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Transposition pour le Web du travail d'Aurore Melotte
1. Introduction
La médecine, comme
toutes les disciplines scientifiques, a évolué à
travers les siècles. Elle a maintenant atteint un niveau
assez perfectionné. Mais comment cela se passait-il il
y a un peu plus de 100 ans?
Les médecins de campagnes étaient connus de tous
les habitants du village dans lequel ils pratiquaient. Quand ils
s'installaient et qu'ils n'étaient pas de la région,
le plus difficile pour eux était de se faire accepter.
Pour ce faire, ils essayaient de respecter les coutumes du village
et d'y participer, de parler le dialecte des habitants et d'être
proches des gens.
Dans les campagnes, ils étaient confrontés à
un autre problème. Les paysans rejetaient les médecins
et refusaient parfois de les appeler. Ils étaient encore
ancrés dans une société très religieuse
et un peu "magique". Ils préfèraient souvent
recourir au sorcier du coin avant le médecin. De plus un
médecin devait être payé et espérait
l'être en pièces d'argent, même s'il devait
souvent se contenter d'un poulet, de fruits ou d'oeufs...
2. La médecine en milieu rural au 19ème siècle en France
La deuxième partie
du 19ème siècle est une période de grands
progrès pour la médecine avec la découverte
de sérums, de vaccins, de la chirurgie et de l'obstétrique,
grâce à l'anesthésie et à l'asepsie.
Bien sûr, toutes ces découvertes sont minimes à
côté des antibiotiques qui n'arriveront qu'un siècle
plus tard.
Mais ces progrès ne parviendront que tradivement dans les
campagnes et seront appliqués de manière variable,
suivant la formation et l'ouverture scientifique du praticien.
Il est important de
marquer la différence entre l'officier de santé
et le docteur.
Le docteur exerce dans les villes et a une formation poussée(cinq
examens plus une thèse), alors que l'officier de santé
a une formation moins poussée(trois examens) et exerce
essentiellement dans les campagnes.
L'officier de santé doit en principe recourir au docteur
dans les cas graves mais cela n'est pas toujours possible. En
effet, les distances sont parfois longues entre le village et
la ville la plus proche.
Le médecin de campagne
exerce, la plupart du temps, jusqu'à sa mort(sauf circonstances
particulières comme la maladie).
Il existe des dynasties médicales, des lignées de
médecin et même des réseaux familiaux avec
les gendres et les neveux. En effet, l'origine des vocations vient
parfois des ascendants.
Dans ce cas, l'apprentissage pratique peut se faire par un père,
un grand-père, un oncle ou un futur beau-père.
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Le métier est ingrat
mais les médecins abandonnant leur profession sont rares.
Pourtant, la maladie gagne souvent. Il s'agit d'une lutte inégale
où le médecin se sait vaincu d'avance. Certains
s'étonnent d'ailleurs de la persistance des vocations.
Il y a une soumission à un destin que le médecin
trouve insensé de prétendre maîtriser.
Pour échapper à tout cela, certains s'adonnent parfois
à la boisson.
De plus, ils sont appelés à toute heure de la nuit
et du jour. Les campagnes ne sont pas très sûres
à cette époque. Et donc, en essayant de sauver des
vies, ils risquent la leur.
L'exercice de la médecine
n'apporte aucune aisance, aucune situation matérielle extraordinaire.
Que l'on en juge par ces quelques données sur l'aspect
financier de la relation entre le médecin et le paysan:
Un ouvrier gagne environ 1 franc par jours et un fonctionnaire
4 francs.
Pour payer l'officier de santé, il faut 0,40 franc et pour
payer le docteur, il faut 2 à 5 francs. A cela s'ajoutent
les frais de déplacement(1 à 1,5 franc par lieue).
Mais ce n'est pas encore tout, il y a les médicaments qu'il
faut payer. Bref, une personne malade dans la famille conduit
vite à un désastre.
Ce n'est qu'à partir de 1893 que l'assistance médicale
deviendra gratuite à certaines conditions. En 1898, l'accident
de travail sera aussi pris en compte et les frais occasionnés
par celui-ci seront remboursés. Au départ, cette
règle exclut les travailleurs agricoles et engendre donc
des inégalités.
Les principaux clients
des médecins de campagnes devraient normalement être
les paysans.
Mais ceux-ci sont laborieux, ils travaillent jour et nuit, n'ont
pas de repos dominical ni de vacances.
Ils continuent même s'ils sont malades, surtout durant les
périodes de moisson, car la nature n'attend et ils ont
une grande résistance à la douleur.
Pourtant, l'alcool journalier, le manque d'hygiène (par
exemple le fumier près des portes) et la proximité
des gens et des animaux entraînent plus vite la maladie.
Pour améliorer l'hygiène il faut améliorer
l'économie. Il ne va y avoir de changement qu'à
partir de 1870.
Par ailleurs, les paysans,
comme je l'ai signalé plus haut, rejettent souvent la médecine.
Pour eux, les médecins vivent du malheur des gens.
Il y a une lenteur dans l'application des soins car les gens recourent
d'abord au "sorcier". Celui-ci inspire confiance et
coûte moins cher. Quand on se décide enfin à
recourir au médecin, il est trop tard et le malade meurt
souvent.
C'est le triomphe du sorcier car bien souvent, le médecin
ne sait finalement rien faire de plus que lui.
Heureusement les malades étaient moins exigeants à
l'époque. Les moyens de guérison étaient
limités et les accidents étaient admissibles (ce
qui est bien différent de la tendance actuelle qui est
d'intenter des procès pour erreurs médicales).
Le malade ne doute pas de sa fragilité et la mort ne l'étonne
pas, ce qui ne veut pas dire qu'il n'en a pas peur. D'ailleurs
la mort vient aussi des accidents fréquents, des conséquences
de bagarres, de mauvais traitements... Elle est donc très
présente. Le médecin est là pour adoucir
la souffrance, assister moralement, sauver ce qui peut l'être.
On n'attend pas(encore) de lui des miracles.
3. Le home Sainte Elizabeth de Waimes
En milieu rural, à côté du travail du médecin, il se crée dans les gros bourgs des institutions de soins, souvent grâce à la charité individuelle. C'est par eux que les progrès scientifiques vont arriver dans les campagnes.
Marie
et Elizabeth Lamby ,
deux femmes célibataires et propriétaires d'un bâtiment
à Waimes avaient exprimé le voeu de léguer
celui-ci à une oeuvre de bienfaisance. Elles firent part
de leur intention au curé de Waimes (d'abord Henri Robert,
mort en 1921 ,puis François Toussaint).
A leur mort(Marie en 1925 et sa sur en 1932),"les oeuvres
d'action catholique dans le doyenné de Malmedy", dont
le curé Toussaint était le fondateur, recueillit
les legs des deux soeurs.
L'objectif était
de créer un centre hospitalier. Ce sont les soeurs de Saint
Augustin de Cologne qui acceptèrent de prendre le home
en charge. Elles arrivèrent à Waimes dès
1934.
Une nouvelle aile fut alors construite. Elle abritait une chapelle
et une école gardienne.
Durant la période nazie, l'école fut supprimée
et remplacée par une colonie de vacances pour des enfants
de Cologne. Cette colonie quitta Waimes en septembre 1944, à
la veille de la libération.
Dès la fin de la
bataille des Ardennes, le home accueille des malades de toutes
catégories et se transforme en clinique. C'est le docteur
Toussaint qui y exerce.
Une salle d'opération fut installée et on acheta
du matériel de chirurgie et de radiographie.
Le personnel se composait de six religieuses.
De nombreux malades de Waimes y furent hospitalisés.
En 1958, le Ministère
de la Santé et de la Famille supprima la clinique car un
nouvel hôpital allait voir le jour à Malmedy, ville
toute proche. Le home fut alors transformé en maternité
moderne. Il reçut sa bénédiction en 1959
et acquit le nom de Sainte Elizabeth.
La maternité ferma ses portes en avril 1975 à cause
du coût de plus en plus élevé des investissements
en matière médicale.
En 1986, le home fut repris par le C.P.A.S.. Aujourd'hui, il se
consacre essentiellement à l'accueil de personnes du troisième
âge.
4. Conclusion
Les hôpitaux sont
des structures essentielles dans nos sociétés.
Tout est aujourd'hui fait pour que l'ensemble de la population
ait droit aux soins nécessaires. Mais les progrès
supposent l'utilisation d'un matériel sophistiqué,
cher, lourd à acheter et à amortir. Ce qui amène
des institutions plus modestes à fermer leurs portes, comme
ce fut le cas du home sainte Elisabeth qui ne survécut
qu'en changeant de public.
Pourtant, il ne faut cependant
pas oublier les personnes qui sont, aujourd'hui encore, exclues
du système de santé, soit qu'elles ne remplissent
pas les conditions, soit qu'ellesq vivent dans des pays où
la Sécurité Sociale ne peut être organisée
de manière efficace.
Beaucoup de progrès ont déjà été
fait à ce sujet mais je crois qu'il reste encore un long
chemin à parcourir.
5. Bibliographie
- Docteur Germain Galérant,
Médecine de campagne: De la révolution à
la Belle Epoque, Librairie Plon, Paris, 1988, pp 29 à
84 et pp. 245 à 255.
- Jacques Léonard, La vie quotidienne du médecin
de province au XIXème siècle, Hachette, 1977,
pp. 13 à 18, pp. 35 à 46 et pp. 190 à 216.
- Vuadeninnas-Waimes 888-1988, Françoise Fagnoul et alii,
A.S.B.L. 110ème Anniversaire de Waimes, Waimes, 1988, pp.173-174.
- Feuillet sur la journée porte ouverte du home Sainte
Elizabeth, 1994.