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Page Web réalisée à partir du travail de Véronique Trespeuch
Introduction
Aujourd'hui, dans
certaines facultés universitaires, les filles sont plus
nombreuses que les garçons et, de manière générale,
leur taux de réussite est supérieur à celui
de leurs compagnons. Il n'empêche que, spontanément,
des réserves sont encore émises sur les capacités
intellectuelles des filles ou, quand celles-ci sont reconnues,
c'est leur féminité qui est mise en doute.
Qu'en fut-il autrefois ?
Au XVIIème
siècle
Dans l'évolution
vers la scolarisation féminine, on rencontre deux ruptures
:
- La première est celle où la petite fille quitte
sa famille pour se rendre dans une petite école et ;
- La deuxième, plus limitée, se déroule
à partir de 1680, et est causée par la naissance
d'un courant de critiques contre l'éducation des jeunes
filles, venant de la bonne société.
Différents traités sont mis en application mais
les débats ne concernent que l'élite qui représente
la clientèle des pensionnats des grands ordres féminins.
Ceci fait naître une nouvelle sensibilité mais cause
peu d'impact sur l'économie de l'éducation. La vocation
d'enseignante pour les filles constitua alors une incompatibilité
pour l'Eglise catholique et il fut difficile de la faire changer
d'avis. Le premier enseignement féminin resta un privilège
urbain. On fait alors une distinction entre les filles destinées
à être religieuses et celles qui retourneront chez
elles dès que leur éducation sera faite. L'enseignement
monastique servait d'abord à favoriser les vocations religieuses.
Celles qui repartaient chez elles avaient appris à être
de bonnes chrétiennes. On enseignait aux jeunes filles
à lire, à écrire, à coudre, c'est-à-dire
à devenir une femme libre de milieu honorable, une femme
parfaite.
Au XVIIème aussi, la scolarisation n'est qu'un aspect de
l'apostolat (diffusion de la foi chrétienne), bien présent
dans ce siècle.
Au XVIIIème
siècle
Ici, on inculquait
les principes moraux, les valeurs, les normes, ceci était
plus ou moins imposé dans un milieu social déterminé.
On cherchait à faire des filles, des femmes accomplies
et de bonnes chrétiennes toujours.
Mais déjà au XVIIIème, sous l'influence des
Lumières, certains étaient contre l'éducation
superficielle des filles et revendiquaient l'accès des
femmes au même savoir que celui des hommes, sans pour autant
négliger les tâches domestiques et les bonnes manières.
Certains réformistes prônent l'accès des femmes
au savoir libérateur, la plupart incitent au mimétisme
qui constitue un frein pour l'émancipation.
Les conservateurs, eux, pensent que la femme est inférieure
à l'homme par l'aspect physique, moral et intellectuel.
Certaines critiques sont faites à propos de l'uniformité
du modèle féminin qui se répand dans l'échelle
sociale et s'inscrit dans une réforme générale
de la société.
La femme a deux fonctions essentielles : mère et maîtresse
domestique. A l'âge moderne, seules ces deux fonctions sont
acceptées et valorisantes. Les femmes savantes sont ridicules
car elles sont le signe d'un dérèglement de la répartition
des rôles de chacun des sexes. Il suffit pour s'en convaincre
de constater le succès persistant du théâtre
de Molière.
A cette époque, il existe deux demandes éducatives.
D'abord une éducation religieuse et morale pour laquelle
une école est souhaitable. Celle-ci permettra aux femmes
d'élever leurs enfants dans l'éducation chrétienne.
Ensuite, une éducation des femmes parce qu'elles sont enseignantes.
Cet effort de scolarisation des femmes fait naître des congrégations
enseignantes et des écoles. L'école prend place
comme moyen d'instruction pour les femmes. On multiplie les enseignantes
pour combattre l'ignorance.
Mais attention, très majoritairement, et cette situation
dura jusqu'au milieu du XXes, ce sont des femmes célibataires
ou des religieuses, et non des épouses, qui enseignent.
L'éducation des filles comporte de multiples tâches
et beaucoup d'écoles, surtout religieuses, se créent
partout. Les filles y entrent très jeunes, en particulier
pour la formation pratique, puis intellectuelle. On leur enseigne
une piété " joyeuse " et " mesurée",
c'est-à-dire à être une femme idéale.
Les évêques se sont battu contre la mixité
des écoles et l'enseignement des filles par des hommes.
A ce moment-là, il y a peu de différences de statuts
entre l'éducation des filles et celle des garçons.
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Défilé des enfants des écoles communales de Bruxelles en 1878, devant le roi Léopold II |
Au XIXème
siècle
Les femmes ont bien
une infériorité intellectuelle par rapport aux hommes
mais elle n'est pas naturelle. Elle est due à un non-accès
à l'enseignement de qualité. A cette époque,
les filles n'ont accès qu'aux pensionnats ou aux écoles
privées pour suivre un enseignement rudimentaire. Une dizaine
de pensionnats sont reconnus(en France) pour former des institutrices.
Ceci étant le niveau le plus élevé d'instruction
auquel les filles ont accès.
La première féministe belge, Isabelle Gatti de Gamond,
n'a pas échappé
aux préjugés de l'époque. Elle a effectué
une étude sur la condition sociale de la femme au 19ème
siècle. L'éducation et l'enseignement de qualité
sont les conditions nécessaires pour l'émancipation
de la femme. Gatti de Gamond lutte pour cette émancipation
en lançant une attaque, en 1862, par sa revue " Education
des femmes " et fonde en 1864, la première école
moyenne pour les filles à Bruxelles avec l'aide de politiciens
et de penseurs. D'autres villes et communes évoluent dans
le même sens. Les écoles catholiques améliorent
leur enseignement..
L'enseignement secondaire pour les filles sera réglementé
en 1879. A Bruxelles aussi a été fondée la
première école professionnelle pour les filles.
Et l'Université
?
C'est en février 1875 que, pour la 1ère fois en
Belgique, on mit sur le tapis au Parlement l'accès des
femmes à l'Université. La discussion porta sur l'étude
et l'exercice de la médecine. Toutefois, il fallait que
les filles fassent des humanités anciennes complètes
pour pouvoir accèder à l'enseignement supérieur.
Or le latin et le grec étaient réservés aux
garçons et le restèrent encore 50 ans dans les écoles
de l'Etat. Les jeunes filles faisaient donc l'Ecole Moyenne puis
le Jury Central, a près avoir reçu des leçons
particulières.
A Liège, c'est l'Institut Saint Jacques qui, dès
1908, créa des "vraies humanités", Les
chanoinesses de Jupille suivirent en 1919
Les arguments de chaque camp varièrent peu dans le temps:
les adversaires mettaient en avant la vraie vocation de la femme,
mère et épouse, règnant sur "l'intérieur"
et l'homme sur la vie du dehors tandis que les autres soulignaient
qu'il existait 1/3 de célibataires et pas mal de veuves
qui devaient assurer leur sbsistance et celle de leurs éventuels
enfants.
Isala Van Dies, la première femme médecin belge,
a dû effectuer ses études à Berne car l'accès
à l'université de Louvain lui avait été
refusé. Elle a reçu son diplôme en 1879 et
n'a pu ouvrir son propre cabinet qu'en 1884, après un arrêté
royal spécial.
Vers 1880, les universités de Bruxelles, de Gand, de Liège
ouvrent leurs portes aux filles mais le nombre d'étudiantes
reste peu élevé vu qu'elles n'ont pas spécialement
fait l'enseignement secondaire supérieur et que même
en sortant de l'Université, elles n'ont pas le choix de
professions intéressantes. Ainsi la résistance fut
très forte pour les professions libérales. Marie
Popelin a été exclue du Barreau en 1888 par un arrêté
de la Cour d'Appel puis de cassation et le juge a motivé
sa décision en disant que, vu son statut de femme, de mère
et d'épouse, elle ne saurait effectuer sa profession d'avocat
car elle se trouve dans des conditions peu conciliables avec
les luttes et les fatigues du Barreau. Ce n'est qu'en 1921 que
la question revint au Parlement, la Belgique étant ainsi
très en retard sur bien d'autres nations. (N'oublions pas
l'infériorité civile et juridique de la
femme mariée).
Louvain, université catholique dont les évêques
constituent le Pouvoir Organisateur, n'ouvrira ses portes aux
filles que quarante ans plus tard.
En 1890, la loi autorise l'accès des femmes aux professions
de médecin et de pharmacien -
la tradition reconnaisant les compétences féminines
dans l'art de guérir - ainsi qu'à tous les grades
académiques.
En 1892, il y a la création de la ligue du droit des femmes
et aussi d'une section pré-universitaire à l'institut
par Gatti de Gamond.
On peut remarquer un développement d'écoles et de
classes ménagères très rapide entre 1885
et 1910, grâce à une large propagande et à
un soutien des pouvoirs publics. Ces formations seraient une solution
à la misère matérielle et morale selon l'idée
répandue mais elles constituent surtout un frein au mouvement
de rattrapage intellectuel.
Au XXème
siècle et aujourd'hui
En 1920, l'université
de Louvain ouvre enfin ses portes aux femmes. Mais à l'aube
des "goldens sixties", il se dit encore que des filles
trop diplômées ne trouveront pas de mari....
En 1980, il y a la création par le Ministère de
l'Education Nationale d'une Commission pour l'égalisation
des chances des filles et des garçons. Il y a une augmentation
des écoles supérieures et des universités
ainsi que du nombre d'étudiants.
On peut observer que les filles semblent obtenir de meilleurs
résultats que les garçons dans l'ensemble des matières.
Cependant, il existe un frein à l'égalité
des performances intellectuelles des deux sexes qui est que les
filles doivent se conformer à un certain standard sous
la pression de la société. C'est ainsi que certains
psychologues et pédagogues constataient récemment
que les compétences des filles dans des matières
"masculines" (maths-sciences) sont plus développées
dans les classes non-mixtes, parce qu'elles redoutent moins le
jugement ou les remarques des garçons, parce qu'elles ne
sont pas, non plus, en compétition avec eux.
Aujourd'hui, deux tiers du milliard d'adultes analphabètes
dans le monde sont des femmes et deux tiers des 130 millions d'enfants
non-scolarisés sont des filles. Sur les vingt dernières
années, le taux de scolarisation pour les filles est passé
de 38% à 78%.
Chez nous, différentes associations luttent contre cette
situation et les femmes prévoyantes namuroises sont très
présentes dans ce domaine; elles cherchent, par le biais
d'ateliers, à aider les analphabètes en leur permettant
d'acquérir les connaissances nécessaires à
leur insertion sociale. Ex. par la préparation au permis
de conduire.
Conclusion
Dans nos pays, l'égalité entre hommes et femmes
face à l'enseignement est certainement atteinte en termes
de chiffres mais nous pouvons constater que, dans les faits, les
professions sont encore réservées à tel ou
tel sexe. En général, l'idée d'infériorité
est restée car, dans un couple, il est rare que la femme
ait un diplôme plus élevé que celui de l'homme.
Bibliographie
Ouvrages
- Chartier, R, et
al. L'éducation en France du XVIe au XVIIIe siècle.
Paris : SEDES, 1976, p.231-246
- Femmes Prévoyantes Socialistes. 1, 2, 3, des femmes
et des chiffres ! : dossier pédagogique. Liège
: Femmes Prévoyantes Socialistes, décembre 2001.76
p.
- Pas à pas, l'histoire de l'émancipation de
la femme en Belgique. Bruxelles : Cabinet du Secrétaire
d'Etat à l'émancipation sociale M. Smet, 1991,
p.10, p.17-22, p.61-66.
- B.Lacomble-Masereel, Les premières étudiantes
à l'Université de Liège, années académiques
1881-1882 à 1919-1920, Documents et mémoires,
fascicule XIV, éditions de la commission communale de l'histoire
de l'ancien pays de Liège, Liège, 1980.
Articles
- Conformisme "
Conformisme ou mimétisme : les manuels de savoir-vivre
à l'intention des femmes dans l'Angleterre du dix-huitième
siècle ". Dans : Etudes anglaises. Paris, tome
51, n°1, 1998, p. 65-75
- Alphabétisation " Alphabétisation ".
Dans : Femmes plurielles. Bruxelles, n°1, juin 1991, pages
17.
Sites WE
-Fiche analytique
des Nations Unies sur la condition de la femme, les femmes et
l'éducation
http://usinfo.state.gov/regional/af/usafr/french/f1030704.htm,
(consulté le 05/05/01)
-Les universités et les femmes
http://www.mosadoc.be/site/mainfr/pdf/02.pdf, (consulté
le 05/05/01)
- http://www.ulb.ac.be/cal/Assoc/Fondationrationaliste/fondationrationalistehistoire.html
(illustration d'Isabelle Gatti de Gamond)