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La prostitution

Aperçu de la prostitution occasionnelle au 19e siècle
dans la classe ouvrière et des rapports de force qui la motivent.
Peut-on la comparer avec le harcèlement sexuel aujourd'hui ?

 

Transposition pour le Web du travail de Bertrand Collard

Contexte : condition de l'ouvrier et de l'ouvrière au 19ème siècle

Au XIX ème siècle en France, en Angleterre et en Belgique, les ouvriers sont très mal payés, les conditions de travail sont très dures, certains gémissent sous le poids de l'exploitation sans cesse accrue. Privés d'argent, affamés, ils manquent de logements, et vivent dans la promiscuité. Corruption et vices règnent, l'alcoolisme est aussi un de leurs fardeaux. C'est une condition misérable qui est celle de l'ouvrier dans ce 19ème siècle. Mais c'est aussi le siècle de la diffusion des idées de progrès social qui feront de l'ouvrier prolétaire un de leurs symboles les plus forts. Quant à l'ouvrière ,il faut lui ajouter ,à la charge de ses mêmes malheurs, une position bien inférieure à celle de l'homme qui se traduit notamment par une rémunération moindre et une soumission totale à l'homme au point de vue juridique due au code napoléon misogyne et patriarcal à bien des égards. C'est dans ce contexte particulier que je présente ici la prostitution occasionnelle et les rapports de force qui la motivent.

Les formes de la prostitution occasionnelle ouvrière

Elle peut prendre la forme d'une activité d'appoint, qu'on appelle à l'époque le cinquième quart de la journée. Elle permet ainsi à l'ouvrière d'arrondir son salaire et devient une activité de secours quand les revenus de l'ouvrière ne lui permettent plus de manger à sa faim ou d'élever correctement ses enfants. La prostitution peut être une activité qui permet de survivre en cas crises industriels ou grèves. On observe d'ailleurs durant ses crises une multiplication par deux du nombre de prostituées dans les bassins industriels. Une forme particulière d'exploitation sexuelle du corps de la femme est aussi le droit de cuissage exigés par certains patrons, petits chefs ou fils de patrons sous la menace de licenciement, de coups ou grâce à la promesse d'une meilleure situation financière. Si elle n'est pas à proprement parlé une forme de prostitution, elle se rapproche de la prostitution car le rapport de force financier y joue un rôle important. Ces formes de prostitutions sont toutes bien singulières pour l'époque. En effet au 19 siècle c'est une politique réglementariste qui est en vigueur face à la prostitution. Or la prostitution occasionnelle est clandestine, elle échappe donc aux agents des murs qui contrôlent l'hygiène des prostituées et la conformité des maisons de soutien. Cette prostitution est d'ailleurs plus gênante aux yeux des pouvoirs publics car elle s'exerce dans la rue ou dans les cafés à la vue de tous et est incontrôlable. Parfois cette prostitution se meut en activité principale, car pour une jeune fille de l'époque, il est souvent plus rentable de vendre ses charmes que de travailler à l'usine.

Les causes de la prostitution occasionnelle

Ce qui pousse les ouvrières du 19ème siècle à se prostituer est principalement le manque de ressources. Julie Victoire Daubine décrit avec cette petite touche morale du 19ème siècle la situation des femmes de l'époque. " Dans différentes villes, selon le témoignage des inspecteurs des bureaux des murs, des femmes qui n'ont point perdu tout sentiment d'honnêteté sont poussées à l'ignominie par manque de moyen de subsistance ". Ce sont surtout les ouvrières sans famille, ni mari, qui sont amenées à se prostituer. Des orphelines, des femmes seules avec enfants dont le salaire est inférieur à celui d'un homme car celui-ci n'est considéré à l'époque que comme un salaire d'appoint. Elles se retrouvent parfois dans des situations telles que la prostitution est la seule issue pour pouvoir subvenir à leurs besoins. Quelquefois, ce sont des enfants, dont les parents servent de souteneurs qui sont livrés à la prostitution. Durant les périodes de chômage et de crises économiques, le manque de ressources qui s'accentue, amène un accroissement du nombre de prostituées.

 

 le personnage de Fantine dans les Misérables (ici Ulla Trurman dans le film de Billy August en 1998) est une belle incarnation de l'ouvrière que la misère accule à vendre son corps.

Mais le manque de revenus n'est pas la seule cause de la prostitution occasionnelle. Certaines filles sont entraînées dans la prostitution par des souteneurs qui séduisent et font d'elles leurs vaches à laits. Pour pouvoir profiter d'elles plus tard, ils n'hésiteront d'ailleurs pas à leur prêter de l'argent tout en sachant bien qu'elles ne pourront les rembourser. Ils les contraindront grâce à ce procédé à se prostituer pour leur compte. Les patrons, les petits chefs, les fils de patrons obligent parfois certaines de leurs ouvrières à leurs accorder des services sexuels, c'est pour eux un moyen de bénéficier de services sans devoir avoir recours aux prostituées, sans devoir se déplacer et à moindre frais. Ces hommes sont garantis d'impunité. Le rapport de force qui existe entre eux et leurs ouvrières est bien trop déséquilibré pour que celles-ci osent réagir. Dans ces ouvrières abusées, on retrouve souvent deux types de femmes. Il s'agit soit de femme de familles, où la promiscuité est la règle, soit à contrario de femmes qui proviennent d'institutions fermées. Ces dernières avaient été élevées dans une ignorance de leur corps et n'avaient pas de contrepoids masculin familial à opposer au pouvoir des patrons. La très faible éducation des femmes semble avoir aussi été l'une des causes de la prostitution, bien qu'il faille mettre cette dernière en corrélation avec la pauvreté et avec cette société patriarcale qui ne fait pas de l'éducation des filles l'une de ses priorités.

Condition morale de la prostituée et jugement moral

Les administrateurs, les hygiénistes, les médecins nourrissent l'utopie d'une ville saine et paisible. Or à leurs yeux, la prostituée incarne l'ordure morale. Mais dans une position réglementariste, il tolère l'ordure puisqu'elle manifeste le bon fonctionnement de l'organisme social ; mais ils font en sorte qu'elle demeure à la fois cachée au public et accessible au regard de l'administration Son hygiène, son comportement seront surveillés, puisqu'elle remplit une fonction naturelle. Il lui faudra pour cela abandonner les postures lubriques, le langage insolent et grossier. La prostitution occasionnelle et une grande partie de la prostitution seront durant ce 19ème siècle clandestines, mais elles n'échapperont pas pour autant à la surveillance policière et un grand nombre de ces clandestines seront emprisonnées. La réglementation implique la coercition. A Paris, par exemple, s'élabore en marge du code pénal, un subtil système de punitions administratives et d'hospitalisations obligatoires. La prison et l'infirmerie-prison vont vite devenir des horizons habituels, des étapes obligées inscrites dans l'itinéraire circulaire, qui rythme désormais la vie des filles publiques. Dans ce 19ème siècle, la prostituée est vraiment considérée comme le dernier échelon de l'échelle sociale, la honte absolue pour la femme. Ce n'est donc qu'en dernier recours que les filles consentent à se prostituer, quand vraiment aucune n'autre solution ne peut être envisagée. Julie-Victoire Daubiné le montre avec deux exemples. " On peut en citer une qui lutta trois jours contre les tortures de la faim avant de succomber "...." Deux jeunes filles pour avoir repoussé cet horrible expédient tombèrent à demi morte d'inanition dans un hôpital ".

Harcèlement sexuel au travail : témoignage contemporain*

Madame Bertrand chômeuse est embauchée par M. A, le 17 septembre 1984 comme femme de ménage. Mais n'ayant pas de contrat écrit, elle est persuadée que son employeur peut la renvoyer à tout moment. M. A ne lui donne alors que trois heures de travail par jour : son salaire est inférieur à ce qu'elle touchait comme parent isolé. Le dernier jour de son mois d'essai, M. A lui donne rendez-vous, l'invite au restaurant et lui parle d'une personne qui est d'accord de faire çà à trois. Puis il l'emmène à l'hôtel. A peine dans le taxi, il l'oblige à le caresser. A l'hôtel, elle prétend qu'elle a ses règles. Qu'à cela ne tienne, il la sodomise brutalement. Puis il la reconduit pour qu'elle prenne son travail dans l'équipe du matin. Elle obtient un contrat d'un an : 32 heures par semaine, plus sept heures supplémentaires. Dés lors, il abuse d'elle comme bon lui semble, passant sur les chantiers qu'il choisit isolés et où elle travaille seule et tard dans la soirée. Il l'oblige à le rejoindre n'importe quand dans des endroits où il ne risque pas d'être vu et reconnu. Toutes les tentatives de résistance de Mme Bertrand se brisent contre la menace d'un renvoi. En 1987, à bout de souffle, Mme Bertrand dépose finalement pendant quatre heures devant l'officier de la police Judiciaire. M A. sera finalement écrouée et inculpé pour viol aggravé, tentative de viol, attentat à la pudeur avec violence, discrimination à l'emploie

* Résumé tiré du livre " De l'abus du pouvoir sexuel : Le harcèlement sexuel au travail , pp.24-30. "

Le cours d'histoire et la prostitution occasionnelle

Comme pour les pauvres au moyen-âge, la distinction est faite au 19ème siècle entre la bonne et la mauvaise prostituée. Celle qui se prostitue pour manger et qui est dans une misère telle qu'elle n'a plus d'autres choix, est considérée comme la bonne prostituée. Il faut alors l'aider à sortir de la prostitution. La prostituée occasionnelle en fait partie car les raisons de cette prostitution sont bien souvent économiques. Mais on considère au 19ème siècle qu'il existe aussi une mauvaise prostituée, fille sans morale qui se prostitue par choix et se complaît tout à fait dans la prostitution. Il s'agit plus ici de la courtisane ou de la prostituée de bordel.

 

Bibliographie

- Legardinier, C, La prostitution, Toulouse, 1996
- Daubié, J-V, La femme pauvre au dix-neuvième siècle, tome 2, 1869
- Aron, J, Misérable et glorieuse la femme du XIXè siècle, Poitiers, 1980
- Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, De l'abus du
pouvoir sexuel : Le harcèlement sexuel au travail
, Paris, 1990
- http://www.bmlisieux.com/litterature/gambier/gambie09.htm
- http://www.jean-duran.com/nouvelle_page.htm

 

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