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La représentation de la stérilité
du moyen âge aux temps modernes

Transposition pour le Web du travail de Manuela Franck

Introduction

Soulignons, pour commencer, que tout au long du moyen âge, le but essentiel du mariage selon l'Eglise était d'engendrer des enfants. C'est au sein de l'institution matrimoniale que doit se faire la procréation. Raymond Lulle, à la fin du 13ème siècle, explique à son fils que le mariage " est un assemblement corporel et spirituel ordonné pour avoir des enfants qui soient serviteurs de Dieu" . De même au moyen âge, Gilles de Rome pense que " la mission d'un homme et de sa femme n'est pas parfaite si la femme et le mari n'ont pas d'enfants".
Selon cette conception, on comprend aussi combien la stérilité était mal vécue par les couples qui n'arrivaient pas à avoir des enfants et qui se demandaient quel péché ils avaient pu commettre pour que Dieu les punisse ainsi.
L'Eglise a une position assez exacte de la stérilité, quand elle dit que c'est un mal que l'on ne comprend pas, mais qui doit faire partie des desseins de Dieu, à moins qu'il ne provienne d'une " erreur " du couple. L'Eglise maintient, et bien au-delà du Moyen-âge, l'explication magique de la stérilité, mais les médecins en général ne s'y attardent guère.

L'explication de la stérilité

D'une manière plus générale, l'approche pratique de la stérilité se limite à l'observation des organes génitaux et à une réflexion sur les rapports sexuels. Au moyen âge, on a des représentations assez strictes des organes sexuels féminines et masculins pour qu'il puisse y avoir fécondation. Pour les organes masculins, on vérifie leur "quantité",- non seulement leur présence, mais aussi leur longueur : la verge ne doit être ni trop longue, ni trop courte, quel que soit l'orgueil qu'en tire l'homme. Un membre excessif peut occasionner des blessures à la femme et la semence risque de se refroidir si le trajet est trop long. On examine ensuite le "nombre" d'organes ­ il s'agit seulement de vérifier qu'il ne s'y trouve pas d'éléments surnuméraires, verrues, excroissance de chairs, hémorroïdes. On y ajoute diverses maladies, comme le priapisme, celui-ci n'étant pas accompagné d'un désir sexuel ou la pollution nocturne, qui affaiblit le sperme.
Mais c'est surtout sur les maladies de la femme qu'insistent les traités. Les défauts des organes qui peuvent les affecter sont, pour la composition, du même ordre que ceux des hommes : imperforation, étroitesse du vagin ou de la matrice, verrues et excroissances diverses. Il s'y ajoute plusieurs croyances sur les maladies internes : suffocation de la matrice, mole(masse de chair sans vie qui se développe dans la matrice).
De plus, naissent aussi plusieurs mythes qui expliquent la stérilité, comme la mauvaise rétention du sperme qui était la cause la plus souvent invoquée. Une matrice trop "lubrique", (glissante) laissera le sperme s'écouler comme sur du marbre huilé. Si son orifice est trop large, elle ne se refermera pas après avoir reçu la semence. De même, si les nerfs qui doivent refermer son col sont trop faibles. Donc, l'étude des organes internes de la femme donne lieu à beaucoup d'hypothèses.
Le premier reproche que l'on adresse à la femme, est de ne pas garder ou d'altérer le sperme de l'homme. La matrice trop humide le laissera glisser, ou l'étouffera; trop chaude, elle le desséchera. De nombreuses mythes sont répandus au moyen-âge, tel que celui-ci par exemple, "qui fera dessécher une laitue en l'arrosant sera déclaré stérile", sa chaleur étant tellement forte qu'elle corrompt une plante pourtant réputée froide. On arrive à des pratiques plus magiques que rationnelles lorsqu'il s'agit d'arroser d'urine sept grains de blé, sept d'orges et sept fèves : celui qui n'a pas réussi à les faire germer en sept jours, ne pourra s'attendre à faire germer sa propre semence. L'idée se répand au moyen âge que pour être féconde, la femme devra retrouver dans son haleine l'odeur des fumigations aromatiques ou de la gousse d'ail placée dans sa vulve.

Comment vaincre la stérilité féminine ?

 
la petite statue sculptée au dessus de l'entrée de source, porte,
à hauteur des organes génitaux, deux trous creusés par les aiguilles des femmes
qui venaient boire la poudre magique contenue dans l'eau de la fontaine
Les pratiques apparemment les plus fréquentes au moyen âge pour guérir la stérilité, sont des pratiques religieuses. C'est la démarche la plus évidente pour des femmes à qui l'on a appris que c'est dans la tiédeur de leur foi qu'était l'origine de leurs malheurs et donc que le Ciel était tout puissant pour les guérir. C'est essentiellement par des prières que les femmes stériles s'adressent à Dieu, à des hommes morts et officiellement sanctifiés dans l'espoir de vaincre la stérilité. Les pratiques mi-religieuses, mi-superstitieuses du moyen âge qui allient magie, médecine et religion sont infinies. Sous certaines pratiques médicales, on peut déceler des croyances plus proches de la magie que de la science : lorsqu'il s'agit, par exemple, de guérir la stérilité avec des substances fabuleuses (de la poudre de corne de licorne) ou auxquelles on prête un pouvoir fabuleux (comme la mandragore).Différentes recettes dites magiques existent à cette époque pour combattre la stérilité, de même que de nombreux talismans puisqu'il s'agit de détruire les maléfices.
La tradition populaire donne de l'importance aux eaux thermales dans la cure de la stérilité. Ces eaux furent longtemps mal vues par l'autorité ecclésiastique, parce que les sources chaudes, souvent les plus utiles, semblent chauffées au feu d'enfer(les eaux des diables), ce qui confirme l'odeur de souffre qu'elles exhalent parfois. Les médecins, de leur côté, ne parlent jamais de ces sources dont ils se méfient probablement parce que le culte, qui leur est attaché, interdit de les prendre au sérieux.

 

Très connues sont les "eaux de Pouzzoles", ce port de Campanie, dans le golfe de Naples, doit son nom aux " puits " de l'eau volcanique exploités dès l'Antiquité. Ces bains sont conseillés aux femmes stériles : la Soulfrière, laquelle doit son nom aux vapeurs de soufre qui en sortent et qui soignent le corps dans l'espoir de vaincre la stérilité. Dans le pays de Liège, on attribuait des pouvoirs particuliers aux sources de Spa, spécialement celle de la Géronstère. Mais les mauvais esprits font plutôt allusion aux bois et taillis avoisinants, qui offraient de nombreuses cachettes pour des rencontres galantes, parfois suivies de plus d'effets que les devoirs conjugaux.. !
Si beaucoup de ces sources n'ont que le pouvoir qu'on leur prête, certaines peuvent cependant avoir un effet réel. Sans agir directement sur la stérilité, elles peuvent remédier à des états anémiques ou infectieux entraînant la stérilité. Les médecins se sont avancés avec prudence dans ce domaine et ils admettent que les eaux constituent une médication tonique et régulatrice des centres nerveux et qu'elles peuvent aider à guérir les stérilités dues à un problème nerveux.
Toutes ces recettes et pratiques pouvaient rétablir un certain équilibre nécessaire à la fécondation, mais bien sûr pas guérir toutes les stérilités.

Le sort d'une femme stérile à l'aube des Temps Modernes : Catherine d'Aragon

En Angleterre, Henry VIII, second fils de Henri VII, est né en 1491 à Greenwich. Il accède au trône d'Angleterre après la mort d'Arthur, son frère aîné, et se marie à Catherine d'Aragon en 1509, dont il eut une seule fille Marie Tudor, qui est la seule survivante de huit grossesses.
Le temps passe et le Roi s'inquiète de plus en plus de ne pas voir naître un fils pour assurer sa succession. Catherine ayant maintenant quarante ans est devenue stérile sans avoir pu enfanter d'Henri VIII un héritier mâle. Elle représente un obstacle pour le Roi, qui, dès 1522, a interrogé son confesseur sur la validité de son mariage. Catherine s'est depuis longtemps résignée aux écarts d'un époux à qui elle a voué et vouera toujours une affection, un respect, un attachement sans bornes. Pendant ce temps, Henri VIII fait la connaissance d'Anne Boleyn dont il tombe amoureux. Le Roi songeait depuis des années au divorce dont il a maintenant besoin pour posséder sa bien-aimée Anne. En voulant obtenir l'annulation de son mariage avec Catherine, il entre en conflit avec le pape. Il fait alors déclarer son mariage invalide par le primat d'Angleterre en 1533. Catherine devait renoncer à sa place d'épouse et quitter la Cour; elle habitera au château de Kimbolton, sans qu'il lui fût permis de vivre avec sa fille, éloignée d'elle depuis deux ans. Catherine, toujours aussi impavide, ne put qu'obéir.
Donc, le sort de Catherine d'Aragon montre bien comment les femmes stériles étaient mal-vues et dans ce cas même répudiées. Catherine est seulement une femme qui est répudiée par son mari alors comme il y en eut tant d'autres.

Le lien avec l'actualité

Si certains situations, dans certains milieux, font penser au cas de Catherine d'Aragon (que l'on songe à Soraya, épouse stérile du Shah d'Iran, répudiée au profit de Farah Dibah), aujourd'hui les représentations des femmes qui ne savent pas enfanter ne sont plus si dévalorisantes et on montre plus de compréhension pour ces couples. (TJ)
Par ailleurs, la médecine a fait d'énormes progrès dans l'approche des causes de la stérilité ainsi que dans la mise au point de méthodes pour la guérir. De plus, il existe aujourd'hui différentes techniques qui rendent la fécondation possible, comme la fécondation in-vitro, les inséminations, le don d'ovocyte ou encore le don d'embryon.
Le point de vue des religions ? Ces pratiques( insémination artificielle avec donneur, don d'ovule, FIV) sont toutes interdites dans la religion catholique. La FIV , avec ovule et sperme venant des époux, est acceptée par l'Orthodoxie, l'Islam et généralement dans le Judaïsme. Par contre, elles sont toutes 3 autorisées par le Protestantisme et le Bouddhisme (TJ)

 

 F.I.V. division cellulaire au stade 8 vue
au microscope électronique

paillettes d'embryons congelés,
conservées à l'hôpital Necker à Paris

En conclusion, si je peux dire que le fait d'être stérile au moyen âge entraînait de nombreuses difficultés pour une femme et qu'elle n'était plus considérée comme une véritable femme, aujourd'hui les opinions ont changé. Toutefois l'importance accordée à ces sujets dans la presse, l'argent investi dans les recherches nouvelles, les expériences parfois extravagantes - comme celle menées en Italie pour permettre à des femmes déjà ménopausées d'avoir des enfants - montrent bien que dans la vie quotidienne, la stérilité reste toujours mal vécue.
Peut-être doit-on voir là aussi une difficulté à accepter de ne pas maîtriser toutes choses dans un monde technologiquement si avancé

Bibliographie
- Jean-Claude BOLOGNE, La naissance interdite- stérilité, avortement et contraception au moyen âge, Olivier Orban, 1988
- Philippe Erlanger , Henri VIII, Un " dieu " anglais aux 6 épouses, Librairie Académique Perrin, 1982
- www.ecuyer.free.fr/GrandeBretagne/htm et www.ifrance.com/fmrugala/MoyenAge/femme.htm , le 5 mars 2002
- Quand commence la vie, dans Actualité des religions, n° 26, avril 2001

Illustrations
- la petite chapelle de Saint Greluchon de Reboursin, dans J.C.Bologne, op. cit.
- Kunsthistorisches Museum de Vienne pour le portrait de Catherine d'Aragon par Michaël Sitow.
- les illustrations de la FIV - P.ALIX/MAYER/PHANIE- et des paillettes - P.ALIX/PHANIE dans Actualité des religions, op. cit.

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