, aux abords de la gare de Milan. Des médecins belges sélectionnaient avec prudence les candidats au départ, et à l'aventure vers l'inconnu. Les rigueurs du contrôle médical se justifiaient, si l'on tient compte de la dureté physique du travail dans les mines ; elle explique la lenteur des opérations de recrutement et le pourcentage important des rejetés.
Pour soutenir le mouvement migratoire, la Fédéchar organisa de véritables campagnes publicitaires : affiches répandues dans toutes les localités, films documentaires présentant un visage très adouci de la vie des charbonnages belges (voir aussi)
Le voyage entre Milan et Bruxelles durait près de deux jours ; de longs convois arrachaient à la péninsule des milliers d'hommes jeunes et solides, fatigués de l'attente trop longue, sobrement équipés, mais au cur battant d'espoir. Plusieurs d'entre eux ne reverraient jamais leur terre natale.
A Bruxelles, la dispersion commençait, vers les différents charbonnages. On eut le bon sens de tenir compte des différentes affinités familiales ou autres. Les interprètes et les délégués des mines réglaient les formalités essentielles et quelques problèmes personnels ; des cars ou d'autre trains emmenaient leurs précieux chargements humains vers les " cantines " qui les attendaient.

Plus passent les années et plus la santé des mineurs s'affaiblit. Outre les maladies, il y a les différents accidents mortels dans les mines, entre 1946 et 1955, 488 ouvriers italiens ont péri dans les différents charbonnages de Belgique. Et puis, vient le 8 août 1956, où eut lieu l'effroyable tragédie du Bois-du-Cazier, à Marcinelle ; 262 morts, dont 136 Italiens.
Les conséquences furent rapides : renforcement de la sécurité dans les mines ; blocage de l'immigration italienne vers la Belgique.
On peut donc dire que Marcinelle fut le point final tragique de l'épopée de l'immigration italienne en Belgique ; l'intégration avait commencé, dans tous les domaines.

Le regard des autres

Une des plus grosses difficultés rencontrée par les immigrés fut le logement. Pour beaucoup il y avait les " cantines ", mais d'autres cherchaient ailleurs car les conditions des " cantines " étaient invivables et loin des promesses faites par le charbonnage. Trouver une maison à louer était presque mission impossible, car certains propriétaires belges ne voulaient pas louer aux étrangers; sur certaines pancartes de maison à louer, il était inscrit "ni animaux, ni étranger". On peut donc comprendre que l'intégration n'a pas été facile au début.
A la mine, l'entente entre mineurs belges et italiens n'était pas la meilleure, car les mineurs italiens ramenaient plus de charbon, donc ils gagnaient plus que les Belges. Souvent les ingénieurs des mines rajoutaient à la tension entre travailleurs belges et étrangers.

L'intégration

La prise de conscience de l'installation définitive des Italiens en Belgique est tardive. Cette conscience s'est précipitée également aux yeux des autorités belges qui mettent en place, après une politique d'immigration, une politique d'intégration dans les années quatre-vingt. L'intégration se fait car le nombre et la proportion d'Italiens diminuent dans le temps et les jeunes générations sont essentiellement belges.

 Avez-vous subi des discriminations dans vos relations professionnelles ?
Oui, parce que j'étais étranger. je me rappelle que lorsque je travaillais aux forges, quand il fallait fermer les chaudières, c'était moi et un autre Sicilien. Quand nous sommes partis en vacances, il y avait un brigadier et deux ouvriers qui n'avaient rien à faire. Le brigadier demandait de ne pas rester assis, car si un ingénieur passait, ça n'allait pas. Il leur a proposé de nettoyer et un des ouvriers a répondu : "quand Mastratisi viendra, il n'aura qu'à nettoyer.." Tu vois, quand c'était nous, on devait nettoyer, porter la ferraille etc... "

Et leur situation d'avant Schengen
Alors, vous avez toujours ce poids-là d'être un étranger ?
Toujours ! Les autres, je ne sais pas, mais moi bien. je me sens doublement étranger et de la part du gouvernement italien, nous n'avons aucune garantie. Ici on nous appelle des étrangers et en Italie aussi. Pourquoi ne pas pouvoir passer la frontière avec la carte d'identité comme les Belges ? Nous on n'a pas de carte d'identité mais un permis de séjour. C'est une carte de reconnaissance pour nous. c'est pour cela qu'il nous faut un passeport.

Témoignage de Candeloro Mastratisi, extrait de "Travailleur d'où viens-tu ?" Equipe mémoire ouvrière de Seraing, CARHOP, 1993


Si la première génération d'immigrés italiens était de la classe des paysans, la deuxième génération, elle, relevait de la classe ouvrière.

La silicose

A la fin des années cinquante, beaucoup d'Italiens épuisés par le travail rentrent en Italie avec une santé médiocre et sans pension, car ils n'avaient pas assez d'années de service dans les mines. Ils n'avaient pas de pension pour la silicose car cette maladie ne faisait pas partie des maladies professionnelle indemnisable.
Pour aider ces gens, le gouvernement italien, poussé par les partis politiques de gauches, approuve une loi le 27 juillet 1962, celle-ci prend en charge l'indemnisation de la maladie de la silicose, en attendant que le gouvernement belge le fasse. La reconnaissance du gouvernement belge viendra le 24 décembre 1963 et sera en vigueur dés le premier janvier 1964.
En 1964, enfin la silicose est reconnue comme maladie professionnelle. C'était rendre justice aux victimes de ce mal qui détruisait impunément des être humains depuis des dizaines d'années. On s'était bien gardé de dire en Italie au moment du recrutement des travailleurs pour les mines les différentes maladies que la mine pouvait occasionner.

Pour ceux qui resteront en Belgique et qui seront, bien forcés, mis à la pension prématurément suite à cette maladie, ils devront subir des moqueries, rapidement généralisées à tous les Italiens sur la "Moutouelle", voulant ainsi signifier que les immigrés n'étaient venus que pour émarger le plus vite possible à notre Sécurité Sociale !

Conclusion

Je pense que l'intégration des Italiens est réussie, mais je trouve qu'il ne faut pas généraliser, car lorsque l'on parle d'immigration italienne, on prend souvent comme exemple Elio di Rupo ou Adamo, mais il ne faut pas croire que les 300 000 italiens en Belgique ont tous atteint la réussite et la reconnaissance du chanteur sicilien
Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est que les Italiens comme d'autres nationalités ne sont pas venus " voler " le travail aux Belges. Ils ont au contraire contribué à faire de la Belgique le pays qu'elle est maintenant. Je pense donc que les partis d'extrême-droite se voilent la face et devraient revoir leur Histoire car sans les étrangers, l'économie belge actuelle ne serait pas ce qu'elle est.

Bibliographie

Livres
- " Siamo tutti neri ! ", Des hommes contre du charbon, Etudes et témoignages sur l'immigration italienne en Wallonie
Institut d'histoire ouvrière, économique et sociale, Seraing ,1998
- Per un sacco di carbone, Associations Chrétiennes des Travailleurs Internationaux, 1996
Articles
Anne Morelli, dossier "Immigration & citoyenneté " dans la Revue L'Observatoire n°6/1995

retour