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Evolution des méthodes contraceptives
de la magie aux hormones

Transposition pour le Web du travail de Vanessa Ségatto

Introduction

Bien que le problème de la contraception soit aujourd'hui résolu, il a fallu passer par des méthodes " bizarres ", originales qui provenaient de divers milieux (de la religion, de la magie). nous verrons ci-dessous quelques-unes de ces méthodes.

Prédominance de la magie

La magie restera importante dans les pratiques contraceptives, essentiellement sous forme de talisman.
En marge de la magie médicale, il y a d'abord
les sorciers, ceux qui utilisent non les " vertus occultes " des éléments naturels, mais les pouvoirs octroyés par les esprits du mal.
Dans les premiers siècles de l'ère chrétienne, " maléfices " et " poisons " étaient le plus souvent condamnés de concert : les sorciers préparaient des breuvages de stérilité qui conduisaient fréquemment à la mort de l'utilisatrice. La méfiance contre ces breuvages s'émoussant au fur et à mesure que se reconstituait la science médicale, leurs pouvoirs furent de moins en moins associés aux poisons et de plus en plus aux " sorts ", aux " maléfices " jetés sur un lieu ou sur une personne et matérialisés par des rites démoniaques.
La distinction entre stérilité et avortement disparaît au profit d'un concept unique, celui de la " non-naissance ".

Il y a en second lieu les superstitions populaires, où l'on peut parfois reconnaître la lointaine descendance du paganisme. Les femmes qui veulent empêcher la conception et l'accouchement se livrent à toutes sortes de sortilèges. Par exemple lorsqu'elles sont assises ou couchées, les femmes posent sous elles quelques doigts, croyant se libérer de la conception autant d'années qu'elles posent des doigts sous elles. Une pratique élémentaire, liée aux multiples croyances sur le pouvoir des doigts, qui peuvent selon les gestes jeter ou délier des sorts. Le second procédé rappelle l'ancien culte des arbres. La femme doit récolter ses fleurs (les menstrues) et en oindre un sureau (fréquemment associé à la fécondité) en lui disant : " Porta tu pro me, ego floream per te" -toi, porte pour moi (des fruits, l'enfant), moi, je fleurirai pour toi (par les menstrues). Cependant c'est l'arbre qui fleurit et la femme qui accouche dans la douleur. Les règles, dans le même but, pourront être jetées au loin, données à manger à un porcelet, à un chien ou à un poisson. Symboliquement, il s'agit de détruire les fleurs pour ne pas porter le fruit.

Le troisième volet de la magie : celle qui tâche de se fondre à la médecine, prête ses grimoires aux grands noms de la science et mêle à ses charmes d'authentiques expériences physiques ou médicales. Certains font grand usage des ingrédients répugnants qui sont traditionnellement associés à ces mages en bonnet pointu et à ces sorcières à verrues. Pour ne pas concevoir pendant un an, on peut ainsi cracher trois fois dans la bouche d'une grenouille ou lier à une racine de marjolaine l'oeil d'un cerf qui louche et l'arroser, le soir venu, de l'urine d'un taureau roux. La plupart de ces recettes semblent originales, et certaines remontent aux médecins antiques, telle la dent d'un enfant que l'on recueille avant qu'elle ne tombe à terre.
Ces pratiques ressortissent bien évidemment à un " art occulte " et non à une superstition populaire. Certaines, cependant, ont connu un grand succès et se retrouvent à tous les niveaux culturels. Tel est le cas du testicule de belette, venu de la magie orientale à l'époque impériale, et que l'on rencontre dans des livres de médecine, dans des réceptaires plus populaires, et dont on suit les avatars dans le folklore du XVIe au XIXe. La recette, au départ, est imprégnée d'astrologie et de magie sympathique. Le testicule doit être coupé lorsque la lune est décroissante, il ne faut conserver que le gauche (le droit étant fécondant), laisser partir la belette vivante (pour qu'elle emporte la fécondité), lier l'organe dans une peau de mule (animal stérile) sur laquelle on aura écrit une formule magique. A l'arrivée, il ne reste plus que des testicules, sans distinction de côté, pendus au cou de la femme. Seule concession à l'origine magique : la belette laissée vivante.

Dernier stade de la magie contraceptive : celle qui est approuvée par la médecine officielle. Outre les talismans, dont le statut est ambigu, on y trouve une foule de pratiques héritées de l'antiquité, et que l'on qualifierait plus volontiers de " trucs " que de recettes. Ainsi, l'eau dans laquelle le forgeron trempe le fer porté au rouge constitue-t-elle, depuis Aetius (Ves PCN), une boisson contraceptive. Ainsi que le trognon de chou enflammé et éteint dans le sang menstruel, ou des graines de muscade plongées dans les menstrues, mais ensuite lavées et bues dans du vin. Les menstrues d'autres femmes, également, ont depuis l'Antiquité un pouvoir stérilisant, qu'il suffise de les enjamber ou qu'il faille s'en oindre.
Parmi les ingrédients contraceptifs utilisés par la magie médicale, une place importante doit être attribuée aux animaux stériles. Il peut s'agir de stérilité accidentelle (par exemple foetus fossilisé ) ou de stérilité naturelle comme chez les espèces hybrides (par exemple la mule). On faisait ainsi, avec une partie de leurs corps, des talismans. Le Moyen Age a fait confiance à ces pierres contraceptives.

La recherche de la bonne méthode

Quand l'acte sexuel contrarie la conception
1. Le coït inter-crural
Il passe pour une caractéristique de l'homosexualité. Ce concubinus masculinus suscite, depuis le haut Moyen Age, les foudres ecclésiastiques. Pourtant, avec les autres méthodes mécaniques de contraception, c'est un des moyens les plus simples et les plus sûrs d'éviter la grossesse.
2. Le coït interrompu
Il s'agit du plus vieux moyen mentionné et sans doute le plus répandu, dès que fut fait le lien etre l'acte sexuel et la conception . La pratique d'un coït non conventionnel a été une variante de l'abstinence, souvent tue, mais fréquemment pratiquée. Si l'on en croit Fernand Braudel, il fut à l'origine d'une réduction très significative de la taille des familles françaises dès le 18es.
3. Etreinte réservée
L'amplexus reservatus est au moins connu, sinon utilisé, au Moyen Age. L'étreinte réservée est un coït interrompu sans éjaculation, qui constitue la forme la plus raffinée de l'érotisme oriental et qui, en Occident, à longtemps été le pis-aller des familles chrétiennes malthusiennes.

Les comportements susceptibles de diminuer les risques de grossesse
1.L'allaitement tardif
La coutume de l'allaitement tardif avait certainement une autre explication : la fragilité du nourrisson l'exposait particulièrement aux intoxications alimentaires à une époque où la stérilisation est inconnue. L'alimentation naturelle était la seule protection efficace. La comparaison de la fécondité des femmes mettant leurs enfants en nourrice et de celle allaitant elles-mêmes a pu par la suite donner l'idée d'une pratique contraceptive.
2. Mouvements postcoïtaux
Il s'agit de nombreux procédés utilisés séparément ou conjointement, comme se lever immédiatement après l'acte, sauter, courir, descendre des escaliers, même parler ou tousser, pourrait suffire à expulser la semence. Parfois un aspect magique est associé au procédé mécanique : les sauts doivent par exemple aller par sept ou par neuf pour être efficaces.
Avant la découverte des spermatozoïdes au XVIIe siècle, on croyait effectivement que la totalité de l'éjaculat était nécessaire pour tomber enceinte. On sait aujourd'hui qu'un seul spermatozoïde, qu'aucun mouvement ne peut expulser lorsqu'il a pénétré dans l'utérus, suffit à la fécondation.
3. Hygiène postcoïtale
L'antiquité conseillait, pour éviter la grossesse, de se laver cuisses et pubis à l'eau froide, ou d'éponger le vagin. Cette hygiène élémentaire, mais dont les effets contraceptifs sont illusoires, débouchera au XVIIIe siècle sur la généralisation du bidet.
4. La continence périodique
Au Moyen Age on conseillait d'avoir des rapports dans la période la plus éloignée des règles (donc, en fait, la période d'ovulation!) pour qu'ils restent stériles. Ce n'est que sporadiquement au XIXe siècle, et surtout à partir d'Ogino, dans les années 1930, que l'on osera reaborder cette pratique.
La continence périodique fait cependant allusion à une autre réalité : les longues périodes de continence qu'impose le calendrier ecclésiastique ou les sanctions du confessionnal.
Qu'il s'agisse donc d'une limitation volontaire ou imposée des naissances, il semble que la continence périodique ait été inefficace jusqu'au XXe siècle.

La pharmacopée végétale ou animale
Il y a aussi les nombreuses substances d'origine animale ou minérale qui ont été invoquées pour interrompre, temporairement ou définitivement, la fécondité. Mais ce sont ici encore les remèdes d'origine végétale qui fournissent les fonds de la pharmacologie, avec une cinquantaine de substances administrées par voie orale (aliments ou breuvages) ou en topique (pessaires ou suppositoires imprégnés du produit, onctions, fumigations).
Si certaines herbes peuvent avoir une relative efficacité, c'est surtout du côté du symbolisme qu'il faut chercher l'origine de leur emploi (pouvoir symbolique de certaines plantes).
La contraception représente au Moyen Age un total de deux cent quarante recettes dont cent vingt cinq différentes.
Ainsi le manuscrit de Ebers (un papyrus médical rédigé vers 1550 avant notre ère) propose l'emploi de gomme d'acacia ou gomme arabique. Les physiologistes modernes ont montré qu'en fermentant, elle produit de l'acide lactique, inhibiteur de la migration des spermatozoïdes vers les trompes. Les Egyptiens avaient-ils raison ?

Les méthodes mécaniques
Il est clair que le stérilet n'existait pas encore comme tel au Moyen Age; il n'empêche que de nombreux objets ont été placés dans la matrice à cet effet, apparemment comme talisman, mais peut-être dans le même esprit que les stérilets actuels. Les nomades du désert saharien connaissaient en effet depuis longtemps l'action contraceptive d'un objet introduit dans la matrice des chamelles. Le stérilet, dans sa conception actuelle date de la fin du XIXes.
La conception d'obstacles physiques empêchant le cheminement du sperme vers l'utérus a offert à l'imagination des gynécologues d'innombrables alternatives. Soranos proposait l'emploi de pessaires reliés à l'extérieur par une fine cordelette, des tampons de charpie servant de préservatif mécanique pour la femme. Conscient des limites du dispositif, il envisageait de doubler la barrière physique d'un dispositif chimique mélangeant gomme, miel et céruse (du carbonate de plomb). Une variante consistait à utiliser des bouchons de laine imprégnés d'huile et de miel.
En Europe, le principe des " barrières " fut aussi employé. Les paysannes hongroises utilisaient des tampons constitués de cire d'abeille. Le diaphragme est proposé en 1891 par Wilhelm Mesinga et son usage se répand lors de la mise sur le marché des premiers spermicides. Longtemps il ne fut pas évident de s'en procurer. Ainsi avant la libéralisation de la publicité, des diaphragmes venaient d'Angleterre, transportés par le personnel de notre compagnie aérienne, jusque Bruxelles !
Les préservatifs dont l'usage fut longtemps contesté, constituèrent l'autre contraception locale. Leur qualité resta médiocre tant que la technique du caoutchouc ne s'améliora pas. C'est en boyaux d'animaux que les premiers préservatifs ont été confectionnés. Certes, Gabriele Fallopio (1523-1562) avait proposé l'emploi d'une pièce de lin dans le cadre de la prévention antisyphilitique, mais le condom semble bien être né au Royaume-Uni, et les controverses sur l'origine du mot et ses appellations successives permettent d'évaluer la fragilité de son essor.

La contraception n'entrera dans sa phase endocrinologique que lors de la découverte des hormones ou, du moins, du principe de leur sécrétion. La suite de l'histoire de la contraception est plus proche de nous et est donc, plus connue.
Par ailleurs, au-delà des inventions il fallait encore faire connaître, expliquer, prescrire. Ce fut le rôle notamment des centres de plannings familiaux, qui apparaissent en Belgique dans les années 60 et dont les premiers arrêtés permettant l'agréation et l'octroi de subventions datent de 1970.
En 1973, les débats sur l'avortement après l'arrestation de Willy Peers (voir page sur l'avortement) vont amener dans un premier temps l'abrogation de la loi de 1923 interdisant la publicité pour les contraceptifs.
En 1984, la Communauté française vote un décret "relatif à l'éducation sanitaire et à l'information de la jeunesse ainsi qu'à l'aide et à l'assistance aux familles dans les domaines relatifs à la contracpetion et à la parenté responsable. " On verra alors se mulitplier des grandes campagnes d'information, la distribution de livrets explicatifs, des spots didactiques ainsi que l'organisation de séances d'éducation sexuelle dans les établissements scolaires.

Conclusion
Certaines des méthodes citées peuvent paraître étonnantes ou faire rire car aujourd'hui il n'y a rien de plus facile que de se procurer un moyen contraceptif , mais ces femmes, ces familles ont bel et bien dû passer par ces méthodes pour essayer de contrôler le nombre de naissance.
La quantité de moyens utilisés, certains fort compliqués voire dangereux, montre d'autre part, l'importance du problème.
Que ce soit lors d'amours clandestines, précoces, interdites par la famille ou l'Eglise, ou encore dans le cas de familles où chaque enfant supplémentaire mettait en péril la survie de la fratrie, la limitations des naissances est apparue à un très grand nombre d'êtres humains comme une absolue nécessité.
Enfin, même si elle allait à l'encontre du commandement divin "croissez et multipliez-vous", elle constituait un pis-aller acceptable à l'avortement ou même l'infanticide.


Bibliographie
- Jean Claude Bologne, " La naissance interdite ", Olivier Orban, 1988, Paris
- Fernand Braudel, "l'identité de la France, les hommes et les choses", Arthaud-Flammarion, Paris, 1986
- François Lebrun, " Les débuts de la contraception ", Histoire, pp. 28-31
- Philippe Ariès, " le triomphe de la contraception ", les collections de l'histoire n°5, pages 78 ;79 ;80.
- www.medesite.fr/sexualité/contraception/index.html , François Chast, histoire de la contraception, 1997.

Illustrations: Pierre Kroll, dans "Contraception en question", Ministère de la Communauté française, Direction générale de la Santé, 1997


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