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L'hôpital général

Création de Louis XIV en 1656, l'hôpital général n'est pas un bâtiment particulier; il regroupe en fait une série d'institutions pré-existantes mais leur donne un nouveau statut et une nouvelle affectation, à savoir regrouper tous les pauvres de Paris, quelle que soit la cause de cette pauvreté. On entre ainsi dans l'ère de "l'enfermement généralisé", à la fois hôpital, prison, asile d'aliénés, maison de rééducation pour délinquants et d'éducation pour jeunes filles sans le sou, atelier de travaux forcés.
Ce nouveau concept aura du succès en France puisque, toujours sous le règne de Louis XIV, on en verra s'ouvrir dans de nombreuses villes de France.

Voici ce qu'en dit Michel Foucault dans "Histoire de la folie à l'âge classique", Paris, 1972

Une date peut servir de repère : 1656, décret de fondation, à Paris, de l'Hôpital général. Au premier regard, il s'agit seulement d'une réforme - à peine, d'une réorganisation administrative. Divers établissements qui existent déjà sont groupés sous une administration unique : la Salpêtrière, reconstruite sous le règne précédent pour abriter un arsenal , Bicêtre que Louis XIII avait voulu donner à la commanderie de Saint-Louis pour en faire une maison de retraite destinée aux invalides de l'armée . " La maison et Hôpital tant de la grande et petite Pitié, que du Refuge, sise au faubourg Saint-Victor, la maison et Hôpital de Scipion, la maison de la Savonnerie, avec tous les lieux, places, jardins, maisons et bâtiments qui en dépendent" Tous sont maintenant affectés aux pauvres de Paris " de tous sexes, lieux et âges, de quelque qualité et naissance, et en quelque état qu'ils puissent être, valides ou invalides, malades ou convalescents, curables ou incurables". Il s'agit d'accueillir, de loger, de nourrir ceux qui se présententd'eux-mêmes, ou ceux qui y sont envoyés d'autorité royale ou judiciaire ; il faut aussi veiller à la subsistance, à la bonne tenue, à l'ordre général de ceux qui n'ont pu y trouver place, mais pourraient ou mériteraient d'y être.
Ce soin est confié à des directeurs nommés à vie, qui exercent leurs pouvoirs non seulement dans les bâtiments de l'Hôpital, mais à travers la ville de Paris sur tous ceux qui relèvent de leur juridiction : " Ils onttout pouvoir d'autorité, de direction, d'administration, commerce, police, juridiction, correction, et châtiment sur tous les pauvres de Paris, tant au-dehors qu'au-dedans de l'Hôpital général ." Les directeurs nomment en outre un médecin aux appointements de 1 000 livres par an ; il réside à la Pitié, mais doit visiter chacune des maisons de l'Hôpital, deux fois par semaine.

D'entrée de jeu, un fait est clair : l'Hôpital général n'est pas un établissement médical. Il est plutôt une structure semi-juridique, une sorte d'entité administrative qui, à côté des pouvoirs déjà constitués, et en dehors des tribunaux, décide, juge et exécute. " Auront pour cet effet les directeurs : poteaux, carcans, prisons et basses-fosses dans ledit Hôpital général et lieux qui en dépendent comme ils aviseront, sans que l'appel puisse être reçu des ordonnances qui seront par eux rendues pour le dedans du dit Hôpital ; et quant à celles qui interviendront pour le dehors, elles seront exécutées pour leur forme et teneur nonobstant oppositions ou appellations quelconques faites ou à faire et sans préjudice d'icelles [celles-là], et pour lesquelles nonobstant toutes défenses et prises à
partie ne sera différé ."
Souveraineté quasi absolue, juridiction sans appel, droit d'exécution contre lequel rien ne peut prévaloir - l'Hôpital général est un étrange pouvoir que le roi établit entre la police et la justice, aux limites de la loi : le tiers ordre de la répression. Les aliénés que Pinel a trouvés à Bicêtre et à la Salpêtrière, c'est à ce monde qu'ils appartenaient. (...)
La première origine du projet avait été parlementaire , et les deux premiers chefs de direction qu'on avait alors désignés étaient le premier président du Parlement et le procureur général. Mais très vite, ils sont doublés par l'archevêque de Paris, le président de la Cour des aides, celui de la Cour des Comptes, le lieutenant de police et le Prévôt des marchands. Dès lors le "Grand Bureau" n'a plus guère de rôle que délibératif. L'administration réelle et les véritables responsabilités sont confiées à des gérants qui se recrutent par cooptation. Ce sont eux les vrais gouverneurs, les délégués du pouvoir royal et de la fortune bourgeoise auprès du monde de la misère ."

reproduction de la Salpétrière, un des bâtiments rattachés à l'hôpital général, gravure visible sur le remarquable site canadien: http://www.mcq.org/histoire/filles_du_roi/imgsalp.html

 

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