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Transposition pour le Web du travail de Pascal Burquel
Introduction
Malgré son
abolition officielle au 19° siècle, des études
récentes montrent que l'esclavage subsiste encore sous
diverses formes : selon la confédération des archevêques
brésiliens, il existait en 1992 environ 60 000 esclaves,
"au service" de la modernisation et du développement
de ce grand pays.
Les origines de
l'esclavage au Brésil
Le Brésil a
été découvert en 1500 par le Portugais Pedro
Alvarez Cabral. Il fut rapidement envahi par les Portugais. Malgré
la loi qui était censée les protéger, les
Indiens vaincus furent réduits à la condition d'esclaves
dans de grandes exploitations sucrières où ils ne
s'adaptèrent pas au travail sédentaire : ils ne
songeaient qu'à fuir pour revenir attaquer les maîtres
qui les avaient maltraîtés ou ils préféraient
tout simplement mourir au travail. Pour développer le Brésil
et pour suppléer le manque de capital humain les Portugais
doivent alors importer massivement des noirs achetés sur
les côtes d'Afrique. La traite des noirs devient systématique
à partir de 1550, stimulée pour d'évidentes
raisons politiques et économique par l'Etat Portugais et
l'Eglise catholique.
Au total entre le 16° siècle et 1850, date de l'abolition
officielle du trafic, trois millions et demi d'esclaves sont transplantés
d'Afrique au Brésil. Ce chiffre représente 30% du
nombre d'esclaves vendus dans toutes les colonies d'Amérique.
Ce qui explique qu'aujourd'hui le Brésil a la deuxième
plus grande population noire du monde derrière le Nigeria.
.
Les familles africaines étaient entassées dans des
"croque morts", des caravelles contenant jusqu'à
cinq cent esclaves. La traversée durait de quatre à
six semaines dans des conditions effrayantes : beaucoup mouraient
à bord, presque tous étaient malades. A l'arrivée,
les négriers les livraient à des commerçants
qui soignaient leur "marchandise" avant de la revendre
à des grands propriétaires.
Ceux-ci s'aperçurent vite que, quand ils abusaient de l'énergie
africaine qui était à leur service, les esclaves
avaient un rendement moindre que quand ils étaient "bien
conservés". Ils décidèrent de leur accorder
quelques droits (d'avoir un jour de repos, de créer des
corporations, de posséder et de cultiver leur propre lopin
de terre, d'acheter leur libération, de recevoir une nourriture
de qualité et suffisante,) pour les maintenir en bonne
santé, dans le but d'assurer leur efficacité au
travail.
Fonctionnement du
système
Aux 16° et 17°
siècles, l'exploitation tournait avec une plus ou moins
grande intensité autour de la canne à sucre. Le
point d'appui économique de l'aristocratie se déplaça
de la canne à sucre à l'or puis vers le café,
mais le même instrument d'exploitation se maintint à
savoir : le bras esclave.
Diverses vagues d'Africains se succédèrent au Brésil.
Au 16° siècle, après les Guinéens, les
Portugais préférèrent les Soudanais d'Afrique
occidentale, grands et éleveurs ce qui leurs permit de
travailler dans les plantations de canne à sucre, mais
ils étaient aussi assez rebelles. Puis au 17° siècle,
avec l'expansion des mines d'or, ils se tournèrent vers
l'Afrique Centrale et équatoriale, et importèrent
des Bantous, plus petits que leurs prédécesseurs,
animistes et sédentaires, donc plus soumis. Au 18°
siècle, ce fut le tour des Minas d'Afrique Occidentale.
Au 19° siècle c'est sur le système esclavagiste
que reposait toujours l'économie brésilienne. Au
Brésil colonial, les Portugais et leurs descendants considéraient
le travail manuel comme infamant. C'est pourquoi les Blancs conservaient
dans leurs grandes propriétés leur main-d'oeuvre,
leur vie était quasi féodale.
Dans les propriétés, les esclaves se partagaient
en deux groupes : ceux qui assurent les gros travaux (plantation,
élevage, mines,..) sous la vigilance du contremaître
et ceux qui servent à l'intérieur de la maison du
maître.
En ville il existait une catégorie d'esclaves assez particulière
: les esclaves de rente. Ils étaient porteurs, marchands
ambulants, artisans,Ils étaient payés
pour les services rendus et, chaque semaine donnaient à
leur maître une somme convenue tout en gardant l'excédent.
Ils vivaient dans la rue, relativement libres de leurs mouvements,
et se sentaient souvent plus heureux que les esclaves des plantations
et des mines.
Le trafic d'esclave n'est
officiellement aboli qu'en 1850, car même si l'institution
commençait à être remise en question dès
le début du 19° siècle, l'expansion de la culture
de café la renforçait, les planteurs ayant trop
besoin de bras. Des mesures sont progressivement prises : tout
d'abord, la loi décrète que les enfants d'esclaves
naissent libres, puis vient la loi du 13 mai 1888, la princesse
impériale Dona Isabel, régente, proclame la loi
de l'abolition définitive de l'esclavage (la "loi
dorée").
L'exploitation
de l'homme par l'homme au 20e siècle
Un siècle plus
tard, on observe que l'esclavage existe encore sous d'autres formes;
ce ne sont plus les noirs qui sont exploités mais des petits
paysans pauvres ou sans terre et des travailleurs mal payés.
Les mécanismes de cet esclavage moderne reposent sur de
nombreux facteurs : pauvreté massive, inégale répartition
des richesses, expansion rapide des espaces agricoles, non-respect
des droits humains et une faiblesse chronique de l'administration
et de la justice.
La dette provoquée
par des conditions de travail extrêmement précaires,
est le mécanisme explicatif de l'esclavage le plus répandu,
tel que celui-ci est pratiqué aujourd'hui au Brésil.
C'est ainsi que les travailleurs provenant des régions
touchées par la récession économique ou la
sécheresse sont attirés par des contrats de travail
oraux.
Ensuite, une fois qu'ils marquent leur accord, ils sont chargés
par des camions qui les transportent à des milliers de
kilomètres pour travailler dans de très mauvaises
conditions (à leur arrivée leurs cartes d'identités
sont confisquées, ils ne sont peu ou pas payés,
ils sont obligés de vivre dans des bâtiments du propriétaire
et n'ont jamais accès aux calculs des charges qui leurs
sont imposées, ce qui favorise leur endettement,)
L'intimidation et la violence physique dont souvent utilisées
contre les travailleurs pour les empêcher de fuir.
Le déséquilibre
socio-économique du à la rapidité de l'expansion
des exploitations agricoles et industrielles et la non-existence
de mécanismes solides au sein de la société
civils afin qu'elle puisse défendre les droits et les intérêts
des populations locales, entraînent souvent des abus comme
la pratique de l'esclavage, ou de la violence à l'encontre
de paysans qui ne disposent que de très peu de ressources.
Le gouvernement brésilien admet enfin l'existence de l'esclavage
au sein de son territoire et cherche des solutions pour y remédier,
mais les démarches sont peu nombreuses et peu efficaces
car celui-ci a tout intérêt de le maintenir pour
continuer son expansion économique.
Conclusion
On remarque encore
une fois que tant dans le passé qu'aujourd'hui, le gouvernement
brésilien, comme celui de tous les autres pays du monde,
axe ses priorités sur le progrès technique et économique
plutôt que sur le progrès social et écologique.
Il favorise de cette manière la richesse du pays et surtout
de quelques grands propriétaires nationaux et autres multinationales
au détriment de l'élaboration d'une société
plus juste, plus équitable et plus attentive au respect
des droits de l'homme.
Image : enfant esclave récoltant du sisal
Bibliographie
Morio Corelli, Brésil, épopée métisse,
Gallimard- Découvertes, Paris
Gilberto Freyre, maîtres et esclaves - la formation de la
société brésilienne, Gallimard, Paris,
Liberté, juin 2000, l'esclavage aux portes du 20e siècle