Accueil

Personnages

Monuments

Evènements

Dossiers

Documents

Eux aussi

qui suis-je ?

contactez-moi

 

Evolution de la législation sur la peine de mort en France

Page réalisée à partir du travail de Marie-Ange Dirckx

Introduction
La peine de mort est une évidence pendant de très nombreux siècles et dans la totalité des pays: vengeance, effet dissuasif, loi du Talion, protection d ela société, anticipation de la punition divine, on n'a jamais manqué de raisons pour la justifier. Néanmoins, certains ont vu, de manière parfois fort décalée avec leur époque, que répondre à la violence par la violence était, en quelque sorte, se ranger à la logique de l'agresseur et donc donner la victoire à la violence.

La lente émergence de la réflexion abolitionniste
Le premier grand débat parlementaire sur la peine de mort eut lieu lors de la discussion du projet du code pénal en mai/juin 1791. Parmi les contributions importantes figurent le rapport de le Peletier de Saint Fargneau et les discours de Duport et de Robespierre favorables à l'abolition de la peine de mort. Ils mettent en avant le caractère injuste de cette peine, le risque d'erreur judiciaire, l'absence d'effet dissuasif ou de valeur d'exemple. La seule exception qu'ils pourraient accepter est celle de la protection de la sécurité de l'Etat. Néanmoins, le 1er juin 1791,l'Assemblée Constituante refusa l'abolition de la peine de mort, et supprima simplement les pratiques de la torture. Au contraire, un an plus tard, le 17 janvier 1793, la Convention vote la mort du Roi. Robespierre et le Peletier de St Fargneau votent pour l'exécution, Condorcet et l'abbé Grégoire s'y opposent.

 

 
le rôle de Victor Hugo
Enfant, revenant d'Espagne avec sa mère, Hugo voit à Burgos un homme traîné vers le poteau où on allait le garrotter. Très marqué, il dénoncera aussi les bûchers de l'Inquisition ou la potence de John Brown Mais c'est la guillotine qui lui apparaît comme l'instrument le plus horrible et qu'il décrit jusque dans ses poèmes. Il en est tellement ébranlé qu'il n'hésitera pas à "lancer un pavé dans la mare" en 1829, avec le dernier jour d'un condamné, dont la préface dénonce vigoureusement la peine de mort et dont le récit, mené à la première personne par le condamné, interpelle directement le lecteur. Il faut dire que les trois années précédentes, il y avait eu plus de 180 exécutions. Toutes se déroulant sur la place publique, avec un rituel spectaculaire et devant un parterre d'amateurs très excités.
Le gouvernement provisoire de 1848 abolit la peine de mort mais seulement pour les infractions de nature politique. Hugo s'en réjouit quand même.
En 1851, devant le Cour d'Assises de la Seine, il prononce un vibrant plaidoyer contre la peine de mort en défendant son fils Charles. Celui-ci est poursuivi pour avoir dénoncé dans le journal l'évènement , la barbarie de l'exécution d'un braconnier.

on sait que Victor Hugo est non seulement un écrivain mais aussi un dessinateur qui excelle à créer des ambiances sombres, sauvages, douloureuses. Ce pendu "John Brown" est la stigmatisation des exécutions capitales, ce que renforce l'incription qui figure dans la partie basse (non représentée) "Ecce Homo", la célèbre parole de Ponce Pilate, présentant Jésus supplicié et humilié ...

"rappelez-que c'est une loi de mansuétude que le Christ est venu apporter au monde et non une loi de cruauté; ditez-leur que le jour où l'Homme-Dieu a subi la peine de mort, il l'a abolie (bravo à gauche!); car il a montré que la folle justice humaine pouvait frapper plus qu'une tête innocente, qu'elle pouvait frapper une tête divine ! (sensation) 5 avril 1850, à l'Assemblée.


Lamartine a également utilisé ses talents littéraires pour combattre la peine capitale et prononce à la Chambre un discours abolitionniste très remarqué.
A la fin de l'Empire, Jules Simon, député républicain, dépose une proposition de loi en faveur de l'abolition.

En 1906/1908 a lieu l'un des débats majeurs et un projet est déposé par Aristide Briand.
On va se poser ensuite la question de leur publicité. En effet, les manfestations de la foule et les comptes rendus de certains journaux paraissent déplacés. Après la guerre, la peine de mort continue à être dénoncée, dans le monde littéraire, par Albert Camus et Arthur Koestler.
La période pétainiste est répressive et une 'faiseuse d'anges" sera la dernière femme exécutée pendant l'occupation. Après les deux guerres et les procès de collaboration, les exécutions pour les crimes de droit commun reprennent.
Le code pénal français et le code de justice militaire autorisent alors l'application de la peine de mort pour un éventail étendu de crimes, même si le Président dispose d'un droit de grâce, dont l'importance est cruciale.
Entre 1959 et 1979, 51 personnes sont condamnées à mort pour des crimes de droit commun et 14 sont exécutées. Un nombre qui semble se concentrer sur la dernière partie de la période, ce qui explique que la question soit devenue très brûlante et que les arguments pour et contre soient défendus avec énormément de vigueur. Une campagne de plus en plus vive pour l'abolition recueille l'appui de plusieurs grand sprofessionnels et de personnalités importantes. En 1977, l'osservatore Romano, le journal du Vatican, affirme que le droit à la vie est inaliénable et que l'Etat n'a pas le droit de décider de la vie ou de la mort d'un être humain.
Une déclaration du gouvernement sur l'échelle des peines criminelles a été discutée à l'Assemblée Nationale en juin et au Sénat en octobre 1979 mais aucun texte n'a été déposé par le gouvernement. La question de l'abolition revient sur le tapis lors de la discussion de la loi "sécurité et liberté" au printemps 1980.

Vers le vote décisif

Pendant la campagne présidentielle de 1981 et malgré le risque pris en terme électoral - la majorité des Français y est en effet opposée - François Mitterand annonce que s'il est élu, il soutiendra un projet abolitionniste. Ce projet est déposé sur le bureau de l'Assemblée Nationale le 29 juin 1981. Il retient le principe d'une abolition définitive et générale de la peine de mort.
La discussion entre les deux assemblées eut lieu les 17 et 18 septembre. l'abolition est votée par 369 députés contre 113. Au Sénat, le sort du projet est plus incertain. La discussion en séance publique se déroule de façon exceptionnelle et eut lieu les 28, 29, 30 septembre.
Le garde des Sceaux, Robert Badinter, va prendre la parole, encore marqué par plusieurs défenses de criminel qu'il a assumées.
Dans un discours magistral, il retrace toute l'histoire de l'abolition, montrant ainsi le cheminement d'une pensée humaniste au travers de contextes encourageant ou freinant son avance. Il reprend les divers arguments qui soutiennent le maintien de la peine capitale et les réfute un par un, avec une clarté et une mesure remarquables. Même si d'autres se sont aussi exprimés, même si tous ses auditeurs ne furent pas convaincus, il est certain que ce texte, plus de 20 ans après, reste un modèle d'école pour tout lecteur. Ne donner que des extraits en diminuerait notablement la portée mais il est disponible sur de nombreux sites.
Après ce discours et ceux de 28 orateurs, l'abolition de la peine de mort est votée par 161 voix contre 126. La loi est alors promulguée par le Président de La République le 9 octobre et publiée au journal officiel le 10 octobre 1981.
Ce vote était aussi une démonstration que la démocratie représentative ne se limitait pas toujours à la mise en oeuvre stricte de l'opinion majoritaire. On le sait, et de nombreux sondages l'ont montré encore récemment, les Français penchent plutôt en faveur de la peine capitale. Mais les électeurs, en choisissant un Président qui avait affirmé clairement son opposition à la peine de mort, acceptaient, même à contre coeur, le risque de son abolition. C'est ce que les Parlementaires ont compris, c'est aussi la décision qu'ils ont prise, en toute conscience.

Bibliographie

Livre
Rapport sur la peine de mort, Amnesty International, éditions Mazarine, 1979
Alain Decaux, Victor Hugo, Perrin, Paris, 1984

Internet
Pour écouter les principaux discours de Robert Badinter lors des séances mémorables d'octobre 1981 http://www.peinedemort.com/robert_badinter.php
Le texte complet des débats avec les réactions : http://pdm-iep.univ-lyon2.fr/National/France/an-debats2.html
Un dossier très complet, avec de nombreux liens dans l'excellent site du café pédagogique : http://www.cafepedagogique.net/aboli/index.php3

Photo: reproduction du dessin du pendu dans Alain Decaux, Victor Hugo, Perrin, 1984

Portrait de Robert Badinter sur le site du sénat français.

retour