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L'évolution des croyances sur les causes de la peste

Page Web réalisée à partir du travail de Sophie Legrand

1. La peste noire au Moyen Age

Des textes écrit au Moyen Age concernant la peste noire, font apparaître d'abord que, pour les contemporains, l'épidémie, comme les autres accidents cosmiques inexplicables - les éclipses, le dérèglement des planètes ou les inondations - étaient des signes de la colère divine. En effet, devant les mortalités dont on ignorait les causes et les remèdes, les hommes virent dans cette hécatombe la (juste) punition d'une humanité pécheresse.
Dès lors, la meilleure thérapeutique résidait dans des rites liturgiques, des cérémonies expiatoires et les macérations d'une pénitence collective, parmi lesquelles les processions de flagellants.
Ils montrent aussi que le mal était étroitement lié à la disette et se développait dans une population que venait d'affaiblir une pénurie alimentaire exceptionnelle.
Sous un regard plus scientifique, les médecins de l'époque attribuèrent généralement l'origine à la " corruption " de l'air, provoquée par la conjonction de certaines planètes.

2. 1347 : La grande peste attaque l'Europe

Voici le récit habituel de l'arrivée de la peste.
Au milieu de l'année 1347, des marins Génois, qui pour leur commerce se trouvaient en Crimée, furent aux prises avec les Tartares. Les Italiens qui avaient prié pour que le Ciel les délivre des assaillants, crurent au miracle quand ils virent les Mongols lever le siège. Mais avant de disparaître, les barbares jetèrent par dessus les murailles des corps de guerriers morts dont l'aspect était repoussant et l'odeur épouvantable : des pestiférés.
Les Génois reprirent leurs bâteaux à destination de leur ville d'origine, ignorant qu'ils emmenaient avec eux les germes du fléau le plus assassin que l'humanité devait connaître.
Ils firent relâche à Constantinople, la ville fut aussitôt infestée. En automne ce fut le tour de la Sicile. Les navires furent refoulés à Gênes où leur réputation maudite les avait précédés. Pour la Toussaint, ils jetèrent l'ancre à Marseille. En quelques semaines, la ville fut anéantie et la peste avait pris pied sur le continent. Par bateau, elle gagna Bordeaux et la Rochelle, l'Angleterre, les ports du Nord de l'Europe et en 3 ans, quasi tout le continent se trouva contaminé.
La société fut totalement désorganisée car les gens qui le pouvaient fuyaient les villes, emmenant parfois la maladie avec eux.
devant le caractère foudroyant de la maladie, le Pape déclara que l'on pouvait mourir sans l'absolution et ne pas être damné.

La terreur devant la maladie conduisit à massacrer les juifs, qui furent accusés d'avoir empoisonné les puits et les fontaines. " En ce temps furent généralement par tout le monde pris et brûlés les juifs, leurs avoirs confisqués, excepté en Avignon, en terre d'église " (Froissart)". La peste favorisa l'explosion d'un antisémitisme latent, où les antagonismes religieux étaient avivés par les intérêts économiques. Peu à peu se répandit même l'idée fausse que les juifs avaient été moins atteints par l'épidémie que les chrétiens.
Ainsi à Chinon, des Juifs furent jetés dans la Vienne.

Le recours à l'intercession des Saints se généralise : " Saint Sébastien, Saint protecteur, Saint Roch, qu'on représentera montrant son bubon, Saint guérisseur ". Le culte du Purgatoire - étape intermédiaire entre le Ciel et l'Enfer, permettant de se laver de ses péchés, connaît un prodigieux développement dans les régions méridionales.

En 1348 apparaissent les pénitences publiques, les gens se battaient de lanières à aiguillons de fer. Ils se déchiraient le dos et les épaules en chantant des chansons bien pitoyables sur la Nativité et la Passion. On espérait que cela servirait à refréner la colère du Seigneur et à casser ses verges.

La famine des années précédentes a aggravé la mortalité car la peste a touché une population affaiblie.
En conclusion de cette effroyable période, près du tiers de la population européenne n'aurait pas survécu à cette épidémie.

3. les causes invoquées alors

Comme déjà auparavant (voir plus haut) on rattacha souvent la peste à des forces surnaturelles : c'était la manifestation de la colère divine, marquée par les signes prémonitoires dans les astres.
La peste de 1665 s'annonce ainsi par le passage de la Comète. Les premières mesures consistent donc à apaiser l'irritation divine : pénitences, processions, offices, prières.
Outre la colère de Dieu, d'autres causes étaient invoquées. On croit au rôle des sorciers, au complot des riches, des étrangers, des hérétiques.
Les boucs émissaires les plus fréquents sont les Juifs accusés d'empoisonner l'eau, ce qui était justifié par le fait qu'ils habitaient parfois à l'égard de la communauté et qu'ainsi ils s'approvisionnaient en eau à d'autres sources. En même temps que l'épidémie naissent donc la suspicion et la peur, qui flambent en haine de classes ou de races.
De manière plus "scientifique", les médecins attribuaient la peste à une corruption de l'air, chaud et humide, provoquée par la conjonction de certaines planètes. Pour se préserver, ils étaient donc muni d'un masque avec un long bec pointu dans lequel ils respiraient des fumigations sensées tuer les miasmes.

Au mois de mai 1720, un bateau venu d'orient " le Grand Saint Antoine " arrive à Marseille avec des marchandises infectées.
Marseille a perdu la moitié de sa population. Par contre Rougiers n'a connu aucun cas de peste. Les croyants sont persuadés que Saint Roch et Saint Sébastien ont protégé le village. Le lien avec la croya nce paraît donc encore important.

Jusqu'au XIXes, si la science commença à entrevoir le rôle de ces minuscules organismes que sont les microbes, elle ne put expliquer ni l'origine ni le phénomène de contagion de la peste. Il fallut attendre l'extrême fin du siècle pour que la recherche fasse un bond important.

4. Alexandre Yersin

Alexandre Yersin (1863-1943), chercheur suisse, fut le premier à isoler le bacille en 1894 et soupçonna les rats de jouer un rôle dans sa propagation, car selon de veilles légendes chinoises ou hindoues, il était dit que lors des épidémies de peste, les rats morts étaient trouvés en grande quantité. De fait on retrouva du bacille pesteux chez les rats crevés.

Le cycle de la peste fut découvert en 1925. Le foyer se situe en Asie Centrale où vit un rongeur sauvage, le tabargan qui est infesté en permanence par le bacille de Yersin.
Toucher un tabargan mort, entraînait la mort. Les tarbargans fuient les steppes vers les villages, en quête de nourriture. Les puces de tabargans morts se transmettent aux rats, et les puces de rats quittant les bêtes mortes s'attaquent à l'homme.

La puce est donc le vecteur. Elle mesure de 1 à 10 mm et saute 100 fois sa hauteur.

Parmi les hôtes de l'infection, il faut distinguer, après le rat, initialement incriminé comme seul réservoir et seul propagateur de la peste
- les rongeurs domestiques, dont le type est le rat noir, qui vit au contact de l'homme, dans les maisons et dans les navires, disséminant ainsi l'infection de continent à continent ;
- les rongeurs commensaux de l'homme, qui pénètrent sans y gîter dans les maisons et dont le type est le rat gris
- les rongeurs champêtres, sans contact avec l'homme, mais en contact avec les espèces précédentes commensales ou domestiques ;
- les rongeurs sauvages, dont les espèces varient selon les régions : tabargan, spermophile, mérion qui assurent d'une part la transmission du germe aux espèces commensales, d'autre part la persistance de l'infection dans la nature.

Aujourd'hui l'existence d'antibiotiques efficaces rend le développement épidémique de la maladie peu probable.

En ce qui concerne les liens entre la grande peste et les rats, aujourd'hui remis an cause par certains, voir http://permanent.sciencesetavenir.com/sci_20020412.OBS4792.html

5. Bibliographie
Encyclopédie universalis sur CD-ROM de 1998.
http://www.igrimm org/Rougiers/PESTE.htm
Encyclopédie encarta sur CD-ROM de 1998.
http://www.histoire.medecine.com/peste.htm
Albert Camus, la peste, Folio, Paris, 2001

Illustrations
Toutes deux proviennent du livre les grands bouleversements mondiaux, éditions Christophe Colomb, Brepols, 1984, chapitre sur "épidémies et fléaux"
La première reprèsente une procession de flagellants, d'après une miniature de 1349
La seconde, un détail du fameux masque, rempli d'herbes médicinales, avec lequel se protégeaient les praticiens d'Europe.

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