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La place de la peine de mort dans la législation belge

Transposition pour le Web du travail d'Alexandra Farina

Introduction

En 1999, 73 pays ont choisi d'en finir avec la peine capitale, 13 l'ont maintenue pour des crimes exceptionnels tels que les crimes de guerre et au moins 22 pays sont abolitionnistes dans la pratique. C'est-à-dire n'ont procédé à aucune exécution au cours de ces dix dernières années.
64 pays ont prononcé au total 3857 condamnations à mort et 1.813 prisonniers ont été exécutés dans 31 pays, selon les chiffres fournis par Amnesty International qui estime que ceux-ci sont inférieurs à la réalité. L'Arabie Saoudite, la Chine, les Etats-Unis et la république démocratique du Congo sont responsables de 85% des exécutions recensées en 1999. De plus 5 pays continuent à appliquer la peine de mort aux personnes n'ayant pas 18 ans au moment de leur crime: l'Arabie Saoudite, l'Iran, le Nigeria, le Yémen et les Etats-Unis.
En 2001, la peine de mort reste en vigueur dans 86 pays. Plus de la moitié des Etats de la planète - 109 sur 195 - ont aboli, de droit ou en fait, la peine de mort. Une trentaine de pays y ont renoncé depuis 1990. Mais le nombre d'exécution serait en hausse en 2001, selon l'organisation Hands off Cain qui a répertorié (de janvier à juin 2001) 1.290 exécutions, dont plus de 1.100 en Chine.

A la création de la Belgique, le système judiciaire est inspiré du Code Napoléon, avec des cours d'Assises et une guillotine. Mais la guillotine resta au repos pendant plus d'un siècle, avant de disparaître de notre législation. Que s'est-il passé entre temps ?

D'une rare pratique à une suspension de fait

De 1831 à 1833, il n'y eut aucune exécution de condamné à mort. En 1834, après quelques crimes particulièrement graves, le bourreau se remit à l'oeuvre, sauf dans 3 provinces: Liège, Limbourg et Luxembourg. On aurait pu s'attendre à voir le crime prospérer dans ces 3 provinces et reculer dans les autres.
"C'est le contraire qui se produisit : le peuple paraît être devenu plus sanguinaire dans les provinces qui ont été le théâtre d'exécutions capitales".
Devant ces faits, le roi Léopold prit l'habitude de gracier les condamnés.
Un premier fait posa problème aux consciences, lorsque deux pauvres suspects flamands, jugés en français et incapables de se défendre, furent condamnés et exécutés. La question de leur innocence se posa et du coup celle de l'erreur judiciaire, irréparable bien sûr dans ce cas précis.
Cependant, en 1863, le Roi laissa faire l'exécuteur des hautes oeuvres. L'opération se déroula sur la grand place d'Ypres et se passa fort mal. La tête du décapité roula jusqu'aux pieds d'un paisible habitant de la cité, M.Bruynsteen qui, machinalement, la ramassa pour la remettre au bourreau. Mais la tête, dit-on, grimaça de manière si horrible que M.Bruynsteen devint totalement fou. Sa famille saisit le Parlement, qui saisit le gouvernement, qui pria le Roi d'user désormais de son droit de grâce !
Depuis cette affaire mémorable, aucun roi, ni Léopold II, ni Albert Ier, ni Léopold III, ni Baudouin Ier n'a jamais permis d'exécution pour des crimes de droit commun.
Si la peine de mort n'était pas rayée du Code, elle ne fut plus jamais appliquée. C'était un texte mort mais qui la maintenait comme châtiment suprême dans sa législation. Quand les Assises condamnent à mort, la mesure de grâce intervenait automatiquement.

La criminalité en fut-elle affectée ?
En 1860, il y avait eu 20 condamnations à mort.
Entre 1863 (abolition de fait) et 1879, on en a compté 11 en moyenne et 8 après 1880.

 

 Le 10 novembre 1947, exécution de collaborateurs par fusillade, à Charleroi,

La peine de mort a été conservée en Belgique, bien qu'il n'y ait eu aucune exécution depuis que 242 collaborateurs ont été fusillés pour des crimes liés à la seconde guerre. Ces sentences avaient été prononcées par des Conseils de guerre ou des tribunaux militaires.
Les condamnés à mort pour des crimes de droit commun étaient décapités en public selon le code pénal de 1867 tandis que pour les personnes condamnées pour des crimes contre la sûreté de l'Etat et des crimes prévus au Code de Justice militaire étaient exécutées par les armes.
L'exécution des femmes enceintes était reportée jusqu'à la naissance de l'enfant. L'exécution des mineurs de moins de 18 ans était interdite.
Depuis 1975, la peine de mort était obligatoire en cas d'enlèvement et depuis 1976 pour les détournements d'avion. Cependant, la dernière et exceptionnelle exécution pour un crime de droit commun, un meurtre, remonte à 1918 - pour laquelle on dût faire venir une guillotine de France - et le précédent en 1863.

L'abolition donne l'accès à la scène internationale

Peu à peu pourtant se manifeste le souci de mettre en cohérence pratique et théorie, et aussi de pouvoir prendre une place dans les instances internationales abolitionnistes. En effet, l'existence légale de la peine capitale faisait qu'en dépit de la pratique, la Belgique était un pays suspect en cas de demande d'extradition puisqu'elle aurait pu reprendre les exécutions.
Le Conseil des Ministres accepte en novembre 1995 un avant-projet de loi portant sur l'abolition de la peine de mort. En juin 1996, ce projet est adopté par 129 voix contre 13, à la Chambre des représentants. Le 1er août, la loi, promulguée par le Roi, paraît au journal officiel, "le Moniteur".
A la suite de cette abolition, la Belgique participe aux instances européennes contre la peine de mort. Elle a rejoint le Conseil de l'Europe pour défendre les droits humains et pour revendiquer l'abolition dans le monde entier.
Le 8 décembre 1998, la Belgique ratifie le 2ème protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques, visant à abolir la peine de mort.
Le 10 décembre 1998, la Belgique ratifie le protocole n°6 à la convention de sauvegarde des droits humains et des libertés fondamentales concernant l'abolition de la peine de mort. Le protocole entrera en vigueur pour la Belgique le 1er janvier 1999.
Le 3 mai 2002, ouverture à la signature du protocole n°13 à la convention européenne des droits de l'homme, relatif à l'abolition de la peine de mort en toute circonstance. 36 pays des 44 membres du Conseil de l'Europe, dont la Belgique, ont signé et ratifié le protocole.

L'actualité et l'opinion publique

C'est quelques mois avant la fameuse "marche blanche" consécutive à l'affaire Dutroux que la peine de mort fut effectivement abolie. On peut s'interroger sur le résultat du vote s'il avait eu lieu au lendemain de cette marche. Car si la peine de mort n'était plus appliquée depuis plus de 130 ans, la question de son rétablissement a été resoulevée dans ces moments douloureux. Et on a vu apparaître sur les pare-brise des voitures des autocollants réclamant "la peine de mort pour les tueurs d'enfants".
Les Eglises locales ont souvent réagi en rappelant le principe fondamental du respect de la vie qu'un évènement à lui seul ne peut ébranler, fut-il d'une particulière importance, d'une intense gravité.

Conclusion
Malgré les appels de nombreuses organisations de défense des droits de l'homme, trop de pays pratiquent encore la peine de mort. Et bien que certains l'aient aboli en pratique, la maintenir dans la loi est dangereux car les exécutions peuvent reprendre à l'occasion de bouleversements politiques, comme cela s'est produit à l'Ile Maurice en 1984.
La peine de mort est liée de manière indissociable aux droits fondamentaux. Elle constitue la négation ultime du droit à la vie, tel qu'il est formulé dans l'article 3 de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1948.
"Tout assassinat est une atteinte radicale au respect de la vie humaine. Il prive la victime d'un droit fondamental. Il plonge une famille dans la détresse. Combattre le crime est donc une priorité nationale.
Pour atteindre cette fin, la peine de mort est-elle nécessaire, à l'homicide criminel doit-on ajouter un homicide légal ? "
Cette question devrait être posée avant chaque condamnation à mort !

Bibliographie

Livres
Amnesty International, Rapport sur la peine de mort., 1999 Mazarine
J.Toulat, La peine de mort en question, édition Pygmalion
Article
Journal des procès, n°342, 6-02-98
Sites
http://www.pdm-icp.univ-lyon2.fr/National/Belgique.html (consulté le 4 mai 2002)
http://www.aibf.be (consulté le 21 avril 2002)
http://www.edicom.ch/news/dossiers/mort/abolitionniste.html (consulté le 14 mars 2002)
http://www.droitshumains.org/Pdemort/1er_congres.htm (consulté le 20 mai 2002)

Photo: La chronique de la Belgique, éditions Chronique, 1987, année 1947

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