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L'apprenti chevalier d'hier et l'enfant-soldat d'aujourd'hui

 

Transposition pour le Web du travail de Laetitia Glaude

Au Myanmar (ancienne Birmanie), 50 000 enfants de moins de 18 ans prennent part à la guerre. La plupart (dont certains ont à peine 9 ans) ont été enlevés ou enrôlés de force. L'utilisation des enfants-soldats prolonge le conflit (qui dure depuis 40 ans), et plus le conflit dure, plus les soldats sont jeunes. Seulement au Myanmar ? Non, dans 50 nations (surtout en Afrique et en Asie), à l'heure actuelle, plus de 300 000 enfants de moins de 18 ans font la guerre. Est-ce un phénomène récent ? Bien sûr que non ! L'emploi des enfants dans la guerre n'est pas nouveau. Au Moyen Age déjà, des enfants combattaient, mais sous une forme totalement différente de celle d'aujourd'hui. Cependant, le danger pour les enfants était tout aussi présent. Dans ce travail, je vais tenter d'établir des comparaisons entre les enfants-soldats actuels et les enfants destinés à la chevalerie au Moyen Age.

Au Moyen Age

Au Moyen Age, quand un seigneur mourait, c'était son fils aîné qui avait tous ses biens (pour que le fief ne soit pas divisé et donc garde sa puissance). Que devenaient les cadets ? Ils n'avaient pas souvent envie de vivre en sujets sur la terre de l'aîné ni , pas forcément, d'entrer dans la carrière ecclésiastique. Ils partaient alors chercher l'aventure ou devenaient soldats au service d'un autre seigneur.
Au départ, ces cadets volaient les paysans, les violaient et détruisaient leurs récoltes. Ils ne respectaient pas la loi et avaient la renommée du courage, de l'ardeur virile, de la joie de combattre et de se livrer aux plaisirs du corps. Ils s'opposaient donc aussi au clergé. L'Eglise commença alors à s'inquiéter du comportement de ces soldats et tenta de canaliser leur énergie combattante et leur goût de conquête. Elle leur propose d'autres ennemis (les Musulmans d'Espagne, les hérétiques albigeois) ou les envoie en croisades. L'Eglise fonde la chevalerie et donne un sens chrétien, des valeurs spirituelles, à ce nouvel ordre dès lors chargé de la protection des faibles et de la religion.

Comment devenait-on chevalier, et qui pouvait le devenir ?

En théorie, tous pouvaient devenir chevaliers, mais en général, ce sont les fils d'origine noble qui le deviennent. Car il fallait payer un cheval, une épée, une armure,
A l'âge de 7-8 ans, l'enfant destiné à devenir chevalier est placé comme page au service d'un seigneur, qui sera son parrain (c'est souvent un oncle ou un ami). Il apprend alors à soigner les chevaux, à s'occuper des armes, et suit un enseignement militaire.
De 12 à 14 ans, il a la possibilité de devenir écuyer et est alors rattaché à un chevalier particulier, qui prend son éducation en charge. L'enfant apprend à monter à cheval et à se battre en selle, à terre, et à manier toutes sortes d'armes. Il lutte, chasse, nage, Le seigneur qu'il doit servir va lui confier de plus en plus de responsabilités et va lui permettre de le suivre à la guerre.
A partir de 17 ans, l'écuyer peut être adoubé, mais le plus souvent, l'adoubement se fait à 21 ans, quand il a atteint l' " âge d'homme".

Les enfants avaient donc une éducation sévère et longue, aussi bien physique et morale qu'intellectuelle : ils doivent apprendre les règles nobles de la chevalerie, ils doivent être fidèles à leur seigneur, ne pas discuter ses ordres et montrer leur courage et leur bravoure. Ils apprennent la lecture, l'écriture et les mathématiques et parfois aussi le luth ou le rebec pour devenir des hôtes agréables (ils devront en effet aller de château en château).
Comme valeurs, on leur enseigne la justice, la protection et la défense des faibles (" la veuve et l'orphelin "), la générosité, la protection de l'Eglise. Il y a, de plus, des vertus majeures à respecter : la prouesse (la vaillance et la loyauté) qui s'apprend par le tournoi (= simulacre de combat), la largesse (mépris du profit) et la courtoisie.

Lorsqu'il est adoubé (l'adoubement faisait l'objet d'une cérémonie solennelle avec de nombreux rites), on l'appelle un " jeune ". Il a reçu les armes, il est chevalier, mais n'a pas encore terminé son apprentissage. Il est " jeune " jusqu'à son mariage.

Que fait le jeune après son adoubement ?

Il s'intègre dans une bande de jeunes et forts chevaliers (souvent constituée de jeunes qui ont été adoubés le même jour). Cette bande est menée le plus fréquemment par un jeune lui-même, un aîné. A la fin du XIIème siècle, il était dans les convenances que les pères les plus fortunés et les plus soucieux de la gloire de leur maison donnent à leur fils aîné de quoi conduire un groupe de jeunes pendant 1 an ou 2 après la cérémonie de l'adoubement. Après, le jeune revient à la maison paternelle mais s'ennuie. Il s'ensuit parfois un affrontement avec le père. L'héritier finit presque toujours par reprendre la route (ce qui semble normal) en quête amoureuse (la jeunesse dure jusqu'au mariage). Souvent, les aînés restent plus longtemps jeunes que les autres, car du mariage dépendait l'avenir de la maison (puisque l'aîné avait tout l'héritage). Le père se montrait donc fort prudent envers le mariage de son aîné.

La bande de jeunes

L'errance des jeunes dans ces compagnies est la période où ceux-ci sont les plus agressifs et violents. Ils sont à l'affût de toute aventure d'où ils pourraient retirer honneur, et, si possible, richesse. Les bandes de jeunes sont toujours mobiles et prêtes au départ et alimentent ainsi l'agitation guerrière. La " jeunesse " constitue, dans la société chevaleresque, l'élément principal d'agression et de tumulte. Mais elle s'ouvre par là aux dangers. Beaucoup de jeunes meurent violemment, suite à un accident à la chasse ou dans les exercices d'armes, mais le plus souvent, ce sont dans les affrontements militaires qu'ils trouvent la mort(Peut-on faire un rapprochement avec les gangs d'aujourd'hui ? voir aussi)
L'aristocratie a donc une vocation militaire, qui est stimulée biologiquement. Les familles des jeunes contribuent beaucoup à aiguiser l'avidité de ceux-ci et à les jeter dans l'aventure et la turbulence.
Tout au long de leur errance, les jeunes sont animés par le mariage. L'espoir du mariage commande tout le comportement du jeune, l'incite à briller au combat, à faire des parades sportives, Le mariage est en quelque sorte le but du jeune lors de son errance avec sa bande.

Actuellement

Comment les enfants deviennent-ils soldats, et quels sont les groupes à risques ?

Alors qu'au Moyen Age, seuls (ou presque) les fils de nobles devenaient chevaliers, actuellement, on peut assister à un retournement de la situation.
La majorité des enfants-soldats sont des enfants de la rue, des orphelins, des réfugiés mineurs non accompagnés, des enfants exécutant des tâches agricoles dans les zones de conflits, des étrangers. Les racoleurs commencent par enlever ceux qui n'ont pas de famille, pas de document d'identité et pas d'éducation. Certains enfants cherchent d'eux-mêmes à faire partie de forces militaires. Certains s'engagent sous la pression sociale ou par les exigences de la loi nationale. D'autres tiennent à se venger du meurtre de leurs parents ou de leurs amis, d'autres espèrent des avantages économiques ou financiers (mais ce n'est qu'illusion : les jeunes recrues sont sous-payées ou pas payées du tout). D'autres encore se portent volontaires dans une euphorie patriotique, parce que la vie militaire leur paraît attrayante en raison de ses symboles de pouvoir (armes) et de prestige (uniformes et insignes). Contrairement au Moyen Age, ce n'est pas la famille qui incite les enfants à se lancer dans l'aventure et dans le combat.

L'apprentissage de la guerre est lui aussi très différent de celui qu'avaient les enfants au Moyen Age.
Tout d'abord, l'apprentissage ne dure pas longtemps, mais on peut remarquer néanmoins des stades, tout comme au M-A : Les enfants-soldats commencent souvent par avoir un rôle d'aide dans le transport du matériel, des munitions ou des blessés. Ils pillent aussi de la nourriture, font des tours de gardes et servent de messagers ou d'espions (ce qui est très risqué, car ceux qui sont pris par l'ennemi sont la plupart du temps exécutés sur-le-champ). Ensuite, tôt ou tard, ils finissent tous par combattre et par exécuter des tâches militaires régulières. Les adolescents sont aussi recrutés pour les missions suicide, car ils ont moins le sens du danger et n'ont bien souvent pas assez connu la vie pour craindre la mort. Certains sont aussi drogués.


 

 

Quand, de ce petit terrorisé, on arrive à faire

 cette machine à tuer

Le développement des technologies a facilité le phénomène des enfants-soldats. Les armes sont légères, faciles à transporter et à cacher. Elles ne demandent qu'une simple formation au départ et pas nécessairement une grande force physique (les chevaliers, eux, devaient avoir tout un long entraînement spécialement pour le maniement des armes) et peu d'entretien.
Le traitement des filles est à peu près le même que celui des garçons, mais elles servent aussi en plus d'esclaves sexuelles ou de servantes de chefs de guerre. (Au Moyen Age, seuls les garçons devenaient chevaliers).
L'entraînement des enfants-soldats ne diffère pas de celui des recrues adultes. Ils souffrent pareillement, mais parfois, on s'acharne plus sur les enfants pour les endurcir à la bataille et aux atrocités. Ils sont aussi souvent moins bien soignés, car ils occupent le rang inférieur, et ils sont trop jeunes pour se soigner eux-mêmes.
Les enfants plus faibles qui ne supportent pas l'entraînement ou qui tentent de s'échapper sont abattues. (Aux Philippines, cependant, les rebelles prennent soin des enfants et leur donnent du temps pour le jeu et l'éducation). Les enfants doivent parfois accomplir des rites d'initiation, qui consistent par exemple à tuer leurs parents ou leurs proches. Cela les coupe donc entièrement de leur famille et de la vie qu'il menait avant de s'enrôler ou d'être enrôlé.
Contrairement aux écuyers, les enfants-soldats actuels ne reçoivent aucune éducation intellectuelle (hormis aux Philippines) : la majorité ne savent ni lire ni écrire et sont peu socialisés.

J'ai pu encore relever d'autres points pour alimenter mon parallèle : Au Moyen Age, les chevaliers étaient reconnus et légalisés par l'Eglise. Les âges pour les différents stades étaient assez bien respectés. Actuellement, le recrutement des enfants-soldats viole l'esprit de la Convention des Droits de l'Enfant signée par 190 Etats, et en particulier l'article qui fixe à 15 ans l'âge minimum pour le recrutement et qui essaye de le fixer à 18 ans. Or, la plupart des enfants-soldats ont moins de 15 ans. D'autres articles ne sont pas respectés : la non-procuration des soins de santé auxquels ils ont droit, la négation du droit à l'éducation, au repos, à la culture, la séparation forcée des enfants de leurs parents, L'utilisation des enfants-soldats est aussi une violation de toute une série d'autres déclarations et conventions (Convention de Genève de 1949 sur la sécurité des civils durant la guerre, Déclaration Universelle des Droits Humains,).
Au M-A, les écuyers devaient fidélité à leur seigneur, ne devaient pas discuter leurs ordres et montrer leur courage et leur bravoure. Actuellement, les enfants-soldats doivent aussi être fidèles à leur chef et ne pas discuter leurs ordres (sous peine d'être tués). Ils doivent aussi faire preuve de courage. Mais les valeurs sont totalement différentes. Les enfants-soldats ont pour mission principale de tuer, et on est loin des valeurs de protection de la veuve et de l'orphelin, de justice et de courtoisie ! Les valeurs - quand il y en a - sont le patriotisme, l'héroïsme ou parfois aussi des valeurs spirituelles (sacrifices pour aller au paradis) mais on doit aussi ajouter la vengeance et l'utilisation simple de l'agressivité naturelle.

Le phénomène des enfants-soldats est donc un phénomène qui ne date pas d'aujourd'hui et qui risque de durer encore longtemps. Des associations (comme l'UNICEF par exemple) essayent de contrer celui-ci, mais le problème est loin d'être résolu. Néanmoins, on peut remarquer la sensibilisation grandissante de l'opinion publique et espérer des améliorations par diverses actions menées par ces organismes.

Bibliographie

Sites
- www.demobilization.org/fr/principes-acceuil.htm
- www.hrw/org/french/press/2001/enfants1113.htm
- www.ulaval.ca/iqhei/bull42.pdf
- http://www.fraternet.com/societ26.htm
- http://www.studio-internet.com/la_pinede/lavieaumoyenage/
- http://lorl.free.fr/chevalerie.htm
- http://avalon.chez.tiscali.fr/moyen/chevalerie.htm
- http://cyberechos.creteil.iufm.fr/cyber6/histoire/chevalerie/chevaliers.htm
- http://www.2.ac-lille.fr/gouzeaucourt/nouvellepage3.htm
- http://sir-gauvin.com/chevaleries.html
- http://perso.club-internet.fr/vanaelst/1ecol/ecole15.htm
- http://www.sedos.org/french/blume.htm
- http://www.un.org/french/Depts/dda/CAB/smallarms/sheets.htm
Livres
-Georges DUBY, la Féodalité, Editions Gallimard, Manchecourt, 1996
- Michel PIERRE, Moyen Age, éditions Hachette, Paris, 1996.
- " Chevalerie " in Encyclopaedia Universalis, volume 5, France S.A., Paris, 1990
- " La Chevalerie " in tout l'univers, volume 1, éditions Hachette, Le Livre de Paris, 1975
Articles
- Michel TORREKENS, La guerre n'est pas un jeu d'enfants, dans " Le Petit Ligueur ", n°24, 14 juin 2000, p.18
- Ils ne connaissent point le chemin de la paix, dans une brochure de " Le Monde à Venir ", U.S.A. (date inconnue) Illustrations
M.Meuleau et alii, Rome et le moyen âge jusqu'en 1328, Bordas, Paris, 1968, cérémonie d'adoubement, p. 183
"Le Monde à venir", op. cit, recrue en Angola s'entraînant avec un fusil en bois
Actualité des religions, Dossier "l'enfant brisé", n° 30, septembre 2001, cliché de la page 24


 

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