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Les châtiments corporels et la torture
A quelles limites de cruauté peut aller une société

Transposition pour le Web du travail de Séverine Lacroix

Qu'est-ce que la torture ?
Elle peut se définir comme un ensemble de violences physiques et morales répétées, exercées délibérément sur un individu ou un groupe.
La torture peut avoir pour but de faire parler ou de faire taire, ainsi que punir.
C'est une pratique hors la loi à notre époque et dans notre société. Mais qui existe pourtant toujours ailleurs comme autrefois et chez nous, parfois, sous des formes moins flagrantes quoique aussi dangereuses pour l'être humain.
Nous parlerons aussi de châtiments corporels, qui sont aujourd'hui largement condamnés. Mais ils ont fait autrefois partie d'un arsenal d'outils de punition et d'éducation très largement utilisés et approuvés
Il est évident qu'il y a une différence d'échelle et d'intensité mais on peut souvent retrouver les mêmes motivations.

Pourquoi torture-t-on ? Pourquoi soumet-on ou a t-on soumis à des châtiments corporels ?
Pour humilier, rabaisser, salir, intimider... sous prétexte de maintenir ou de créer un ordre social
les esclaves, les femmes, des peuples entiers...
Pour obtenir un aveu, une dénonciation, un reniement
les criminels, les bandits, les voleurs, les espions, les résistants
Pour maintenir la discipline
les prisonniers, les enfants dans certaines institutions comme l'école, l'orphelinat, les "maisons de correction"...
Pour des motifs religieux, pour sauver les âmes de ceux considérés comme les ennemis de la Foi et/ou pour les punir
les sorciers, les païens, les hérétiques...
Pour des motifs religieux et sociaux, pour préserver une pureté, intégrer dans le corps social, soumettre
les excisions, les scarifications, les épreuves physiques initiatiques

Depuis quand torture-t-on ? Depuis quand soumet-on ou a t-on soumis à des châtiments corporels ?
Dès les sociétés primitives, les châtiments corporels permettaient aux puissants de se faire comprendre et obéir. Certains y voyaient aussi des moyens d'acquérir de la force physique et morale, spécialement pour les épreuves d'initiation : le fouet, le bâton, les blessures volontairement infligées ...

Dans l'Antiquité, la torture en justice et châtiments en justice et éducation sont fréquents
Ainsi à Rome,
- les propriétaires peuvent torturer leurs esclaves
- le "pater familias" a droit de vie et de mort sur sa famille et peut utiliser toutes méthodes qui lui sembleront utiles
- le maître d'école utilise la férule pour se faire obéir ou pour punir
- les peines prononcées par les juges sont souvent corporelles et agressives, comme la pendaison qui utilise le poids du condamné comme force de strangulation "jusqu'à ce que mort s'en suive", la crucifixion qui entraîne la mort, soit par perte de sans, soit par asphyxie, la noyade, la précipitation dans le vide du haut d'un rocher, d'une falaise, le bûcher où le condamné attaché au milieu de fagots de bois ou de paille meurt brûlé vif ou asphyxié par la fumée, l'emmurement qui condmane le supplicié à une mort lente et très douloureuse ou encore le combat contre les bêtes sauvages dans le cirque
L'Antiquité connut encore d'autres méthodes comme l'écartèlement, le pal, fréquemment pratiqué par les Assyriens, les Perses, les Turcs ou encore le chevalet dont parle Cicéron.

Au moyen âge, la torture faisait partie du système juridique normal. Dans l'inexistence d'une procédure d'enquête et d'un corps de Navarro ou de Julie Lescaut, la preuve décisive était celle de l'aveu. La torture constituait donc le mode d'interrogation préférentiel avec ce que l'on nomma "la question".
On distinguait 2 formes
- la question préparatoire : infligée à un accusé pour obtenir des aveux. Elle pouvait être ordinaire ou extraordinaire, suivant l'intensité des supplices que l'on désirait infliger à l'accusé.
Dans l'ordinaire, la personne avait les doigts écrasés ou devait ingurgiter 4 pots d'eau, soit environ 4 litres
Dans la question extraordinaire, on faisait ingurgiter 9 pots d'eau ou l'on suspendait le malheureux par les bras, avec de spoids attachés aux chevilles ou encore on écrasait les jambes par des coins de fer enfoncés à coups de maillet.
-
La question préalable : infligée à un condamné avant son exécution pour obtenir la dénonciation de ses complices.
Qui était soumis à la question ?
Homme, femme, noble ou roturier; tout le monde sauf les enfants pouvaient y être soumis, dès qu'elle avait été ordonnée par un juge.
Un cas particulier fut celui de la lutte contre les hérésies, à partir du 11es
A l'époque, on crée des tribunaux ecclésiastiques, l'Inquisition, pour poursuivre tous les ennemis de la Foi. Des inquisiteurs religieux accompagnés de soldats armés obligeaient les habitants de villes ou villages à se soumettre à un interrogatoire, permettant la torture si les personnes se montraient récalcitrantes. .
Les sorcières étaient soumises à de très douloureuses pratiques pour forcer la confession de leurs péchés, comme la chaise à clous, l'élongation, l'immersion, les fers brûlants, les rouleaux à épines, l'eau bouillante etc...

Par ailleurs, les châtiments corporels faisaient partie des sanctions judiciaires les plus fréquentes, la prison simple n'existant en tant que peine qu'au 19e siècle. On était donc condamné à des coups de bâton, de fouet, à une exposition au pilori ou au carcan, à l'exécution par la pendaison, la décapitation, le supplice de la roue ou l'écartèlement.

L'époque moderne et le début de l'époque contemporaine voient se perpétuer ces méthodes judiciaires, et l'on a de nombreux récits de procès d'empoisonneuses à l'époque de Louis XIV qui furent soumises à la question, soit pour avouer, soit pour dénoncer leurs complices. Une idée fait toutefois lentement son chemin, à savoir que les aveux obtenus par le torture ne sont peut être pas très fiables.
Dans les exécutions capitales, on peut comprendre, dans ce contexte, que la guillotine fut considérée comme un progrès, par sa rapidité et sa précision (il arrivait en effet à un bourreau de devoir s'y reprendre à plusieurs fois avant d'arriver à trancher la tête).
Les châtiments corporels resteront largement répandus dans les contrées où existe l'esclavage, comme punition ou "dressage", de même que dans les bagnes pour faire obéir ou pour sanctionner les condamnés.
Quant à l'école, elle utilise encore et pour longtemps les longues stations debout ou à genoux, les coups de règle, de férule ou même le fouet pour faire apprendre les esprits "bornés" !

Et aujourd'hui ?
Les moeurs se sont adoucies progressivement, la torture est perçue comme inacceptable mais certaines cultures manifestent toujours un attachement à des normes éducatives violentes. Il s'agit souvent de régimes totalitaires ou dictatoriaux voulant maintenir un pouvoir discriminatoire sur les femmes, les enfants ou les travailleurs.
Certains se battent pour que tous les moyens physiques de contrainte soient interdits dans les écoles, voire même dans les familles. Ainsi quelques pays ont rangé la fessée dans les pratiques pénalement condamnables. D'autres au contraire estiment que la sévérité reste la meilleure pratique éducative.
Enfin, certains considérent que la prison elle-même par les conditions de vie qu'elle impose est une forme de torture, physique et morale.
Près de nous, l'époque nazie fut tristement célèbre pour l'utilisation systématique de méthodes dégradantes et violentes, tant à l'égard de prisonniers, de déportés dans les camps de concentration, de criminels soumis à des peines inhumaines que de jeunes dans des mouvements "d'éducation" . Ces tortures, utilisées en temps de guerre ou dans des régimes qui nient les droits de l'homme, sont encore bien présentes aujourd'hui, il suffit pour s'en convaincre de lire les rapports d'Amnesty International.
Violente ou insidieuse, la torture et les châtiments corporels restent, hélas, encore en vigueur au 21e siècle. Elle joue sur les pulsions les plus primitives de l'être humain, le plaisir d'asservir, l'exercice de la puissance, l'expression de l'agressivité et le sadisme.

Bibliographie

Livres
B.Durand, J.Poirier et J.P.Royer, La douleur et le droit, Paris, PUF, 1997
B.Solet, les cris du silence: contre la torture, Syros, Paris, 1998, collection j'accuse.

Articles
Les canadiens ont le droit de fesser leurs enfants, dans La Libre, mars 2002
P.Contamine, Torture, l'Angleterre à part, dans l'Histoire, n° 67, mai 1984.
G.Aurenche, la réflexion théologique au coeur de l'action, dans ARM, janvier 1991
J.Moltamann, Le Christ, frère des torturés, dans ARM, janvier 1991
J.Sommet, Une espérance née à Dachau, dans ARM, janvier 1991

Internet
Sites consultés en janvier et mars 2002
Alice Miller, Eduquer sans frapper,
http://www.naturalchild.com/alice_miller/eduquersans_frapper.html
Alice Miller, Il n'y a pas de bonne fessée !
http://www.naturalchild/alice_miller/spanking_french.html
Alice Miller, le mal se reproduit à chaque génération, dans http://www.alice-miller.com/sujet/art13.htm
Hérésie, sur www.heresie.com
Olivier Maurel, dangers spécifiques des châtiments corporels, http://www.alice_miller.com/sujet/art7.htm
Nathalie Tarquis dans http://www.liberation.com/quotidien/debats/janvier01/20010216c.html

Illustrations
Thierry Bouts, La justice de l'empereur Othon: l'épreuve du feu (fragment), M.R.A.H. Bruxelles
Tout cela est pour ton bien, lithographie coloriée par A.Cheyère, 1830, cliché INRP dans "Les collections de l'Histoire", Mille ans d'école, p.58

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